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Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl SB EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1800 Société des Viticulteurs de France el d'Ampéiographie CONGRÈS INTERNATIONAL DB VITICULTURE • 13-17 Juin 1900. Paris COMPTE RENDU PARIS ?OCIÉTÉ DES VITICULTEURS DE FRANCE ET D'aMPÉLO GRAPHIE T J V^ ^J n X CONGRÈS INTERNATIONAL DE VITICULTURE ORGANISATION Aux Congrès internationaux d'Agriculture tenus à Paris en 1889, à la Haye en 1891, à Bruxelles en 1895, à Budapest h en 1896, et à Lausanne en 1898, la Viticulture n'a point occupé une place à part. • Il a paru que Timportance chaque jour plus grande des ques- tions viticoles et des intérêts qui s'y rattachent rendait nécesscure une organisation spéciale, un groupement distinct, permettant un M, examen plus complet et plus approfondi des problèmes soulevés par la réfection du vignoble sur des bases nouvelles et les ré- centes conquêtes de la science. 5 Les .divers Congrès viticoles qui ont eu lieu depuis vingt ans, en France et à l'étranger, ont établi la faveur dont ces manifes- tations jouissent auprès des viticulteurs de tous les pays, et les améliorations pratiques dont ils sont la source : on peut dire que chacun d'eux a été le point de départ d'un progrès nouveau. La Commission supérieure des Congrès qui auront lieu à l'oc- casion de l'Exposition universelle de 1900 a bien voulu rattacher le Congrès international de Viticulture à la série des Congrès de l'Exposition, et désigner la Commission d'organisation qui aurait pour tâche d'en assurer la réalisation. Le Congrès international de Viticulture se tiendra à Paris du 13 au 17 juin 1900, Les souscriptions au Congrès sont reçues par M. Prosper Ger- 398770 ■ t .'-■•', V ' V ' . ' -, VAIS, secrétaire général de la Commission d'organisation, rue '\ . , Cambon, 20, à Paris. La cotisation (art. 3 du règlement) est fixée à iO francs. Les membres du Congrès recevront gratuitement les publications du Congrès. Ils prendront part aux séances et aux excursions et visites qui seront organisées par le Congrès. Les conditions dans lesquelles se feront ces excursions seront in- diquées ultérieurement. - '1 - 1 ' " ^ r ) ■ ** 1 •>*' . " • Kl",' ^ ■■;. : ii > COMMISSION D'ORGANISATION Présidents d'honneur : MM. MÉLiNE (Jules)» ancien président du Conseil des ministres, ancien Mi- nistre de l'Agriculture, député, vice-président de la Société Natio- nale d'Agriculture ; GoMOT (Hippolyte), ancien Ministre de l'Agriculture, sénateur du Puy- de-Dôme ; TuRREL (Adolphe), ancien Ministre des Travaux Publics, ancien député, propriétaire-viticulteur. Président : M. Tisserand, directeur honoraire de l^Vgriculture, conseiller maître à la Cour des Comptes, président de la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie. Vice-présidents : MM. DU Perier de Larsan, député ; Prilueux, sénateur, membre de la Société Nationale d'Agriculture , le marquis de Barbentane, vice-président de la Société des Agricul- teurs de France, président de la section de viticulture ; Saint-René Taillandier, vice-président de la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie ; le comte Raoul Chandon de Briailles, vice-président de la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie. Secrétaire général : M. Gervais (Prosper), membre correspondant de la Société Nationale d'Agriculture, membre du Conseil de la Société des Agriculteurs de France, secrétaire général de la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie. ^ 5 — Secrétaire général adjoint : M. Gazelles (Jean), membre du Conseil supérieur de l'Agriculture, membre du Conseil de la Société d'encouragement à TAgriculture, secrétaire général adjoint de la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie. Secrétaires \ MM. . LiouviLLE, avocat à la Cour d'Appel de Paris, propriétaire-viticulteur ; Marsais, sous-chef de bureau au Ministère de l'Agriculture ; Gavoty, propriétaire-viticulteur. Trésorier : M. Gausse (Pierre), propriétaire-viticulteur. Membres : MM. Bethmont, propriétaire-viticulteur, vice-président de la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie. Bouchard, délégué, chef du Service pKylloxérique de Maine-et-Loire. BoucHARDAT, membre de l'Académie de médecine, professeur à l'Ecole supérieure de pharmacie. Gastel, ancien président de la Société Centrale d',Agriculture de l'Aude. Ghanut (D'), propriétaire-viticulteur. Cornu (Maxime), professeur au Muséum d'histoire naturelle, membre de la Société Nationale d'Agriculture. CoT (D'), ancien député, propriétaire-viticulteur. Gote-Blatin, propriétaire-viticulteur. GouANON (G.), inspecteur général de la viticulture. Dabat, sous-directeur de l'agriculture au Ministère de l'Agriculture. Degrully, professeur à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Montpellier, directeur du Progrès agricole et viticole. Deloncle (Charles), publiciste agricole, inspecteur de la pisciculture, chef de cabinet du Ministre de l'Agriculture. Dezeimeris, propriétaire-viticulteur, ancien président du Conseil gé- néral de la Gironde. Dollfus-Galline, propriétaire-viticulteur. Dreux-Brézé (le comte de), propriétaire-viticulteur. DupoRT (Emile), ancien président de la Société régionale de Viticul- ture de Lyon, correspondant de la Société Nationale d'Agriculture, membre du Conseil de la Société des Agriculteurs de France, vice- président de la Société des Viticulteurs de France et d'ampélo- graphie. DuvERGiER DE Hauranne, propriétaire-viticulteur. Ferrouillat, directeur de l'Ecole Nationale d'Agriculture de Mont- pellier. t — 6 — FOEX, inspecteur général de la viticulture. FORTUNET, ancien président de la Société d'Agriculture de Vaucluse. Gautier, inspecteur d'académie, propriétaire-viticulteur. HÉRISSON, professeur à l'Institut National Agronomique, président de la Société Centrale d'Agriculture du Gard. Jaubert, directeur de la Ferme-Ecole de Royat (Ariège). Lagrenée, secrétaire général de la Compagnie des Salins du Midi. Lapparent (de), inspecteur général de l'agriculture. Larnaudb, professeur à la Faculté de droit, propriétaire-viticulte\ir. Laurent, membre du Conseil supérieur de l'Agriculture, président de la Société départementale d'encouragement à l'agriculture de l'Hérault I.eroy-Beauueu (Paul), membre de l'Institut, professeur au Collège de France. LuGOL, président de l'Union des Associations agricoles du Sud-Est. Marraud, propriétaire-viticulteur. Massardière (de la), membre de la Société Nationale d'Agriculture» membre du Conseil de la Société des Agriculteurs de France. MiCHON (Dp, membre du Conseil de la Société des Agriculteurs de France^ MiR, sénateur de TAude, propriétaire-viticulteur. MuNTZ, membre de l'Institut, professeur à l'Institut National Agrono mique. Petit de Forest, ingénieur des arts et manufactures, proprié taire- vi- ticulteur. Peton (D'), propriétaire-viticulteur. Ricard, propriétaire-viticulteui . Roy-Chevrier, ancien président de la Société de Viticulture de Chalon- sur-Saône, correspondant de la Société Nationale d'Agriculture. RouviER, conseiller général de la Charente-Inférieure, propriétaire- viticulteur. Salomon, propriétaire-viticulteur. Thénard (le baron A.), membre de la Société Nationale d'Agriculture. Vermorel, correspondant de la Société Nationale d'Agriculture, pro- priétaire-viticulteur. Verninac (de), sénateur du Lot, vice-président du Sénat. ViALA (Pierre), membre de la Société Nationale d'Agriculture, ins- pecteur général de la viticulture, professeur à l'Institut National Agronomique. Villeneuve (le comte), propriétaire-viticulteur. RÈGLEMENT DU CONGRÈS Article premier. Conformément à l'arrêté ministériel en date du 11 juin 1898. il est institué à Paris, au cours de l'Exposition universelle de 1900, un Congrès international de Viticulture. — 7 — Art. 2. Ce congrès s'ouvrira le mercredi 13 juin, dans la salle des Congrès de TExposition, et durera les 14, 15 et 16 juin 1900. Art. 3. Seront membres du Congrès les personnes qui auront adressé leur adhésion au secrétaire général de la Commission d'organi- sation avant l'ouverture de la session, ou qui se seront fait inscrire pendant la durée de celle-ci, et qui auront acquitté le montant de la cotisation fixée à 10 francs. Art. 4. Lies sociétés d'agriculture, comices, syndicats, et généralement toutes associations ayant un caractère agricole, peuvent faire partie du Congrès et y envoyer des délégués : la cotisation est due pour chaque délégué. Art. 5. Sur le payement de leur cotisation, les membres du Congrès recevront une carte qui leur sera délivrée par les soins de la. Com- mission d'organisation. Ces cartes, qui ne donnent aucun droit à l'entrée gratuite à l'Exposition, sont strictement personnelles. Toute carte prêtée sera immédiatement retirée. Art. 6. Les membres du Congrès recevront, en outre, gratuitemeht toutes les publications émanant du Congrès, y compris le compte rendu in extenso de ses travaux,- lequel sera publié par les soins de la Commission d'organisation. Art. 7. Le bureau de la Commission d'organisation fera procéder, lors de la première séance, à la nomination du bureau du Congrès, qui aura la direction des travaux de la session. Art. 8. Le Congrès comprend des séances générales, des visites à des établissements viticoles et agricoles, et des excursions dans les principaux vignobles des différentes régions de la France. Les délégués des administrations publiques françaises et étrangères, ainsi que les membres de l'enseignement agricole jouiront des avantages réservés aux membres du Congrès. — 8 — Art. 9. Aucun travail ne peut être présenté en séance, ni servir de point de départ à une discussion si avant le 1*' avril 1900, Fauteur ne Ta communiqué à la Commission d'organisation. Art. 10. Les membres du Congrès qui auront pris la parole dans une séance devront remettre au secrétaire, dans les vingt-quatre heures, un résumé de leurs communications pour les procès- verbaux. Dans le cas où ce résumé n'aurait pas été remis, le texte rédigé par les secrétaires en tiendra lieu. La langue française sera adoptée pour les publications et les procès-verbaux du Congrès. Art. 11. # Les orateurs ne pourront occuper la tribune pendant plus de quinze minutes, à moins que l'Assemblée consultée n'en décide autrement. Art. 12. Le bureau du Congrès statue en dernier ressort sur tout incident non prévu au règlement. Toutes les communications relatives au Congrès doivent être adressées à M. Prosper Gervais, secrétaire général de la Com- mission d'organisation, rue Cambon, 20, Paris. phograMxMe du congrès Historique de la crise viticole. — RappoTteur : M. Foex. La reconstitution du vignoble : Porte-greffes ; — Adaptation ; — Affinité ; — Producteurs directs. — Rapporteur : M. Prosper Gervais. Maladies de la vigne : Cryptogames ; — Insectes. — Rapporteur : M. Pierre Viala. Maladie des vins. -^ Progrès de la vinification. — Rapporteur : M. Gayon. Le vin et l'hygiène. — Rapporteur: M. le docteur Charrin. 1 — 9 — Etablissement d'une ampélographie universelle. — Rapporteur M. COUANON. Le Congrès sera suivi d'excursions dans les principaux vignobles des différentes régions de la France. INSTRUCTIONS GÉNÉRALES Le programme précédent comprend les questions sur lesquelles des rapports seront présentés aux délibérations du Congrès. Les viticulteurs de tous les pays sont invités à transmettre à la Commission d'organisation les observations et les travaux sur les questions inscrites au programme ainsi que les documents qui s'y rapportent. Le délai pour ces diverses communications est fixé au r' avrU 1900. LISTES DES ADHÉRENTS AU CONGRES Délégués officiels étrangers : AUTRICHE M. Mach (Edmond), conseiller aulique du Ministère de TAgriculture, à Vienne. EQUATEUR (RëpubUque de F) M. Lespagnol de la Tramerye (Paul), 10 hU, rue Paul-Baudry, à Paris. ESPAGNE M. Garcia de los Salmones (Nicolas), a Pampelune (Espagne). ÉTATS-UNIS MM. WiLUAM B. Alwood, représentant honoraire du Département National d'Agriculture. Baldwin (C.-A.). Dubois (E.), rapporteur du Jury des vins à l'Exposition de Chicago. MORAÉS (C.-L.-P.). Colonel B. C. Truman, professor. Vance (L.-J.), American Wine Press, à New- York. HONGRIE MM. DE DoBOKAY (Louis), Conseiller ministériel, Commissaire général pour la Viticulture au Ministère de TAgriculture de Hongrie. KosiNSKY (Victor), directeur de l'Ecole de Viticulture, à Arad. ITALIE M. DoTT. Leobaldo Danesi, inspecteur de l'Agriculture, à Romo MEXIQUE MM. Manuel Florès (D'), Officier de l'Instruction Publique, Chevalier du Mérite Agricole, député au Congrès Fédéral du Mexique. Journa- liste, professeur à l'Ecole Normale de professeurs, chef des groupes XIV et XV de la Commission Mexicaine à l'Exposition Universelle de 1900. — 11 — M. Enrique h. Garibay, secrétaire au Ministère de « Fomento », de Mexico, adjoint aux groupes VII, VIII et X de la Commission Mexicaine à l'Exposition Universelle de 1900. ROUMANIE ■ M. NicoLÉANp (G. N.), ingénieur agricole, chef du Service viticole au Mi- nistère de TAgricultufe, Officier de la Couronne de Roumanie, Che- valier du Mérite Agricole de France. RUSSIE M. Basile Tairoff, consultant au Ministère de l'Agriculture et des Do- maines, rédacteur en chef du Westnick-Vinodelia à Odessa, 48, rue Kanatnaïa. TURQUIE M. EcKERUN (Ch.), Inspecteur de la Viticulture, Délégué de la Dette Pu- blique Ottomane, à Constantinople. Délégués officiels français : MINISTÈRE DE L AGRICULTURE MM. DE Brézenaud, Inspecteur de l'Agriculture. CouANON, Inspecteur général de la Viticulture FoEX, Inspecteur général de la Viticulture. de Lapparent, Inspecteur général de l'Agriculture. ViALA, Inspecteur général de la Viticulture. MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES M. Pascal d*Aix, consul de France, attaché à la direction des consulats. MINISTÈRE DE LA GUERRE M. Emé de Marcieu, capitaine au 10® régiment de dragons. Délégués de Sociétés et Journaux agricoles étrangers : ALLEMAGNE Chambre d'Agriculture de Wiesbaden : M. Dern (Auguste), à Erbach in Rheingau. — 12 — Société viticole allemande : M. Buhl (F.), propriétaire-viticulteur, à Deidesheim. Office Impérial Sanitaire : Otto Appel (D'), assistant en botanique, à Berlin. Société vinicole allemande : M. le Conseiller Royal Dahlen, secrétaire général, à Wiesbaden. HONGRIE Société Nationale d'Agriculture de Hongrie : ' MM. DE Baross (Charles) ,propriétaire-agriculteui-, propriétaire et rédacteur du Journal de Viticulture de Boraszati-Lapok, à Budapest. DnucKER, rédacteur en chef au Journal de Viticulture de Borasiati- Lapok, à Budapest. KosiNSKT (Victor), Directeur de FEcole de Viticulture, à Arad. DE Laczay, propriétaire-viticulteur, à Sarospatak. ITALIE Societa degli Agricoltori Italiani à Rome : M. CLEMENTE Grimaldi (D'), docteur ès-sciences agraires, à Modica (Sicile). Comice Agricole de Messina. — Catania. -^ Acireale. — Piazza Armerino. — Patti. — Trapani. — Avola. — Noto. — Mazzaro del Vallo. La Viticoltura Moderna de Palerme (Sicile). Rusticus de Noto (Sicile). ' Journal Vltalia Agricola, à Plaisance, délégué : M. Cavazza (Donuzio), professeur d'Agriculture, directeur de TUfficio agrario, Palazzo Communale, à Bologne. Il V orner Corriera délia provincia di Trapani, délégué : M. Mario Be- RARDO DI FERRO. PORTUGÂIi Real Associaçâo da Agricultura Portugueza, à Lisbonne : MM. Alfredo Barjona de Freitas, de FEtat-Major de Tarmée, ancien député aux Cortès, Avenida da Libertade, 83, à Lisbonne. Antonio de Vasconcellos, propriétaire-agriculteur, à Gollega. B. C. CiNCiNNATO DA CosTA, du Conscil supérieur de TAgriculture, an- cien député aux Cortès, professeur à l'Institut agronomique de Lis- bonne, directeur de la Royale Association Centrale de l'Agriculture Portugaise, délégué agricole à la Commission d'organisation de la Section portugaise à l'Exposition Universelle de 1900, à Lisbonne. — 13 — MM. DoMiNGOS, PiNTO CoELHO, du Conseil supérieur de l'Agriculture, avocat, directeur de la Royale Association Centrale de l'Agriculture Por- tugaise. Henrique de Mendia, du Conseil supérieur de l'Agriculture, député aux Cortès, professeur à l'Institut agronomique de Lisbonne ; membre de la Société des Agriculteurs de France, propriétaire-agri- culteur, Travessa da Condessa dp Rio, 5, à Lisbonne. JoAQUiM José de Azevedo, chef de Section à la Direction de l'Agricul- ture, agronome, rédacteur du Bulletin de la Royale Association Centrale de V Agriculture Portugaise, à Lisbonne. JoAQUiM Rasteiro, agronome, propriétaire-agriculteur, ancien direc- teur de l'Ecole de Viticulture « Fencira Lapa ». à Azeitâo. José Guilherme Macieira, chevalier de la Légion d'honneur, membre du Jury à l'Exposition Universelle de 1889, Avenida da Libertade, 124, à Lisbonne. José Relvas, propriétaire-agriculteur, Quinta dos Patudos-Arréfriado. D. Luiz DE Castro, ancien député aux Cortès, directeur de la « Royale Association Centrale de l'Agriculture Poirtugaise », délégué agricole à la Commission d'organisation de la Section portugaise à l'Expo- sition Universelle de 1900, rua do Prior, 42, à Lisbonne. Pedro Antonio Monteiro, professeur au Lycée Central de Lisbonne, propriétaire-agriculteur, rua Andrade, 14, à Lisbonne. SUISSE Station Viticole de Ruth, à Genève : M. de Candolle (Lucien), prési- dent du Comité, 9, Cour de Saint-Pierre, à Genève. Station Viticole de Lausanne : M. Dufour (D' Jean), directeur. Réunion des Agriculteurs de la Suisse Allemande : MM. Morgenthaler (D'), professeur de viticulture, à Zurich. Krauer-Widmer, professeur de viticulture à l'Ecole Polytechnique de Zurich. Membres étrangers: MM. Athaide (Auguste d'), propriétaire, à Ponta Delgado, San-Miguel (Açores). Albuquerque (Manuel d'), viticulteur, ingénieur des Ponts-et-Chaus- sées, 80, rue de Rosario, à Porto (Portugal). Aguilo y Cortès (Isodore), ingénieur, agronome de la province de Bar- celone, à Barcelone, Caspe, 75, 3*. Adamovich (Alexandre), propriétaire- viticulteur, à Neusatz (Hongrie). BoHUS (Ladislas, Baron de), membre de la Chambre Haute du Parle- ment hongrois, Budapest. Boris Ossovetsky, chef des Caves de Rischon-le-Zion, Jaffa (Palestine). Bxjrnat (Jean), propriétaire-viticulteur, à Vevey (Suisse). Di BoNA, docteur-médecin, via Liberta 2a, traversa Sinistra, Palazzo- Nicolini, à Palerme (Sicile). — 14 — MM. Benégas (Pedro), propriétaire-viticulteur, à Mendoza (République Argentine). Basaroff (a. de), conseiller d*Etat actuel, membre du Comité scient! fique au Ministère d* Agriculture et des Domaines de l'Etat de Russie, à Saint-Pétersbourg. Comice Agricole de Mantoue (Italie). DuMAHEST (Maurice), propriétaire-viticulteur, à Trevi (Umbria), Corso n? 504, à Rome (Italie). DiAZ DE Vargas y Paier (Luis), propriétaire-viticulteur, rue Zaragoza, 11, à Cadix (Espagne). DUDAN (Mathieu), professeur d'agriculture, à Lussin-Piccolo (Autricû^ Hongrie). Fontrodon Almirall (Cayetano), avocat, président du Centre Agri- cole du Panades, Pelayo, 40, prâl, à Barcelone (Espagne). Faure (Paul), directeur des Pépinières du Ministère de l'Agriculture de l'Etat de Russie, à Odessa. Gagnaire, régisseur, à Veyrier-sur-Salève, Canton de Genève (Suisse). DE Gargan (Baron Charles-Joseph), propriétaire-viticulteur, à Luxem- bourg (Grand Duché de Luxembourg). Grèze (Gabriel), viniculteur, 357, Boulevard Santa Fecino, à Rosario de Santa-Fé (République Argentine). Gavra Plavsics, pharmacien et propriétaire-viticulteur, à Ujvidek Neusatz-Nobocag (Hongrie). GuARDiOLA (Emilio Lopez), D. Juan de Villa vraso, n<» 2, à Valencia (Espagne). Galitzine (prince), vice-président du Jury international de la classe 60, à l'Exposition Universelle de 1900, 85, Avenue d'Orléans, à Paris. Grunélius (Maurice), propriétaire-viticulteur. Château de Kolbsheim (Alsace). Hubert Hewick, propriétaire-viticulteur, à Presbourg (Hongrie). lESTAEDT, propriétaire, à Fulda (A! emagne). Kattus (Johann), propriétaire, I am Hof 8, à Vienne (Autriche). Kanbelaky (Eugène), oenologue, à Seliam-Jalta (Crimée). KiEPEN (Alexandre), agronome, à Kichinev (Bessarabie), (Russie Méri dionale). KôVESSi, inspecteur de viticulture et de vinification du Royaume Hon- grois, à Budapest Milan Kapetanovits, professeur à l'Ecole Technique, à Belgrade (Serbie). MiCHELi (Marc), correspondant de la Société Nationale d'Agriculture, Château du Crest, par Jussy, à Genève (Suisse)v Muller-Thurgau (Prof.-D'), Direktor der Deutsch-Schweiz-Versuchs- Station und Schule fur Obst-Wein und Gartenbau-Wœdensweil. Munerati (Ottavio), professeur d'agriculture, à Rovigo (Italie). MORENVO Y Delgrado (Miguel), viticulteur, à Moral de Calatrava (Ciudad Real (Espagne). Madero y Hnos (Ernesto), viticulteur, à Parras-Coahuilo (Mexique). Marques de Carvalho (Joâo), propriétaire-viticulteur, i!i Valle de Ca vallos. Chamusca (Portugal). — 15 — MM. DE Mariassy (François), propriétaire-viticulteur, à Markusfalva (Hongrie). DEL Noce (Dott. Giovanni Battysta), direttore délia R*» Vivalo di Viti Americane, in Barletta (Italie). NiPEïLLER (Adolf), propriétaire, à Kaif arslautern (Allemagne). Opl (Ant. Josef), œnologue, chef des caves impériales-rpyaJes, à Vienne (Autriche). Ottavi (Eduardo), député au Parlement italien, directeur du Journal Vinicoley à Casale-Montferrat (Italie). PoLESi (Wilhem), viticulteur, Etablissement III/I. Baûmgasse, n** 41. à Vienne (Autriche). DE PiRQUET (Baron Silverio), agronome, à Hirschstetten, poste Stadlau, près Vienne (Autriche). Perrotta (Dott. Gamine), direttore délia R. Gantina sperimentale dei Vivaî Govemativi de Viti Americane nelle province de Siracusa, à Notto (Sicile). Pereira Gabral (Alfonso), ingénieur, propriétaire-viticulteur, à Regoa (Portugal). PosESCU (Jean), viticulteur et apiculteur, Strada Mavrodolu, 4, à Pitesti (Roumanie). Pinelu-Gentile (Marquis Joseph), viticulteur, Ghâteau de Tagliolo province d* Alexandrie (Italie). ^ Papanicolas (Basile), propriétaire-viticulteur, 49, rue du Stade, à Athènes (Grèce). PoRTELE (K.), directeur de TEcole agricole et Station expérimentale, à Saint-Michel A/E. (Autriche). PiETSCHMAN (Karcl), contrôleur de la Viticulture du prince George de Lobkowiez, à Melnik (Bohême). Pavoncelli (J.), Gommandeur, vice-président du Parlement italien, à Rome. Ranieri Pini, œnotechnicien, directeur, propriétaire de la « Toscana vinicola et olearia », via deir Oche, 11, à Florence (Italie). Rebora (Giuseppe), propriétaire-viticulteur, à Novi-Ligure (Italie). Randona (Angelo), propriétaire, à Gênes (Italie). RiCARDO LoRENZALE Y PujOLS, viticulteur, Pasco de Grascia, n" 32, à Barcelone (Espagne). RosENBECK (Jules), Chef de Viticulture à la colonie de Zicron-Jacob, à Gaiffa (Syrie). Serboulenko (Pierre), œnologue, à Seliam-Jalta (Grimée). Station Viticole de Ruth, à Genève (Suisse). Société Nationale d'Agriculture de Hongrie, IX Ulloint, 25 (Kozteler), à Budapest. Sabaté (Jacques, père), viticulteur, directeur du Gentre viticole del Pa- nades, à Villafranca del Panades, province de Barcelone (Espagne). Sabaté (Jacques, fils), viticulteur, à Villafranca del Panades (province de Barcelone (Espagne). SiMOES (Alvaro), viticulteur, à Alpiarca (Portugal). Real Associaçâo Gentral da Agricultura Portugueza, à Lisbonne. ToRKOMiAN (Kevork), directeur de l'Institut Sericicole, à Gonstantinople (Turquie). I I — 16 — MM. Thiébault (Victor), directeur de l'Entreprise des vins mousseux des Apanages impériaux, Domaine d'Abrau-Durso, près Novorossisk (Caucase). Uriburu y Medici, Calle Reconquista, 446, à Buenos-Ayres (République Argentine). Vallesk (Ferdinando), direttore délia R. Scuolo pratica d'Agricultura di Marsala, à Marsala (Italie). Velloso d'Araujo (Eduardo), Gonçalo Christovâo, 216, à Porto (Por- tugal). Velloso d'Araujo (Alberto), viticulteur, à Negrellos (Portugal). ViLLARiNHO DE San Romao, ingénieur des ponts et chaussées, membre de la Commission ampélographique du Portugal, 87, Travarsa do Carregal, à Porto (Portugal). DE WiNTER (Nicolas), diplômé de la Faculté des Sciences de Saint-Pé- tersbourg (Russie). Zandar (Enrico), professeur-viticulteur, à Cagliari (Sardaigne). ZuNO (Nunzio), professeur à TEcole, d'application d'ingénieurs et archi- tectes de Païenne, via dell' Esposizione, Palazza Zûno, à Palerme (Sicile). Membres français : MM. c'Alexandry d'Orengiani (Baron Humbert), propriétaire, à Château- Chinon, Chambéry (Savoie). Allard-Rey (Emile), viticulteur, à Cabannes (Bouches-du-Rhône). Alluchon (Eugène), directeur de la Terre et Distillerie de la Briche, pré- sident de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, à La Briche, par Rillé (Indre-et-Loire). d'Andigné (Marquis), 7, rue de Lille, à Paris. Andrieu (Pierre), œnologue, 18, rue de la Sorbonne, Paris. Andouard (Ambroise), directeur de la Station agronomique de la Loire- Inférieure, 26, boulevard Victor-Hugo, à Nantes. Arlan (Louis), propriétaire, à l'Etang-de-Marseillette, par Puichérie (Aude). Armand, président, délégué du Syndicat Agricole et Viticole de l'arron- dissement d'Auxerre. ASTiER (François), vice-président de la Société départementale d'en- couragement à l'Agriculture de l'Hérault, 1, Chemin de Palavas, à Montpellier. ASTnsR (Alexandre), viticulteur, secrétaire du Comité de l'Exposition de 1900, chef de division à la Préfecture du Var, 26, boulevard des Marronniers, à Draguignan. ASTRic (Guillaume), 11, faubourg de Laites, à Montpellier (Hérault). AsTRUC (Henri), préparateur à la Station œnologique de l'Aude, à Nai*- bonne. Audibert, propriétaire, à la Crau (Var), délégué de la Société d'Agricul- ture et d'Acclimatation du Var. -^ 17 — MM. AuGÉ (Eugène), secrétaire général de la Société d'Agriculture des Pyrénées-Orientales, 1, place de la Banque, à Perpignan. Bacon, professeur spécial d'agriculture, à Saumur (délégué du Comice agricole de Saumur). Bailly (Louis), propriétaire-viticulteur, à Montcorlier, par Marcign^ (Saône-et-Loire). Balleydier (Xavier), viticulteur, à Marcigny (Saône-et-Loire). Barba (Georges), préparateur à la Station œnologique du Gard, Quai de la Fontaine, à Nîmes. DE Barbentane (Marquis), vice-président de la Société des Agricul teurs de France, président de la Section de Viticulture. Bard (Antoine), viticulteur, 59, rue Montlosier, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Bargel, secrétaire général du Syndicat agricole des quatre cantons : Meulan, Poissy, Marines et Limay, à Meulan (Seine-et-Oise). Barathon, propriétaire, à Bouillet, par le Montet (Allier). Bardin, propriétaire, 32, rue Mozat, à Riom. Barraud (Jean), président du Syndicat agricole et viticole de Segonzac, propriétaire, à Bouchet, près Segonzac (Charente). Barrot (Raymond), président du Comice agricole de Philippeville \(Algérie), à Bougival (Seine-et-Oise). Bienvenu (Martin), président, délégué de la Société Vigneronne de l'Yonne, à Auxerre. Bary, propriétaire-viticulteur, à Carcassonne (Aude). Berge (René), propriétaire, 12, rue Pierre-Charron, à Paris Bertrand (Fortuné), conseiller général, à Vacqueyrks (Vaucluse). Bertrand (Joseph), propriétaire, à TArba (Algérie). Berthet (François), propriétaire. Les Arcs (Var). BÉssÈDE (Jean), 27, boulevard de la Corderie, à Marseille. Bethmont (Daniel), propriétaire-viticulteur, vice-président de la So- ciété des Viticulteurs de Franc e et d'ampélographie, 14, boulevard Emile-Augier, à Paris. BicHARRETTE, directeur de la Société des Filtres Gasquet, 110, rue Notre-Dame, à Bordeaux (Gironde). BiDOU (Louis), propriétaire, à Chavagny, hameau de Seyssel (Haute- Savoie). BiDOUZE (Denis), viticulteur, à l^ontlezun (Gers). BiLLARD-LÉCHENAULT, viticultcur, à Pommaud (Côte-d'Or). Blanc-Perducet, avocat, à Aubenas (Ardèche). Blanchet (Camille), viticulteur, à Briare (Loiret). BocQUET (Léonce), propriétaire, à Savigny-les-Beaune (Côte-d'Or). BoNNARME (Hyppolite), viticulteur, au Blanc (Indre). Bonnet, propriétaire-viticulteur, à Murigny-Reims (Marne). DE BONNEVAL (F.), président du Syndicat de Saint- Vincent-d'Issoudun (Indre), 30, rue Las-Cases, à Paris. BoNVALET (Jules), propriétaire, 26, avenue Niel. à Paris. BoTTON, viticulteur, délégué de l'Union Horticole et Viticole de Ville- franche et du Beaujolais, route de Riottier, à Villefranche. " 18 — MM. Bouchard, délégué, chef du Service phylloxérique de Maine-et-Loire, à Angers. BoucHARDAT, membre de l'Académie de Médecine, profasseur à TEcole supérieure de pharmacie, 108, boulevard Saint-Germain, à Paris. BoucHET, ingénieur, 22, rue Alphonse-de Neuville, à Paris. Bouhey-Allex, viticulteur, maire de Villiers-le-Faye, par Corgoloin (Côte-d'Or). Boulinaud (Amédée), propriétaire, à La Groie, commune de Cognac (Charente). DE BouTEYRE, président de la Section de Viticulture de la Société d'Agriculture de la Nièvre, aux Munots, par La Charité (Nièvre). Bouvier (Léon), directeur du journal Le Salinois, à Salins (Jura). Braussaud (Ferdinand), propriétaire-viticulteur, 1, rue Alsace-Lor- raine, à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Brenieb (Casimir), 20, avenue de la Gare, à Grenoble (Isère). Brochard (Louis), propriétaire, au domaine de TEtang, par Martigné- Briand (Maine-et-Loire). Brun (Claude), directeur du Réveil agricole de Marseille, 15, Quai du Canal, à Marseille Bruneton fFernand), président de la Société centrale d'Agriculture du Gard, 17, boulevard Victor-Hugo, à Nîmes. Burelle, président de la Société régionale de Viticulture de Lyon, 1, rue Vaubecour, à Lyon (Rhône). Campredon, négociant, 52, 54 et 56, boulevard de Rome, à Marseille (Bouches-du-Rhône). Capdeville, propriétaire, à Saubens, par Muret (Haute-Garonne). Carrière (Félix), ancien inspecteur des forêts, viticulteur, à Royan (Charente-Inférieure). Castel (Pierre), ancien président de la Société centrale d'Agriculture de FAude, 71, Grande-Rue, à Carcassonne (Aude). DE Catheu, propriétaire-viticulteur, 9, rue de Villersexel, à Paris. Causse (Pierre), propriétaire-viticulteur, 60, rue de Londres, à Paris. Cazeaux-Cazalet (Georges), conseiller général, président du Comice viticole de Cadillac, délégué du Comice. Gazelles (Jean), membre du Conseil supérieur de l'Agriculture, con- seiller général du Gard, propriétaire-viticulteur, à Saint-Gilles (Gard), à Paris, 131, boulevard Malesherbes. Callé, secrétaire, délégué de la Société vigneronne de TYonne, à Auxerré. Claude, président, délégué de la Société d'Horticulture et de Viticul- ture des Vosges, à Epinal. Gazelles (J.-J.-Emile), propriétaire, 2, rue Séguier, à Nîmes (Gard). Chaigneau (Camille), propriétaire, au domaine de Moptaud-Pierrefeu (Var). Chaigne (Gabriel), procureur de la République, à Cahors (Lot). Chaize (Charles), viticulteur, à Villerest, par Roanne (Loire). Chandon de Briailles (le comte R.), vice-président de la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie, à Epemay (Marne). Chanut (D'), propriétaire- viticulteur, à Vosl tre en même t^mps dans llndre, le Loir-et-Cher et le Loiret. En 1879, les deux grandes taches de TOcéan et de la Méditerranée se sont rencontrées à travers le Tarn-et-Garonne et le Tarn. Au- jourd'hui tout près de deux millions d'hectares situés dans cin- quante-quatre départements sont atteints en France, et de nos grands vignobles il n'en reste plus un qui soit encore indemne. Pour se faire une idée de l'importance du désastre éprouvé par notre viticulture, on remarquera qu'en estimant seulement à 2.500 francs par hectare l'excédent de valeur que la vigne donne au sol, c'est un capital de cinq milliards qui a été détruit, sans tenir compte, dans certains cas, de la perte à peu près totale de la valeur du fonds lui-même, dans le cas où îa vigne était la seule culture possible. D'autre part notre récolte de vin,^ qui s'était élevée jusqu'à 83.800.000 hectolitres en 1875, descendait rapidement en 1879 à 25.770.000 hectolitres pour arrive^ en 1889, après diverses oscillations, au minimum de 23.200.000 hectolitres. Pendant ce temps le chiffre de nos importations en vins étrangers allait en augmentant et passait de 126.000 qu'il atteignait en 1870 à 2.900.000 en 1880, — 8.980.000 en 1883, — 12.280.000 en 1887 et 12.670.000 en 1891. Enfin la consommation de l'alcool allait en augmentant au fur et à mesure que celle du vin baissait : de 755.000 hectolitres qu'elle représentait en 1870, elle arrivait à 1.313.000 hectolitres en 1880 et atteignait, en 1893, 1.735.000 hec- tolitres, doublant et au-delà en vingt-trois ans. Pendant cette période les hygiénistes et les criminalistes signalaient l'accroisse- ment rapide de l'alcoolisme et de ses effets désastreux. Nous ferons remarquer en passant que ces faits et beaucoup d'autres qu'il serait facile de réunir montrent que d'une manière générale l'usage habituel du vin est la meilleure sauvegarde contre l'al- coolisme et que la consommation journalière des vins rouges bon marché plus facile à faire admettre par les classes ouvrières et mieux en rapport avec leurs conditions d'existence que l'absti- nence totale parmettraient aux sociétés qui combattent l'alcoo- lisme d'exercer une action beaucoup plus étendue que celle qu'atteignent les méthodes trop exclusives de la plupart d'entre elles. Aux dommages que nous venons d'indiquer, s'en ajoutèrent forcément une foule d'autres ; dans les centres viticoles impor- tants tels que le Bas-Languedoc, le mouvement d'affaires consi- dérable auquel donnait lieu la vente du vin s'arrêta peu à peu ; les maisons de commerce de vins se transportèrent en Espagne et en Sicile, la banque dont les opérations étaient surtout ali- mentées par le commerce local et le commerce de détail qui — 39 — vivait de la prospérité générale subirent une crise sérieuse, la propriété rurale et même la propriété urbaine furent fortement dépréciées, le crédit se resserra et les expropriations d'autorité de justice se multiplièrent. Cet état de choses si désastreux s'est fort heureusement gran- dement modifié depuis lors au fur et à mesure que les vignobles se reconstituaient. Notre production viticole s'est relevée jusqu'à atteindre de nouveau, en 1893, 50.000.000 d'hectolitres, quantité qui dépasse les besoins de notre consommation nationale ; l'im- portation des vins étrangers a suivi naturellement une marche décroissante, s'abaissant en 1894 à 5.147.000 hectolitres ; tout permet de prévoir que la France sera bientôt de nouveau et par le fait seul de l'arrivée à pleine production de ses jeunes plan- tations, une grande exportatrice de vin. Il lui sera aisé de prendre sur les marchés du monde la place que les progrès du phylloxéra dans les autres contrées viticoles rendront progressivement va- cante. La consommation de l'alcool paraît avoir légèrement diminué ces dernières années, mais il semble malheureusement peu pro- bable qu'elle décroisse proportionnellement à l'augmentation de la production du vin, par suite des habitudes prises et qui ne pourront se modifier que fort lentement. Comment s'est opérée cette restauration? — Sur quelles bases repose-t-eîle ? — C'est ce que nous allons exposer devant vous, convaincus que vous saluerez ces grands résultats de l'effort énergique et soutenu de nos viticulteurs, éclairés et fécondés par les travaux de nos savants, comme donnant la caractéristi- que de l'agriculture de l'avenir qui sera faite d'activés initiatives et de science. ÉTUDES ENTOMOLOGIQUES En présence de la crise que nous venons d'exposer, dont l'ex- ceptionnelle gravité dépassait tout ce que l'on avait vu jusqu'a- lors dans cet ordre d'idées, tout le monde se mit à l'œuvre, les uns entreprirent l'étude des mœurs de l'insecte, les autres celle des moyens de le détruire ou d'en annihiler l'action. On doit citer parmi les premiers MM. Planchon, Lichtenstein, Maxime Cornu, Balbiani, Valéry Mayet, Marion, Boiteau, Faucon et d'autres dont les études éclairairent un grand nombre de points relatifs à la biologie du phylloxéra et dont on peut résumer comme suit les travaux : / — 40 — Le Phylloxéra vastatrix se montre sous diverses formes, les unes souterraines,, les autres aériennes ; ce sont : 1* les aptères agames (aériens et souterrains) ; Z* les nymphes (souterrains) ; 3*" les ailés agames (aériens). A. Biologie. — 1** Aptères agames, — Les Aptères agames sont issus de Tœuf des sexués ; ils apparaissent habituellement sous le climat méditerranéen, au mois d'avril. Les jeunes, qui se re- connaissent facilement à leur agilité, à leur teinte jaune pâle un peu gris, à la longueur de leurs pattes et de leurs antennes et aux poils robustes qui recouvrent ces organes, suivant qu'ils rencontrent des conditions atmosphériques plus ou moins favo- rables à Tun ou Tautre mode d existence, ils montent sur les rameaux, sur les feuilles, ou descendent dans le sol sur les racines A. Vie gallicole, — Dans le premier cas, Tinsecte produit, par une série de piqûres sur le parenchyme des jeunes feuilles, sur les rameaux herbacés très tendres, ou même sur les vrilles de certaines espèces ou de certains cépages, des galles dans les- quelles il se fixe et se constitue après trois mues successives, à rétat de mère pondeuse, sans qu'il y ait eu fécondation par un mâle. Il devient alors renflé et volumineux, et pond successive- ment dans la poche ainsi formée, un très grand nombre de pseudova ; au bout de peu de temps a lieu Téclosion. Les jeunes de cette génération se flxent à leur tour sur les feuilles des extré- mités et y produisent des galles, ou bien ils descendent sur les racines. La multiplication gallicole peut se prolonger, si les cir- constances sont favorables, jusqu'à la chute des feuilles. M. Marion a constaté en 1877 et en 1878 que, dans certaines circonstances, les jeunes aptères nés des pseudova des pondeuses radicicoles sortaient de terre et allaient former des galles sur les feuilles. M. Max Cornu a observé un fait analogue sur une vigne conservée en serre à l'abri des essaimages et ne pouvant renfer- mer des descendants immédiats de l'œuf d'hiver. Mais les «faits de cette nature paraissent fort rares, et on peut affirmer que dans le plus grand nombre des cas, les gallicoles sont fournis par les générations qui sortent de l'œuf sexué, ainsi que tendent à le prouver les observations de M. V. Mayet et la belle expérience de M. Balbiani : au domaine de la Paille, près de Montpellier, se trouvait un champ de Riparia sauvages dont les feuilles se cou- vraient chaque printemps de grandes quantités de galles. Dans rhiver 1883-1884, M. Balbiani fit traiter la moitié du champ par un badigeonnage destiné à tuer les œufs d'hiver qui pouvaient — 41 — exister sur les souches ; l'autre moitié ne reçut aucun traitement, elle se couvrit de galles très nombreuses, tandis que la partie badigeonnée resta absolument indemne de ces excroissances. La suppression de l'œuf d'hiver avait entraîné celle des insectes gallicoles. Les galles se développent le plus souvent sur certaines vignes américaines et notamment sur celles qui dérivent du F. Ri-paria ; mais on les voit quelquefois se former sur nos vignes d'Europe, surtout sur les jeunes feuilles tendres et succulentes des extré- mités, telles que celles qui se produisent dans les années de printemps doux et humides ou dans les pépinières arrosées. B. Vie radicicole. — Les insectes qui pénètrent sous terre et se fixent sur les racines peuvent se diviser en deux catégories : les uns qui, comme les gallicoles, passent par une série de trois mues à l'état de mères pondeuses; les autres qui, après cinq mues, arrivent à l'état de nymphes. Les mères pondeuses des racines ne diffèrent des pondeuses gallicoles que parce que l'abdomen de ces dernières est plus ren- flé, à cause de la plus grande quantité d'œufs qu'elles pondent, et par l'épaisseur de la peau, qui est plus mince chez les insectes souterrains que chez ceux qui vivent à l'air Les Tnères pondeuses radicicoles pondent non fécondées, fixées par leur suçoir sur un point de la racine qu'elles n'abandonnent pas ; elles déposent autour d'elles vingt-cmq à trente psevdova, à raison des deux à trois en quatre à cinq jours, après quoi elles meurent. Les pseudova éclosent au bout de huit à dix jours et donnent naissance aux jeunes agiles, dont nous avons parlé et qui sont susceptibles de sortir par les crevasses du sol et d'aller, soit en cheminant, soit emportés par le vent, se fixer plus loin et sur d'autres racines, ainsi que l'a établi M. Faucon (]\ Cette nouvelle génération passe par les mêmes phases que la précé- dente et les choses continuent ainsi jusqu'à la fin d'octobre ou au commencement de novembre suivant les régions, A cette époque, les mères pondeuses meurent et les jeunes récemment éclos passent l'hiver, fixés sur les racines dans un état d'engourdissement complet. Ils prennent alors une teinte brune et semblent amaigris et déprimés. Au mois d'avril a lieu le réveil de ces hibernants ; ils constituent alors la série des générations agames précédemment décrites. M. Boiteau a constaté que ce moae de multiplication pouvait se continuer pendant quatre ans au moins. \ — 42 — 2* Nymphes. — Les aptères qui ne deviennent pas des mères h. pondeuses passent, comme nous Tavons dit, par deux mues de plus que les autres et arrivent, à Tétat de npmphes. Les nymphes ; diffèrent des pondeuses par leur forme générale plus élancée» par leurs antennes plus longues et par les fourreaux noirs des ailes qu'elles présentent sur les côtés. ^ 3** Ailés agœmes. — Au bout de quinze à vingt jours, la nymphe sort de terre et devient insecte ailé, par une nouvelle mue. Uailè ressemble à un très petit moucheron à corps jaune et allongé, à corselet noir, muni de quatre ailes horizontales grises et trans- parentes. Il prend sa volée et est entraîné par les vents ; c'est vrai- semblablement le principal agent de propagation à grande dis- tance, bien que, comme nous Tavons vu, les jeunes aptères puis- sent contribuer également à la diffusion du mal. Il se pose, lors- qu'il peut s'arrêter, sur la face inférieure des feuilles de vignes et y pond, sans fécondation, de trois à six psendova, les uns gros,. les autres petits, desquels naissent les sexués, 4** Sexués, — Les femelles naissent des, gros pseudova, des' ailés^ les mâles des petits. Le mâle est plus petit que la femelle ; ils sont tous deux de taille très inférieure à celle des pondeuses agames et des nymphes ; ils sont dépourvus de suçoir et des organes de la digestion ; ils ^'accouplent" presque dès leur naissance et la femelle pond un œuf unique, d'où naîtront, au printemps sui- vant, les nouvelles générations d'aptères agames dont il a été parlé au commencement. Cet œuf auquel on a donné le nom d'œuf d'hiver parce que, sous les climats tempérés tout au moins, il passe l'hiver sans éclore, est déposé sous les écorces du bois de deux ans (au-dessous des sarments de l'année). Comme on le voit par ce qui précède, le cycle biologique du phylloxéra est le suivant : , des Jeunes gallicoleSy qui deviennent des pomleases gallicoles ou radicicoles. Ides pondeuses radicico- ou des nympfteSf qui de- j xju. uca ^tsu,nr» t umtjvuui^fi k viennent des ailés, d'où qui deviennent J naissent les se^xués, qui donnent lieu à Y œuf fondamental. Ainsi qu'on le voit par ce qui précède, les pondeuses peuvent provenir soit de Vœuf vrai issu d'une fécondation, soit de pseu- - 43 — dova issus de •pondeuses non fécondées. Ce fait a été interprété de deux manières par les entomologistes : les uns, avec M. Bal- biani, pensent que les pseudova sont un produit parthénogéné- sique et transitoire, donnant des insectes dont la puissance géné- ratrice va en diminuant au fur et à mesure qu'ils s'éloignent de la mère fondatrice, ce qui exige, à des périodes plus ou moins éloignées, mais néanmoins limitées, le retour aux sexués (1). D'autres, comme M. J. Lichtenstein, croient que les pseudova •sont la manifestation d'une génération par gemmation qui, dans certains milieux, pourrait se continuer indéfiniment sans que l'intervention des sexués devienne nécessaire (2). B. -^ LÉSIONS CAUSÉES PAR l'insecte. — La présence d» phylloxéra dans un vignoble se manifeste extérieurement par des points où la végétation est faible et languissante ; au centre se trouvent des ceps morts ou fortement déprimés, à partir des- quels on passe, si l'on s'en éloigne en rayonnant, au milieu d'autres de moins en moins malades, jusqu'à ce que Ton atteigne ceux qui présentent un aspect normal ; ces points furent com- parés par M. Gaston Bazille, à des tacher d'huile. Les rameaux des pieds les plus atteints sont rabougris et s'aoûtent mal en automne ; les feuilles ^nt un aspect jaunâtre dès le mois de juillet ^t tombent prématurément ; la fructification, qui augmente d'abord quelquefois d'une manière sensible, sous l'influence des premiers effets du mal, va ensuite en diminuant ; les raisins ■n'arrivent plus à parfaite maturité, restent rouges au lieu de devenir noirs et sont souvent millerandés. Mais toutes ces apparences extérieures ne sont pas absolument spéciales au phylloxéra, elles se manifestent dans presque toutes les maladies qui atteignent la racine (pourridié, larves du gri- bouri, etc.), et ce n'est que l'examen de la racine elle-même qui permet d'en reconnaître sûrement les ravages. Lorsque l'on étudie les racines d'un cep récemment atteint T)ar le phylloxéra, on remarque qu'un grand nombre de racines encore tendres sont renflées et déformées, et prennent l'appa- rence de nodosités; les racines plus grosses porient de petites protubérances en forme de verrues auxquelles on a donné le nom de lubérosités, dont le volume est d'autant moindre que les tissus sont plus âgés et plus durs.* Ces divers renflements s'al- (1) G. Balhiani. — L^ Phylloxéra du Chêne et le Phylloxéra de la Vigne. (Compte- fiendu de TAcad. des Se.)— 2 ddv. 1875 et3 juill. 1»76.\ (2) J. Lichtenstein.— Ilisfoire du Phylloxéra, précédée de Considérations générales -sur les Pucerons. Montpellier^ C. Goulet, édit , 1878. •..44 — tèrent au bout d'un certain temps et finissent par entraîner la désorganisation des racines, sur lesquelles ils se trouvent en grand nombre, chez les vignes d'Europe et d'Asie tout au moins ; celles des diverses espèces des vignes américaines sont altérées d'une manière plus superficielle ainsi que nous le verrons plus loin et que l'ont montré les recherches de M. Millardet et les miennes. Chez les vignes d'Europe, les radicelles disparaissent alors et les racines plus âgées deviennent noires, spongieuses et friables ; l'insecte n'y trouve plus les conditions nécessaires à son existence et disparaît ; enfin la plante périt après avoir épuisé toutes ses réserves, faute de pouvoir renouveler les matériaux qu'elle recueille habituellement dans le sol. Indépendamment des lésions que nous venons de décrire sur les racines, et qui sont les seules dangereuses, le phylloxéra détermine, comme nous l'avons vu, sur certaines espèces et en certaines circonstances, la formation des galles sur les feuilles, ces déformations ne paraissent pas nuire sensiblement à leur bon fonctionnement et on ne peut les considérer dans aucun cas comme contribuant à amener la mort des vignes phylloxérées. Tels sont les principaux éléments recueillis ^ au cours des études qui furent faites sur la biologie du phylloxéra et sur l'action qu'exerce cet insecte sur la vigne ; c'est sur ces données qu'ont été édifiées les méthodes de défense et de reconstitution du vignoble qui furent adoptées et que nous allons exposer. MOYENS DE DESTRUCTION EMPLOYÉS CONTRE LE PHYLLOXERA Les moyens proposés pour porter remède aux ravages du phyl- loxéra sont de deux ordres : i** ceux qui entrant en lutte directe avec l'insecte, tendent à en amener la destruction ; ce sont les insecticides proprement dits, les badigeonnages contre l'œuf d'hiver et la submersion ; 2" ceux qui, renonçant à atteindre l'insecte, tendent à établir le vignoble dans des conditions qui lui permettent de résister : c'est, par exemple, la plantation dans les sables et l'emploi des vignes américaines résistantes. Nous allons passer en revue ces divers procédés. La première méthode qui soit venue à l'esprit lorsque M. Planchon eut montré que les vignes succombaient aux attaques d'un insecte, a été naturellement celle des insecticides, aucune n'a donné lieu à un plus grand nombre d'inventions et à plus d'illusions aussi. Les conceptions 'les plus diverses et par- ■ I. - — 45 ~ fois les plus bizarres se sont produites dans cet ordre d'idées : tout a été proposé depuis le venin de crapaud jusqu'au jus de tabac, sans compter les insectifuges tels que les exorcismes ou les brouettes frappeuses, au moyen desquelles on devait recon- duire méthodiquement Tinsecte jusqu'à la mer ou à la fron- tière. Mais tous les insecticides proposés ne présentèrent pas le môme caractère de naïveté, un certain nombre attirèrent sérieu- sement l'attention, tels furent le pétrole pur ou émulsionné dans l'eau, le phosphore, certains sels de mercure, le foie de soufre, le sulfure de calcium, Tanhydrite sulfureux, le sulfure de carbone, le sulfo-carbonate de calcium, le sulfo-carbonate de potassium. Ces divers produits étaient destinés pour la plupart à constituer des moyens cuUuraux, c'est-à-dire susceptibles de débarrasser suffisamment la vigne de son ennemi, sans nuir^ à sa végétation, quelques autres avaient pour objet des traitements d'extinction, c'est-à-dire au moyen desquels on cherchait à détruire le phylloxéra et la vigne tout à la fois, sauf à replanter cette der- nière une fois le sol purifié. On cherchait généralement à faire pénétrer ces matières jusqu'au phylloxéra en en saturant le sol où croissait les vignes, on a tenté cependant d'en introduire quel- ques-uns à travers les tissus même de la plante par de petits trous pratiqués dans le tronc ; c'est ce qui a eu lieu notamment pour le foie de soufre, certains sels de mercure, le phosphore, bien que ces tentatives n'aient pas donné de résultats quant à la destruction de l'insecte, les effets remarquables obtenus contre la chlorose par le badigeonnage des plaies de taille avec des dis- solutions concentrées de sulfate de fer, montrent qu'elles étaient moins chimériques qu'elles n'en avaient l'air à première vue. Il fallut un temps assez long pour que les idées sur la valeur des divers insecticides prissent un caractère bien net et bien que tous ceux qui offraient quelque apparence de sérieux eussent été soigneusement expérimentés, dès les débuts, on vit pendant longtemps essayer de nouveau dans' les contrées récemment envahies, une infinité de remèdes qui avaient échoué dans les premiers centres d'expérimentation. Un élément quelquefois difficile à dégager a contribué bien souvent à masquer les résul- tats obtenus au début avec certaines matières, c'est l'action fer tilisante qu'elles peuvent exercer. Lorsqu'un produit constitue un engrais soluble et actif par lui-même, lorsque surtout on lui donne comme véhicule une autre matière fertilisante telle que l'urine, ainsi que cela avait lieu dans le procédé d'Andocque qui a fait naître autrefois quelques espérances de succès, sous l'action d'un engrais actif, de nouvelles racines naissent, la végétation — 46 — se relève et le mal semble vaincu, si bien qu'à un moment donné certaines personnes ont cru à la possibilité de faire vivre les vignes phylloxérées en les fumant abondamment ; mais bien- tôt les racines nouvellement venues se couvrent à leur tour d'in- sectes et la ruine du vignoble arrive rapide et irrémédiable. Traitements culturaux Quoi qu'il en soit de ces nombreux procédés, deux seulement sont demeurés del;K)ut aujourd'hui, comme moyen d'effectuer les traitements culturaux, c'est-à-dire de détruire le phylloxéra en conservant la vigne : 1** l'emploi du sulfure de carbone ; 2* celui du sulfo-carbonate de potassium et encore les surfaces sur les- quelles ils sont appliqués vont en se réduisant d'année en année ; enfin un troisième consistant à badigeonner les ceps pour détruire l'œuf d'hiver, bien qu'il soit aujourd'hui complètement abandonné, a trop préoccupé l'attention pour que nous n'en disions pas quel- ques mots. Il paraît surprenant à première vue que, d'un nombre aussi considérable de tentatives aussi peu aient abouti et que celles qui n'ont pas été mises de côté aient des applicaitons de jour en jour plus restreintes, alors que le succès des insecti- cides employés journellement dans les jardins pour délivrer les plantes cultivées des pucerons qui en attaquent les feuilles ou les rameaux démontrent l'efficacité d'un grand nombre de matiè- res pour cet objet. Mais, si l'on cherche à s'en rendre compte, on ne tarde pas à reconnaître que ce n'est pas le principe des- tructeur lui-même qui est difficile à trouver, mais Dien un agent pouvant réussir dans les conditions de milieu où se trouve le phylloxéra ; or, lorsqu'on tient compte de la profondeur consi- dérable à laquelle vit souvent l'insecte, — nous l'avons trouvé à l'Ecole d'agriculture de Montpellier, à 1°90 dans des marnes argileuses très compactes, — et à la masse de terre qu'il faut par conséquent intoxiquer, et si on réfléchit à la difficulté avec laquelle les liquides et les gaz eux-mêmes se diffusent dans le sol en certaines circonstances, on ne sera pas étonné qu'un si petit nombre de procédés ait subsisté. I. Sulfure de Carbone. — A. Historique. — Ce fut en 1872 que le baron Thénard proposa, pour "la première fois, l'emploi du sulfure de carbone pour détruire le phylloxéra-, cette idée était évidemment la meilleure qui eût été émise jusqu'alors, en ce qui concerne les insecticides tout au moins : l'agent indiqué — 47 — jouissait, en effet, d'une grande activité vis-à-vis de l'ina la facilité avec laquelle il se volatilise, aussi bien que la d( considérable de sa vapeur, permettait d'eapérer une diff facile à travers le sol ; enfin son prix relativemeint peu rendait probable la possibilité d'une application large et ré] Mais bien des difficultés restaient encore à vaincre avam l'on eût trouve les moyens de tirer un parti utile de cette d verte. Les premières tentatives pour la mise en pratique de idée furent faites à Montpellier en 1873, par M. Monestiei chercha à la réaliser en plaçant le sulfure k une certaim fondeur sous terre, oh il le faisait pénétrer au moyen d'un métallique ; il réduisit en outre les doges beaucoup trop dérables indiquées par M. Thénard. Ces essais firent natt grandes espérances et M. Gaston Bazille, président de la S d'agriculture de l'Hérault, tout en formulant de sages ré: quant à l'avenir de ce procédé, signalait les résultats des riences auxquelles il avait assisté comme véritablement r quables. Malheureusement, l'aspect des choses ne tarda devenir moins satisfaisant; l'imperfection des moyens emp une connaissance in£uffisante des meilleurs moments d' cation, peut-être aussi Tes difficultés nombreuses qu'off les milieux oix les opérations se multipliaient alors, ne tar( pas à amener une foule de mécomptes qui éloignèrent lei culteuts de ce procédé et le firent généralement aband dans l'Hérault et dans le Gard. Néanmoins quelques chercheurs plus persévérants qu autres reprirent les essais de M. Monestier, en les modifii en les perfectionnant, M, le D' Crolas (de Lyon), dans une d'expériences qu'il entreprit à l'Ecole d'agriculture de Me lier avec le concours de M. Audouanaud professeur de c à cette Ecole, et qui furent menées avec beaucoup de sciei de méthode, tenta d'arriver à une meilleure diffusion des ve du salfure au moyen de l'aspiration souterraine d'abord, du refoulement ensuite. A peu près en même temps, MM. Gueyraud dans les E Alpes, Alliés près de Marseille et Rousselier à Aimargues, nuaient avec des succès divers les tentatives d'applicatio cet insecticide au moyen de pals distributeurs ; mais t d'autres travaux plus complets et plus longuement suivis de éclipser ces efforts si intéressants. Justement préoccupée diminution considérable qu'entraînait dans le chiffre de ses ports la disparition des vins du Midi, et frappée par les ré: obtenus par M. Allies près de Marseille, la Compagnie de — 48 — mins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée résolut de faire étudier sérieusement la question de l'application du sulfure de carbone. Une commission de savants et d'ingénieurs fut insti- tuée, qui entreprit ime série d'expériences méthodiques dont les résultats peuvent être considérés comme ce que nous avons de plus complet sur cette matière. De ces recherches soriit une for- mule de traitement dont la Compagnie chercha à répandre l'ap- plication par la création et la vente à prix coûtant du matériel nécessaire, en fabriquant et en livrant à bon marché le sulfure de carbone, enfin en fournissant aux propriétaires en vue de former leur personnel, des moniteurs capables de diriger les travaux. En résumé on peut dire que par son initiative intelli- gente et hardie, elle a puissamment contribué à répandre l'emploi de cet insecticide parmi les viticulteurs. ' Tandis que la commission du P.-L.-M. poursuivait ses belles # expériences dans le Sud-Est, l'Association viticole de Libourne se livrait, de son côté, dans le Sud-Ouest, à des travaux importants sur les meilleures méthodes d'application du sulfure de car- bone; les conclusions auxquelles elle arriva furent sensiblement les mêmes que celles formulées par la Compagnie, sauf pour quel- ques points d'application où la pratique semble lui avoir donné raison. Dès lors les travaux de M. le D* Crolas (de Lyon), de M. F. Al- lières (de Libourne), de M. Crozier (de Montbrison), de M. G. Gas- tine (de Marseille), et de M. Jaussau (de Béziers), ont éclairé bien des points obscurs et tracé à la pratique la voie à suivre. B. Mode d'emploi du Svlfure de Carbone, — MM. G. Gastine «t Couanon ont fort bien formulé de la manière suivante, les principes sur lesquels doivent reposer les traitements insecti- ., tom. II p. 57. — 76 -^ bien connues, avec celles que donneront d'autres sols dont on voudra préjuger les po^ibilités d'adaptation. La difficulté d'accommodation aux sols calcaires des vignes américaines dont on avait fait usage au début devint bientôt un objet de sérieuses préoccupations pour les viticulteurs, l'emploi presque exclusif du Riparia pour la reconstitution dans la région méditerranéenne ayant donné lieu à de nombreux échecs, on s'était reporté sur le Jacqtiez dont la résistance, meilleure à l'ac- tion du calcaire, fut bientôt reconnue insuffisante quant au phylloxéra; dans les mauvais terrains crayeux des Charentes tout avait échoué et on était sur le point de désespérer, lorsque l'Administration de l'Agriculture, émue de ces préoccupations, confia à mon ancien élève et ami, M. P. Viala, une mission ayant pour objet de rechercher aux Etats-Unis d'Amérique les « va- riétés de cépages pouvant végéter en terrain calcaire et marneux. » Après des explorations qui durèrent du 5 juin au 3 décembre 1887, pendant lesquelles il avait parcouru le New-Jersey, le Maryland, la Virginie, la Caroline du Nord, le New-York, l'Ohio, le Tennessee, le Missouri, le Territoire des Indiens, le Texas,, la Californie, M. P. Viala rapporta en France de nombreux et précieux ren- seignements sur la résistance au phylloxéra et les conditions d*existence des diverses espèces américaines que nous résume- rons comme il suit : Le F. Rotundifolia qui ne croît que dans les terrains sableux et humides des bords de l'Atlantique n'a aucune valeur, ainsi qu'on l'avait jugé en France. Le F. Labrusca n'a jamais été observé vigoureux que dans les terres sableuses, les alluvions riches, les terres rouges fertiles. Dans les sols pauvres, il est à la longue détruit par le phylloxéra dans les Etats du Nord et de l'Est, où le froid est rigoureux en hiver et au printemps. Il meurt rapidement à la suite des attaques de l'insecte, dans les Etats du Sud, même dans lés milieux assez fertiles. — Le F. Mstivalis sauvage n'est vigoureux que dans les alluvions sableuses ou riches, les terres rouges fertiles et meubles. Dès que le sol devient marneux, argileux, calcaire et sec, il n'a qu'une végétation lan- guissante quoique ses racines ne soient pas altérées par le phyl- loxera. — Le F. Riparia n'acquiert aux Etats-Unis un grand développement que dans les terres très riches, jl n'est jamais vigoureux dans les sols marneux ou dans les calcaires blancs et secs. En aucun cas, bien qu'il l'ait vu souvent chargé de galles phylloxériques et de phylloxéras sur ses racines, M. Viala n'a jamais observé, sur cette espèce, de ce cas de dépérissement dû à cet insecte. — 11 — On voit par ce qui précède qu'aucune des espèces que Ton vient d'énumérer et qui sont toutes du Nord et de TEst n'a de valeur pour les terrains calcaires marneux. Dans la région du Sud et de l'Ouest parcourue en dernier lieu par M. Viala, il a observé le F. Linsecomii qui lui paraît sans valeur pour le rôle de producteur direct auquel on avait songé pour lui, il ne croît que dans des sols riches et sableux, jamais dans des calcaires blancs ou des marnes jaunes. — Le F. Rupeslris qui ne vient, en général, que dans le lit des ruisseaux et des torrents desséchés dès le printemps, là où il n'existe jamais de végétation arborescente. Le fond de ces ravins est composé d'un cailloutis siliceux oi| de calcaires durs et mélangé à des alluvions peu abon- dantes qui constituent un milieu sec et peu fertile. On rencontre dans les mêmes milieux des hybrides de cette espèce : Cordifolia- Rupestris, Riparia-Rupestris souvent plus vigoureux que leurs parents, on les retrouve parfois dans les anfractuosités de ro- ches calcaires dures (dévonien ou jurassique), mais dans les milieux calcaires plus friables ils disparaissent ainsi que le Rupestris, Les formes de vignes particulières au Texas existent exclusi- vement dans les calcaires crétacés. Le sol y est à peu près géné- ralement constitué à la surface des plaines (prairies) par une terre noire d'une grande fertilité, le sous-sol est une roche cal- caire blanchb fissurée et tendre intermédiaire entre la craie tufau et la craie proprement dite de la Champagne. On rencontre dans ces milieux le V .Berlandieriy le F. Cinerea, le F. Cordifolia, le F. Candicans, le F. Monticola, le F. Novo-Mexicana de Mun- son et les hybrides résultant de croisements très variés entre ces espèces. L'étude approfondie de ces diverses formes amena M. Viala à conclure que, parmi elles, celle dont on pouvait espérer tirer le meilleur parti comme porte-greffe dans les terrains calcaires de mauvaise nature, était le F. Berlandieri qui, à la résistance au calcaire, unit, dans ses formes bien sélectionnées, celle au phylloxéra et dans les milieux suffisamment méridionaux, une grande vigueur pour porter la greffe des vignes d'Europe. Dès son retour en France, un comité se forma à Cognac en vue de chercher à utiliser ces résultats dans les Charentes, il créa une station viticole dont la direction fut confiée successivement à deux de mes anciens élèves, MM. Ravaz et Guillon, dont les tra- vaux contribuèrent à éviter bien des écueils aux viticulteurs auxquels incombait la tâche difficile de la reconstitution du vigno- ble dans ces milieux. Malgré de grandes difficultés d'application résultant de ce que — 78 — le F. Berlandieri s'est montré dans la plupart des cas assez réfrac- taire au bouturage, on a pu cependant employer cette vigne avec succès dans divers milieux calcaires de mauvaise nature des Charentes et des Alpes-Maritimes. Actuellement, grâce aux recher- ches de MM, P. Viala, L. Ravaz, Mazade et aux efforts persévé- rants de M. E. Rességuier, la multiplication du Berlandieri se fait dans des conditions très suffisantes, il porte des greffes vigoureuses et très fructifères et on peut le regarder, lorsqu'il est bien em- ployé, comme donnant une solution satisfaisante à la question de la reconstitution des vignobles dans les terrains calcaires chlorosants dans la région méridionale de la France. Dans les contrées plus septentrionales, il ne semble pas trouver des condi- tions aussi favorables d'existence et sans cependant qu'il jau- nisse ou qu'il souffre des attaques du phylloxéra, il se développe peu, mais il est probable qu'il pourra être remplacé dans ces derniers milieux par certains de ses croisements avec d'autres espèces américaines ; nous signalerons notamment dans cet ordre d'idées les RipariaBerlandieri n** 33 et 34 de l'Ecole d'Agri- culture de Montpellier qui ont été obtenus par M. Viala et moi d'un semis de graines importées d'Amérique et sur lesquels l'attention se porte d'une manière très particulière en ce moment : résistants au phylloxéra et portant bien la greffe ils jouissent d'une résistance au calcaire, qui paraît approcher de celle de ce dernier bien qu'un peu moindre, mais nul doute qu'en les sou- tenant par des badigeonnages au sulfate de fer sur les plaies de taille (procédé Rassiguier), ils ne soient capables de suffire aux milieux les plus défavorables. En résumé la mission de M. P. Viala en Amérique à marqué une étape nouvelle et très importante dans les études relatives à la reconstitution des vignobles, elle a permis d'éclairè^r d'une manière définitive les questions d'adaptation dont nous \avons indiqué l'urgence et particulièrement en ce qui touche la r^lan- tation des terrains calcaires chlorosants jusqu'alors exclus du bénéfice de l'emploi des vignes américaines. Aussi est-il intéres- sant de jeter un coup d'œil sur la situation actuelle de la viti- culture américaine telle qu'elle résulte des travaux effectués\ et de l'expérience acquise pendant le quart de siècle qui s'est écotilé depuis les premières tentatives faites pour en obtenir Ja solutijpn de la crise phylloxérique. Ainsi que nous l'avons vu précédemment, encouragés par lel renseignements trop optimistes que nous adressaient les Amé-] ricains sur la valeur des produits de leurs cépages, beaucoup de viticulteurs commencèrent par reconstituer leurs vignobles dé- truits au moyen du Concord, du Clinton et bientôt après du — 79 — Jacquez, de VHerbemont, du Cunningham, etc., qui seuls furent plantés un peu en ^and ; on essaya ensuite VYork Madeira, le NortorCs Virginia, le Vialla, VEumelan, le Black défiance, VAu- tuchon, le Comucopia, le Secretary et même le Taylor, enfin VOthello sur lequel certains vignerons fondèrent de magnifiques espérancea. -^ Mais bientôt on dût reconnaître l'impossibilité de tirer parti pratiquement de ces producteurs-directs. Le goût foxé des vins de la plupart d'entre-eux ne convenait pas aux con- sommateurs français habitués de longue date .à ceux des Vinifera et celles issues des F. jEstivalis, qui donnaient des vins droits de goût, étaient loin de fournir une production comparable à celle de nos anciens cépages. Mais le fait capital qui vint détacher les viticulteurs de leur emploi fut l'insuffisance de leur résistance au phylloxéra dans la plupart des milieux. En effet, ces formes cultivées issues du croisement d'espaces sauvages résistantes telles que le F. Riparia ou le F. Mstivalis, avec d'autres qui ne le sont pas, telles que le F. Vinifera ou le F. Labrusca, ne peuvent vivre et prospérer que dans des circonstances qui empêchent le développement abondant du phylloxéra. Il ne reste aujourd'hui pour ainsi dire plus rien de tous ces producteurs directs de la première heure ; à peine trouve-t-on encore quelques hectares de Jaquez produisant directement du vin dans quelques parties très fertiles du Var, la plupart ont été greffés ou arrachés. Le Clinton, bien qu'on ait cherché à le rajeunir en lui donnant divers noms nouveaux ne forme plus que quel- ques treilles pittoresques au bord des champs des petits cultiva- teurs de l'Ardèche et de la Drôme. On rencontre enfin quelques parcelles de Noah dans les vignobles du Sud-Ouest ; les autres ont disparu. On peut le dire, le greffage règne aujourd'hui en maître dans les vignobles français, ce qui n'a pas lieu de surprendre quand on réfléchit aux avantages considérables qu'il offre à ceux qui en font usage. L'expérience a montré, en effet, combien il était facile de former les ouvriers à cette opération ; l'emploi des plants greffés et soudés obtenus à l'atelier et en pépinière a permis de créer des plantation parfaitement régulières du pre- mier coup au moyen de sujets bien choisis. Grâce à lui, on jbl pu conserver exactement les produits auxquels le commerce était habitué ; enfin on a pu assurer par son moyen, aux vignes qu'il est chargé de nourrir, le maximum de résistance au phylloxéra parce qu'il a donné la possibilité de faire usage comme porte- greffes de formes américaines sauvages formées par une longue sélection naturelle en présence de l'insecte. Et pourtant la question des producteurs directs est de nouveau agitée depuis quelques années. On ne parle plus sans doute de — 80 — ceux qui ont fixé primitivement l'attention saui peut-être du Noah ; mais de nombreux hybrides nouveaux, obtenus en France, généralement par le croisement entre vignes américaines et vignes d'Europe, sont proposés aux viticulteurs ; on n'insiste plus guère auprès d'eux sur l'avantage d'éviter la complication du greffage qui est aujourd'hui passé dans les habitudes, mais on leur attri- bue la propriété de résister à la chlorose dans les terrains cal- caires, au Black-Tot et à d'autres maladies cryptogamiques. Nulle part, des plantations importantes n'ont encore été faites, mais en bien des localités où la reconstitution est peu avancée et où une orientation bien nette n'a pas encore été donnée aux travaux, de petites plantations se font avec la pensée de les étendre peu à peu. En présence de cette nouvelle tentative, on est naturellement amené à se demander s'il y a vraiment lieu de songer à modifier les bases sur lesquelles repose la reconstitution des vignobles telle qu'elle existe actuellement en France; nous ne le pensons pas, il f£^udrait en effet pour qu'il fût utile de le faire : 1** que les producteurs directs eussent une valeur égale ou supérieure au point de vue de la qualité et de la quantité de leurs produits à nos cépages greffés et qu'ils offrissent les mêmes garanties que ces derniers en ce qui touche leur résistance au phylloxéra ; — 2** que les porte-greffes ne présentent pas des types d'une résis- tance suffisante au phylloxéra ou susceptibles d'une accomodation convenable à certaines natures de sol, pour lesquelles on aurait trouvé des producteurs directs bien adaptés ; — 3** enfin, qu'aucun remède sûr n'étant connu contre le Back rot, un producteur-direct américain se montra mieux susceptible qu'aucune vigne d'Europe de même valeur, de bien résister à cette maladie. Or il ne nous paraît qu'aucun producteur américain n'a donné jusqu'ici des vins d'aussi bonne qualité que nos cépages fins, ni aussi abon- dants que nos cépages à grande production. Aucun d'entre eux n'a la valeur du Pinot, du Cabemet, de la Syrah, aucun ne donne plus comme quantité que VAramon, le Terret bourret, le Cinsaut, la Carignane, etc. Il est à remarquer, d'autre part, que leur résistance au phylloxéra est généralement peu élevé à cause des croisements avec le F. Labrusca ou le F. Vinifera dont ils sont issus et qu'elle est d'autant moindre que les qualités de finesse et de productivité qui rappellent nos cépages d'Europe sont plus marqués chez eux. Les porte-greffes employés aujourd'hui paraissent au contraire ne plus rien laisser à désirer au point de vue de la résistance au phylloxéra, La tendance à éliminer les tynes à résistance médio- cre, tels que le Taylor, le Vialla, le Solonis, le Jacguez, etc., n'a cessé de s'accentuer d'année en année et on s'est limité à — 81 — » ain petit nombre de formés sauvages issues d'une longue sélection €n présence de Tinsecte en Amérique (Riparia grand glabre, — M. Gloire de Montpellier, — Rupestris du Lot, — R, Martin, — Berlandieri (types des calcaires) ou à des croisements spontanés ou artificiels entre ces espèces (Riparia-Rupestris, Riparia-Ber- landieri, RupestrisBerlandieri, etc.). On trouve enfin parmi ces porte-greffes à grande résistance des sujets convenables pour la plupart des milieux que Ton rencontre d'une manière usuelle, ainsi qu'on peut le voir par les indications ci-après, relatives aux diverses natures de sols où ils sont susceptibles de réussir : Riparia Gloire de Montpellier, R, grand glabre, terre fraîche fertile profonde, ei renfermant moins de 20 à 25 % de calcaire Rupestris Martin, terres pauvres plus ou moins caillouteuses^ argileuses situées dans des climats plutôt humides et renfermant 30 % de calcaire au maximum. Rupestris du Lot, terres pauvres, caillouteuses sèches, argi- leuses, non sujettes au pourridié, pouvant contenir jusqu'à 40 % de calcaire et même davantage (tufs calcaires de Montferrier (Hérault), par exemple). Riparia-Rupestris 101-14, 3306, 3309, terre argileuse, même hu- mide, pouvant renfermer jusqu'à 40 % de calcaire. Berlandieri et Américo-Berlandieri divers (notamment Riparia- Berlandieri, n"** 33 et 34 de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier), terres renfermant plus de 40 % de calcaire de mauvaise nature (craie, travertins, marnes blanches pulvérulentes, etc.). Enfin la difficulté de faire vivre la vigne dans les terrains salés ou exposés au pourridié y a fait adopter le Solonis, malgré son degré peu élevé de résistance au phylloxéra, parce qu'il est parmi les vignes américaines celle qui supporte le mieux ces conditions défavorables, dans lesquelles d'ailleurs ce parasite a peu d'action. Il n'y a donc aucune raison pour ai)andonner l'emploi des porte-greffes à haute résistance puisqu'ils peuvent suffire, il n'y a même pas lieu, comme le montre ce qui précède, de les laisser pour ceux obtenus par des croisements franco-américains qui perdent par l'introduction de l'élément Vinifera dans la combi- naison une partie des garanties de résistance que leur part d'ori- gine américaine aurait pu leur assurer. Enfin pour ce qui est de la résistance au Blak rot, il n'y a pas lieu de penser qu'elle saurait exercer actuellement une action prépondérante pour faire adopter de préférence à nos cépages de bonne qualité des producteurs directs médiocres, mais plus résistants qu'eux à ce parasite. On connaît, en effet, les résultats déjà acquis au moyen des traitements cupriques contre cette -. 82 — maladie et qui vont en b'afôrmant de plus en plus, au fur et à mesure que les méthodes d'application sont mieux connues. Il faudrait être arrivé à désespérer absolument des moyens de dé- fense, ce qui ne doit pas avoir lieu, ainsi que nous venons de le voir, pour en être réduit à faire usage du Noah, par exemple, comme quelques personnes ont proposé de le faire dans le sud- ouest. Il y a donc tout lieu de penser que sauf des points de détail, la viticulture américaine est solidement établie dans ses grandes lignes et que ses méthodes varieront peu dans Tavenir. Déjà, des régions viticoles importantes ont été reconstituées sur les bases que nous venons d'indiquer et ont retrouvé et au delà leur ancienne prospérité. Le Bas-Languedoc, la Provence, les côtes du Rhône, le Beaujolais ,1e Lyonnais, la Gironde et beaucoup d'autres sont actuellement en pleine production et leur principale préocupation est moins de produire du vin que d'assurer à leurs produits des débouchés suffisants. La reconstitution par les vignes américaines est donc devenue la solution la plus sûre et la plus générale du problème phyl- loxérique en France, nous la voyons s'étendre avec une rapidité extraordinaire sur notre territoire passant de 5.830 l^ectares en 1879 à 214.727 hectares en 1888 et à 888.098 hectares en 1898, contre un total de 85.967 hectares soumis aux méthodes insecti- cides diverses (y compris la submersion). Ces résultats, qui dé- passent, ce que l'on avait espéré au début, montrent combien était fondée l'opinion de ceux qui voyaient avec regret les me- sures restrictives prises relativement à leur emploi ; on peut, en effet, se demander ce qui serait advenu si l'œuvre de la re- constitution de notre vignoble, commencée dix ans plus tôt et avant que les sources de notre production nationale fussent com- plètement taries, avait permis au commerce français de pourvoir à ses besoins sans recourir un seul moment aux vins d'Espagne et d'Italie et à leur corollaire naturel, le vin de raisins secs. Que de difficultés contre lesquelles la viticulture française a eu à lutter pendant des années eussent été ainsi évitées ! ACTION ADMINISTRATIVB L'Etat s'est préoccupé de très bonne heure, comme cela était naturel, de la crise phylloxérique qui menaçait ses finances, en faisant disparaître une matière imposable des plus productives- . — 83 — et la fortune publique dans Tune des sources les plus^ impor- tantes de ses revenus. ^ Par une loi en date du 22 juillet 1874, l'Assemblée nationale créa un prix de trois cent mille francs en faveur de celui qui trouverait « un moyen efficace et économique, applicable dans la généralité des terrains, pour détruire le phylloxéra ou en em- pêcher les ravages ». Ce prix n'a jamais été décerné, bien que les compétitions n'aient pas manqué, l'appât d'une riche récom- pense ayant surchauffé bien des imaginations. Une Commission supérieure du phylloxéra avait été instituée pour juger de la valeur des procédés proposés. Mais on comprit qu'il y avait plus et nlieux à faire, et qu'en attendant la découverte d'un remède efficace contre le phylloxéra, il fallait chercher tout au moins à en ralentir l'invasion. D'ailleurs les diverses nations d'Europe se préoccupaient des moyens d'atteindre ce but, un congrès phylloxérique international eut lieu à Lausanne du 6 au 18 août 18T7, à la suite duquel l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, l'Espagne, la France, l'Italie, le Portugal et la Suisse résolurent de tenter une action commune pour enrayer, si possible, la marche du phyl- loxéra dans les pays envahis et pour tenter d'en préserver les contrées jusqu'à ce jour épargnées. Cet accord donna lieu à la convention, dite de Berne (septembre 1878), qui sert de base à la législation, en la matière, des pays contractants. Elle établit le principe de la surveillance des vignes, de la délimitation des territoires envahis, de la réglementation des transports des vignes et de leurs débris ou autres objets susceptibles de transporter le phylloxéra, enfin d'un échange régulier de communications relativement à tout ce qui se rattache à la question phylloxé- rique. r^ législation élaborée par le Gouvernement français, en con- formité avec la convention de Berne et adoptée par les Chambres est essentiellement constituée par les lois du 15 juillet 1878 et du 2 août 1879 ; elles tendent à atteindre les buts suivants : 1* empêcher la propagation du mal ; 2** arrêter ou retarder l'in- vasion dans les contrées encore faiblement atteintes ; 3* encou; rager les propriétaires à défendre leurs vignobles. Dans ce but, la France est divisée en trois zones, soumises chacune à un régime spécial : la première, considérée comme indemne et qu'on cherche à défendre en interdisant l'entrée des vignes et objets susceptibles d'y introduire l'insecte ; un service de recherches y est organisé et l'autorité peut y procéder d'office et sans l'assentiment des propriétaires à des traitements d'ex- tinction. La deuxième, récemment atteinte et faiblement envahie, est — 84 — également fermée aux importations dangereuses qui pourraient aggraver la situation en créant de nouveaux points d'attaque. L'Etat en abandonne la défense aux propriétaires, qu'il se borne à encourager par des subventions. La troisième zone est celle qui est complètement phylloxérée ; l'introduction des vignes du reste de la France y est permise^ et Ton peut obtenir Tautorisation de l'Administration de l'Agri- culture, d'y faire pénétrer des vignes étrangères. L'application des moyens insecticides préconisés par la Commission supé- rieure du phylloxéra y est subventionnée sur la demande des. syndicats. Les dispositions relatives aux moyens, de combattre l'invasion du phylloxéra ont été complétées par la loi du 24 décembre 1888,- concernant la destruction des insectes, cryptogames et autres vé- gétaux nuisibles à l'agriculture.' Cette loi donne aux Préfets l'initiative* des mesures à prendre pour arrêter ou prévenir les dommages causés à l'agriculture par les parasites ci-dessus indiqués ; les arrêtés préfectoraux en cette matière pris après avis du Conseil général du département, sont exécutoires par les propriétaires, fermiers ou métayers ; en cas d'inexécution dans les délais fixés, les maires, doivent dresser procès-verbal contre le contrevenant et faire effectuer les traitements à leurs frais. La loi du 15 juillet 1878 réorganisa, en outre, la Commission supérieure du phylloxéra qui fut destinée à servir de guide et d'appui à l'Administration et à l'aider dans la lutte que le Gou- vernement avait résolu d'entreprendre pour tâcher de conjurer les dangers que le phylloxéra faisait courir à la fortune publique. Cette réorganisation modifia en quelque mesure le caractère aca- démique qu'elle possédait au début, alors que son but à peu près unique était la recherche et la désignation des procédés de na- ture à amener la destruction du phylloxéra^ elle devint dès lors, plutôt un corps administratif et consultatif. Dans les départements il fut constitué par l'initiative de l'Ad- ministration, un grand nombre de comités d'études et de vigi- lance contre le phylloxéra, dont plusieurs donnèrent une direc- tion utile aux travaux entrepris pour la défense du vignoble. Enfin, de nombreux syndicats de défense contre le phylloxéra se formèrent et fonctionnèrent avec l'aide de subventions de l'Etat. En ce qui touche l'emploi des vignes américaines, l'action ad- ministrative se manifesta d'eibord par une participation aux frais de la mission Planchon, en 1873, une importation de plants de vignes opérée par l'intermédiaire de notre consul général à _ 85 ~ New-York en 1874, Tappui donné lux travaux sur cette question à l'Ecole nationale d'Agriculture de Montpellier, enfin par la mission confiée à M. P. Viala er 1887, pour la recherche des porte-greffes des terrains calcaires. Ce ne fut qu'à une époque relativement tardive que les syndicats formés pour la reconsti- tution au moyen des vignes américaines furent subventionnés à régal de ceux constitués en vue d'effectuer des traitements insecticides. Si maintenant on cherche à si rendre compte des résultats produits par Faction administrative en France, on doit recon- maître qu'elle a contribué dans une certaine mesure â ralentir la marche de l'invasion phylloxérique, et par suite à retarder la destruction du capital considérable représenté par les anciens . vignobles. Toutefois on peut se demander, ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de l'indiquer précédemment, si la prolonga- tion de la crise qui a été la suite des mesures prises n'a pas eu certaines conséquences fâcheuses au point de vue économique. En effet, la reconstitution du vignoble par les vignes améri- caines qui, dès le début, fut le procédé préféré par la majorité des viticulteurs et qui est devenue la solution générale et défi- nitive a été retardée par l'interdiction d'importer les plants ve- nant du dehors dans les régions non encore complètement con- taminées ; cette mesure qui s'imposait évidemment dans la pre- mière zone encore indemne aurait pu être évitée sans inconvé- nient dans la deuxième zone, atteinte, mais non encore complè- tement envaliie, puisque les échanges étaient possibles entre les parties phylloxérées et les parties saines de la zone. L'emploi des boutures de vignes américaines coupées sans talon, de manière à avoir toute garantie au point de vue de Vœuf d'hiver, eût également pu être autorisé après contrôle, sans qu'il en ré- sultât aucun danger. On aurait vraisemblablement ainsi, par une reconstitution plus rapide, pu éviter la période de grande dimi- nution dans notre production pendant laquelle notre commerce a dû aller se pourvoir à l'étranger, changeant les habitudes de . notre consommation nationale et de celles de nos clients du dehors, — et a commencé à faire l'usage désastreux que l'on sait des vins de raisins secs. Ces inconvénients se répareront certainement avec le temps, il était d'ailleurs difficile qu'il en fût autrement, le congrès inter- national de Lausanne de 1877, dont le3 actes ont eu une action souveraine sur les dispositions adoptées par la convention de Berne, — lesquelles sont devenues la loi des Etats contractants, était dominé par l'idée de la possibilité de l'emploi général des insecticides et du danger qu'offraient les vignes américaines. — 86 — source première de tout le mal ; la commission supérieure du phylloxéra réorganisée pour faire appliquer la législation établie en exécution de la convention de Berne, ne pouvait être quim- prégnée de ces idées et diriger le Gouvernement dans le sens que nous avons indiqué. Toutefois, malgré cette erreur de direction qui d'ailleurs n'a fait que retarder en quelque mesure la généralisation de la solu- tion définitive, la grande œuvre de la reconstitution du vignoble s'est faite, elle s'est peut-être même effectuée, grâce aux études faites dans les régions anciennement phylloxérées et à l'Ecole d'Agriculture d6 Montpellier dans des conditions plus sûres que celles où elle aurait eu lieu si on avait opéré plus prompte- ment. La submersion se fait sur la presque totalité des sols où on peut la pratiquer ; les sables marins en état de porter producti- vement la vigne ont à peu près tous été plantés et bien que toute la surface recouverte par nos anciens vignobles n'ait pas encore été reconstituée en vignes américaines, nous produisons déjà dans les années de bonnes récoltes de quoi suffire largement à notre consommation intérieure ; bientôt, par le seul fait du développement des jeunes vignobles plantés ces demièi^es années, <îette situation sera beaucoup dépassée, d'importateurs de vin que nous avons été pendant nombre d'années, nous deviendrons ex- portateurs et nous serons facilement en mesure de remplacer sur les marchés étrangers les vins dont les progrès du phylloxéra tarissent peu à peu la production dans d'autres contrées de l'Eu- rope, En résumé, je crois, par l'exposé qui précède, avoir justifié les préambules par lesquels j'ouvrais ce travail : inopinément aux prises avec une crise sans exemple dans les annales agricoles du monde, notre pays lui a donné les solutions qu'elle comportait, grâce au concours de tous, pouvoirs publics, savants et viticul- teurs : l'indemnité des sables a été découverte et utilisée, la sub- mersion a été inventée, donnant des résultats, sans doute, limités par les milieux, mais reconnus excellents par la pratique par- tout où elle a pu faire usage de ce procédé. Les meilleurs insecti- cides, le sulfure de carbone et le sulfo-carbonate de potassium, ont été trouvés et étudiés et ont permis par leur application opportune, sinon d'assurer partout une défense économique et permanete du vignoble, (Je ralentir, du moins, la marche si ra- pide au début du fléau et de préparer la voie à une solution générale et définitive. Enfin, le fait de la résistance qu'offrent les vignes américaines au phylloxéra a été reconnu et expliqué, leur adaptation au sol, leur culture et la meilleure manière de les ; — 87 — utiliser ont été Tobjet d'études incessantes depuis vingtrsept ans et elles ont permis la création d'un vignoble nouveau plus pro- ductif que l'ancien et dont l'avenir ne donne lieu actuellement, à d'autres inquiétudes pour les viticulteurs français, que celles des dangers qui résulteront incessamment de l'excès même de la production. Nous estimons que ce n'est pas sans une certaine fierté qu'au milieu de beaucoup d'autres merveilles peut-être plus brillantes, la France pourra montrer à ses hôtes venus des divers points du monde pour assister à la grande fête de la paix et du travail à laquelle elle les a conviés, les résultats de cette œuvre à laquelle elle a consacré dans ces trente dernières années une large part de son labeur, de son énergie et de sa science. M. FoEX indique qu'il a été préoccupé surtout, dans la rédac- tion de son rapport, de faire un exposé historique de la crise phylloxérique en France et présente le résumé des faits qu'il y a exposés. ^ M. LE Rapporteur termine en ces termes : « Ce n'est pas sans fierté, au milieu de beaucoup d'autres mer- veilles, que la France pourra montrer les résultats obtenus dans cette œuvre à. laquelle elle a consacré, dans ces dernières années, une large part de son labeur, de son énergie et de sa science. » (Vifs applaudissements.) M. LE Président, remercie M. Foex, au nom de l'Assemblée de son très intéressant rapport. M. LE D' Despetits, après avoir rappelé et caractérisé les divers moyens employés dans la lutte contre le phylloxéra, insiste sur la plantation dans les sables et indique qu'elle se développe de plus en plus parce qu'elle constitue le moyen de lutte le plus simple, le plus pratique et le moins coûteux. (Applaudissements,) M. Saint-René Tailliandier insiste sur le procédé de la sub- mersion. M. L. DE Candolle, président du Comité de la Station viticole de Ruth, à Genève, parle de la lutte contre le phylloxéra, par le système de l'extinction. Il s'associe aux réserves formulées, à ce sujet, par M. Foex. Ce système n'est avantageux qu'au début même de l'invasfion, alors qu'il n'existe dans le vignoble que des attaques très peu nombreuses, ayant une origine commerciale. A partir du jour où le vignoble est envahi directement par la « grande armée », dans sa marche inexorable du Sud au Nord, Ips taches deviennent trop nombreuses pour que les chantiers de destruction puissent être organisés et surveillés convenablement; . — 88 — ils sont alors un danger en eux-mêmes, et peuvent contribuer à augmenter, par la circulation du personnel nombreux que l'on emploie, la diffusion de l'insecte. — A cela s'ajoutent d'-autres inconvénients, plus graves encore. Aussi longtemps que se poursuit l'emploi du système, on néglige l'étude des plants américains. Au premier abord, il semble qu'il n'en soit pas nécessairement ainsi, on peut, en effet, pendant que l'on traite l'ancien vignoble par la méthode d'extinction, établir, dans quelques localités, des champs d'essais. Mais quelle en est alors la valeur? On est obligé de les soumettre au même régime que les anciennes vignes, sans quoi ils deviendraient facilement une cause d'infection pour leurs voisins, et l'on tomberait alors dans des difficultés juridiques et administratives très sérieuses. En outre, il arrive encore ceci : que, aussi longtemps que la reconstitution en plants américains n'est pas largement autorisée, aussi longtemps que toutes les vignes sont examinées par les agents du service phylloxérîque et exposées à être détruites sans que l'on puisse les remplacer par des plants résistants, les pro- priétaires renoncent au renouvellement des vignes qui ont atteint ce que l'on peut appeler leur limite d'âge. Les propriétaires ne méritent aucun reproche de ce fait. Il ne leur servirait de rien de planter des vignes, destinées à devenir sous peu la proie de l'ennemi ; on sait d'ailleurs que les jeunes plants sont ceux qui résistent le moins ; leur destruction s'opère par les attaques du phylloxéra, avec la plus grande rapidité. Et alors, il en résulte que les vignes dépérissent par l'âge, et le vignoble tout entier se détériore dans son ensemble par cette cause, qui découle indirectement de l'invasion phylloxérique. Pour ces raisons, dont le bien fondé est, depuis plusieurs années, évidente pour les viticulteurs du canton de Genève, M. de Candolle pense que la lutte par extinction, ingénieuse et utile au début, est devenue assez vite une erreur, et que, pour les intérêts économiques du pays, il aurait mieux valu qu'on l'abandonnât beaucoup plus tôt qu'on' ne l'a fait. M. MouiLLEFERT trouve que M. Foex n'a pas assez insisté dans son rapport sur la puissance insecticide du sulfo-carbonate de potassium et sur le résultat économique heureux de ce traite- ment. Pour lui, ce traitement n'est pas un traitement de luxe : il peu^ être appliqué dans les petites exploitations pourvues d'eau sans grands frais. Quant aux grandes exploitations qui en sont dépourvues, l'achat du matériel nécessaire pour traiter de grandes surfaces peut être fait économiquement par les soins des syndicats agricoles. — 89 — M. PoEX, tout en rendant hommage aux travaux éminents de M. Mouillefert, trouve quUl y a une trop grande différence entre les effets insecticides du sulfo-carbonate de potassium observés en laboratoire et ceux qu*on obtient sur le terrain pour recom- mander la généralisation de ce traitement. Il pense d'autre part qu'il n'y â pas lieu de discuter les opinions des précédents orateurs, ces opinions, sauf quelques légères questions de détails étant en parfaite conformité avec les conclusions de son rapport. M. Taïroff, délégué du Ministère de l'Agriculture de Russie, constate que la propagation du phylloxéra dans les principales régions viticoles de la Russie, telles que la Bessarabie et le Caucase est continue. Comme le système d'extinction et le traitement au surfure de Carbone n'ont pas donné des résultats satisfaisais, sauf en Crimée qui se trouve dans des conditions exceptionnelles» le Gouvernement russe vient de décider l'abandon presque général de ces mesures pour recommande»^ la reconstitution par les plants américains. M. LE Président déclare close la discussion du rapport dô M. Foëx qui est adopté par le Congrès. Il donne la parole à M. Gervais qui indique aux congressistes le programme du Congrès et leur doqne des explications sur les excursions et le banquet qui doit clore les travaux du Congrès et qui doit être présidé par M. le Ministre de l'Agriculture. La séance est levée. SÉANCE DU MERCREDI 13 JUIN (après-midi) Présidence de M. TISSERAND. La séance est ouverte à 2 heures 20. M. LE Président. — Plusieurs membres demandent à faire des communications supplémentaires sur les questions débattues ce matin. M. E. Mach fait part à l'Assemblée de diverses observations relatives à l'extension de la viticulture en Allemagne. Je tiens à dire quelques mots sur la situation viticole de l'Au- triche, mais je vous prie d'abord de m'excuser de ne pas m'ex- — 90 — primer mieux que je vais le faire, ne connaissant que très imparfaitement la langue française. Dans les provinces méridionales de l'Autriche, dans la Dalmatie, dans ristrie et aussi dans la Styrie, la reconstitution des vignobles détruits par le phylloxéra se fait magnifiquement. — Les résultats obtenus sont des meilleurs ; on ne trouve nulle part de difficultés sérieuses ; les progrès accomplis dans cette voie sont évidents et les récoltes résultant de cette reconstitution sont plus considérables qu'elles ne Tétaient autrefois. En un mot, la reconstitution des vignobles dans ces pays est assurée. Plus grandes sont les difficultés qui s'opposent à une reconsti- tutiqp parfaite dans les régions septentrionales de l'Autriche, surtout dans la Basse-Autriche. Là, le Rupestris Monticola qui donne des résultats excellents dans les régions méridionales, ne va plus. — Le bois souvent ne peut pas bien mûrir; les raisins mûrissent plus tard, on y applique surtout le Riparia, et dans les terrams un peu frais, riches de calcaire, le Solonis. — Ce dernier cépage a pourtant peu d'affinité pour certaines variétés des plus répandues dans la région, par exemple le Valtelin vert. Les viticulteurs de quelques endroits sont pour cela décourages et font usage de sulfure de carbone pour maintenir la vie des vignobles le plus longtemps possible, jusqu'à l'époque où l'on saura ce qu'il faut faire pour arriver au même résultat par la reconstitution. Le Gouvernement donne des subventions pour l'application du sulfure de carbone, non pas avec la pensée que le sulfure de <;arbone puisse servir pour toujours, mais seulement comme un remède transitoire. On fait actuellement des études : 1° avec les divers hybrides qui ont le plus d'affinité avec les cépages de la région ; 2** Avec des plants (porte-greffes et greffons) pris dans les pro- vinces méridionales où le bois a obtenu une maturité complète. C'est donc dans les provinces septentrionales que se rencontrent le plus de difficultés pour la reconstitution, et je désirerais vive- ment savoir quels sont les résultats qui ont été obtenus sur cette question dans les régions septentrionales de la France, où l'on a dû se trouver en présence des mêmes difficultés que celles décrites plus. haut. M. LE Président. Cette communication sera insérée au procès- verbal. L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. Gervais. — 91 — Rapport de M. GERVAIS LA RECONSTITUTION DU VIGNOBLE PORTE-GREFFES. — ADAPTATION. AFFINITE. — PRODUCTEURS DIRECTS La viticulture est arrivée à un tournant de son histoire : Elle sort à peine d'une crise qui a manqué lui être fatale : il lui a fallu toute son énergie, toute sa persévérance pour en triompher, toute une longue série d'efforts continus et de sacrifices pour élever le nouvel édifice qui abrite ses destinées. Son avenir dépend tout entier de la solidité de celui-ci : il vaudra ce que vaut eh réalité le nouveau système d'établissement de la vigne consacré par l'ex- périence des 20 dernières années. C'est à l'examen de ce système que ce travail est consacré : On njB saurait trouver 'mauvais qu'un viticulteur de l'Hérault y rappelle, en commençant, la part prépondérante prise par son pays à cette œuvre de relèvement et de vie. Deux fois, en moins d'un demi-siècle, le vignoble français a failli sombrer : une première fois, sous les attaques de l'oïdium, une seconde fois, sous celles du phylloxéra, et — coïncidence frap- pante — il se trouve que, dans un cas comme dans l'autre, c'est à la a Société centrale d'agriculture de l'Hérault » que l'on doit l'organisation de la lutte, la victoire et finalement la régénération de nos vignes. Sous la haute inspiration d'Henri Mares, dont les travaux sur le soufrage sont demeurés célèbres, elle triompha de l'oïdium ; sous l'impulsion de Gaston Bazille, de Planchon, de Félix Sahut, de Louis Vialla, elle décréta pour ainsi dire l'intro- duction et la propagation des cépages américains, destinés à faire revivre, à ressusciter nos vignobles. Les archives de cette grande association, dont l'action a si puissamment rayonné et s'exerce encore si utilement sur le Midi de la France, témoignent de la pro- fonde érudition, de la grande intelligence, de la sagacité et du — 92 - dévouement des premiers pionniers de la vigne américaine, qui, sans se laisser abattre ou décourager un seul instant, virent en elle le salut. Elles marquent les étapes successives qu'a parcou- rues cette question de la reconstitution à Taide des cépages du Nouveau-Monde, — depuis 1869, où M. Laliman, au congrès de Beaune, appelait pour la première fois l'attention sur eux, jusqu'à nos jours, — avec les périodes de découragement, d'enthousiasme, de tâtonnements, d'échecs et de succès qui les jalonnent. C'est en 1868 que la commission, déléguée par la Société centrale pour aller, en Provence, étudier sur place la nouvelle maladie de la vigne, découvrit le phylloxéra : le retentissement fut immense ; les études, les recherches commencèrent aussitôt. Interrompues, et comme noyées au milieu de nos désastres de 1870, elles furent reprises dès 1872 : d'une part, le baron Thénard démontrait l'effi- cacité du sulfure de carbone contre le phylloxéra ; d'autre part, les plus éminents des viticulteurs de l'Hérault, encouragés et poussés par M.^Planchon que sa mission en Amérique avait fait l'apôtre écouté des cépages du Nouveau-Monde, se mettaient réso- lument à l'œuvre, et entreprenaient la plantation de ceux de ces cépages qui étaient le plus estimés aux Etats-Unis. Dans l'Hérault, il faut bien le dire, l'emploi du sulfure de car- bone ne donna pas, en général, des résultats satisfaisants, soit que l'on manquât alors d'une méthode rationnelle pour l'appliquer, soit que l'intensité de l'invasion phylloxérique, coïncidant avec une période d'année de sécheresse extrême en amoindrît oii en paralysât les effets. Il me souvient de ces premières années de lutte contre l'insecte où, autour de nous, à Montpellier, après deux ou trois vaines tentatives de traitement au sulfure de car- bone, et malgré les soins les plus assidus, nos vignes disparurent une à une, fondirent en quelque sorte sous les attaques invisibles d'un insaisissable ennemi. Et il me souvient aussi, après les pre- mières heures d'angoisse et d'incertitude, du rayon d'espérance que versaient en nous ces vignes d'Amérique, nouvelles venues, dont les premiers types étaient l'objet de nos visites incessantes, de nos ardentes curiosités. Des collections de vignes américaines prenaient naissance au mas de Las Sorrès, au champ d'expé- riences de l'Aiguelongue, à l'Ecole d'agriculture de Montpellier, dont la collaboration et l'union avec la Société centrale d'agricul- ture furent si fécondes et si précieuses pour notre pays. Les rapports de M. Louis Vialla, publiés en 1876 sous ce titre : « Les Cépages américains dans le département de l'Hérault pen- dant les années 1875 et 1876 », rendent compte de ces expériences initiales. L'unique préoccupation, l'objectif essentiel étaient la - 93 — résistance au phylloxéra. De ce que les vignes vivaient de Tautre côté de l'Atlantique, et prospéraient malgré la présence de l'in- secte, on concluait qu'il en serait sans doute de jnême en France, et on était tout naturellement amené à essayer ici les cépages qui étaient employés là-bas. C'est ainsi que le Clinton et le Concord furent tout d'abord mis à l'essai et recommandés ; puis les com- munications avec les viticulteurs d'Amérique se multipliant, ce furent le Cunningham, ÏHerbemont, le Taylor, VHartford, prolific, le York's Madeira ; puis, enfin, le Jacquez. VOthello, le Vialla, le Solonis, le Riparia. Les résultats obtenus tout d'abord furent encourageants. Plan- tés dans les terrains qui — par le fait du hasard — leur conve- naient parfaitement, les Clintons, greffés peu après avec nos cépages indigènes, prospérèrent, confirmant ainsi d'une iaçon éclatante les théories de la nouvelle école sur la possibilité de la réfection du vignoble à l'aide de porte-greffes américains. Dès lors, l'élan était donné, et les replantations commencèrent. Quand on se reporte, par la pensée, à cette période critique, on ne peut s'empêcher d'admirer le courage et l'audace de ceux qui ouvrirent la voie et la téméraire confiance de ceux qui les écoutèrent et les y suivirent. Tout était si neuf dans cette ques- tion des vignes américaines, si plein d'inconnu et de ténèbres I Mais l'influence de la Société centrale d agriculture et de ses chefs était si grande, l'esprit de solidarité entre la grande, la moyenne et la petite propriété se manifesta, s'affirma avec une telle force — comme sous l'empire d'un instinct de conservation mutuelle — que les objections étouffées se turent d'elles-mêmes, que les obstacles s'aplanirent, et que, poussés par une égale émulation, tous, petits et grands, se laissèrent entraîner dans ce grand mouvement qui, en moins de vingt ans, a abouti à la restauration des 200,000 hectares du vignoble de l'Hérault ! Ce mouvement, il faut le reconnaître, a été heureux, et bien servi par les circonstances : les terres de l'Hérault se sont pour la plupart montrées favorables aux vignes américaines, et il est permis de se demander ce qui fût advenu si, au lieu de commencer dans ce département, les attaques du phylloxéra et le travail de reconstitution avaient débuté par des sols réfractaires aux cé- pages américains, comme par exemple les Charentes. Quels in- succès éclatants n'eussent pas signalé les premiers essais I Quel découragement ne s'en fût-il pas suivi ! De quelle défaveur les vignes américaines n'eussent-elles pas été l'objet? Et quel avenir différent, après de tels débuts, ne leur eùt-il pas été réservé ? Quoi qu'il en soit, on ne saurait s'étonner que tout ne marchât pas parfaitement dans cette œuvre un peu hâtive, un peu touffue, — 94 — un peu imprévoyante de la première heure. A côté de succès sérieux, des échecs retentissants éclatèrent. Dans l'ignorance où Ton était des véritables conditions d'existence de la vigne améri- caine, de ses exigences particulières, on avait planté un peu au hasard, à l'aveuglette, sans données précises sur la valeur réelle des cépages employés. Quoi de surprenant si, dans ces condi- tions, certaines plantations manifestaient au bout de peu de temps des signes non équivoques d'affaiblissement r On s'aperçut alors que les choses étaient différentes en France et en Amé- rique ; qu'à côté de la question de résistance à l'insecte, il en existait d'autres, telles que le climat, la nature du sol, etc., dont Tinfluence devenait parfois prépondérante et ne pouvait être négligée sous peine d'un échec certain. Sous ce rapport, loin de se simplifier, la question des vignes américaines devenait plus ardue, plus compliquée, plus difficile à résoudre. Les premières plantations avaient été faites dans un double but : expérimenter les vignes américaines comme producteurs directs, et aussi comme porte-greffes de nos vignes indigènes. Mais il ne fallut pas un long temps pour reconnaître que le Concord et le Clinton, très employés en Amérique, et qui, à raison de ce pré- cédent, avaient (été recommandés dès le commencement, étaient des producteurs directs insuffisants et des porte-greffes fort mé- diocres. Le Concord donnait, en petite quantité, un vin foxé presque inutilisable ; le Clinton, taillé en souche basse, selon la coutume de l'Hérault, produisait quelques grapillons à peine : ils furent vite abandonnés et, de toutes les plantations assez impor- tantes qui en furent faites, il reste à l'heure actuelle un fort petit nombre. L'essai ne fut guère plus heureux avec les Cunningham, les Herbemont, les Norton' s Virginia, les Hartford' s prolific : même insuffisance comme production directe, au moins pour la région du Midi. En présence de ces tentatives infructueuses ou peu satisfai- santes, l'opinion s'accréditait chaque jour davantage qu'il faîTaît renoncer à trouver en Amérique un producteur direct pouvant remplacer nos cépages indigènes et chercher définitivement dans les porte-greffes la solution du problème. Justement, le Taylor venait d'apparaître, qui paraissait, de prime-abord, réunir toutes les qualités d'un excellent porte-greffe : facilité particulière au bouturage et au greffage, bonne végétation ^ bonne fructification des sujets greffés. Il suscita d'autant plus d'enthousiasme qu'il fut prôné par des viticulteurs éminents, comme M°" la duchesse de Pitz-James, Louis Vialla, Bouscaren, Champin, dans les ter- rains desquels il se développait merveilleusement. Au champ — 95 — d'expériences du Mas de las Sorrès, à TEcole d'agriculture de Montpellier, il prospérait à souhait; c'était un des porte-greffes qui se comportaient le mieux dans les sols dé TEcole et dans ceux du Mas dé las Sorrès, où Ton peut voir, d'ailleurs, encore au jourd'hui de très belles vignes greffées sur TayloT depuis l'origine. Il eut donc, et à juste titre, son heure de succès. Il s'en planta des quantités relativement considérables, et les vignes ne sont pas rares aux environs de Montpellier qui, greffées sur Taylor, don- nent encore toute satisfaction. C'est, dans certains sols, un admi- rable porte-greffe pour le « Chasselas ». Mais on ne tarda pas à observer que, sur quelques points, ses racines se montraient fort sensibles aux attaques du phylloxéra. Puis, de redoutables concurrents lui étaient nés : le York Madeira, le Vialla, le Solonis (le Solonis si mal connu à cette époque qu'il était recommandé pour les terres maigres et sèches, alors' qu'il serait le porte- greffe des sols humides ou compacts) avaient tour à tour leurs partisans et détracteurs. Brusquement, le Jacquez et le Riparia parurent; et les premiers essais furent tels que tout le monde tomba d'accord que le problème de la reconstitution était résolu. Le Jacquez fut d'autant mieux accueilli qu'il réunissait, pour ainsi dire, tous les suffrages ; l'école des producteurs directs, un moment désemparée, reprit courage : le Jacquez n'était-il pas, en effet, un producteur sérieux, dont le vin, d'une coloration intense, pouvait aussi bien servir aux coupages du commerce qu'à la consommation directe ? L'école des porte-greffes y trouvait un porte-greffe pour les terres compactes, pour les marnes et les calcaires, où les autres cépages américains s'étaient mal com- portés. Quant au Riparia, ses qualités de premier ordre le mettaient immédiatement hors de pair. Il était considéré comme le cou- ronnement de l'édifice si laborieusement élevé, comme le porte- greffe incomparable par qui était désormais assurée la résurrec- tion de notre vignoble méridional. L'emploi du Riparia marque le point culminant des essais, des tâtonnements de la première période. Il clôt l'ère des expéri- mentations hâtives et assoit définitivement, sur des bases solides, la méthode de reconstitution du vignoble par les cépages améri-. cains. Il démontre victorieusement l'excellence de cette méthode, et combien avaient vu juste, ceux qui, dès 1869, la préconisaient comme la meilleure, la plus sûre, la plus efficace et la plus féconde. Dès lors, les dernières hésitations disparurent; les timides eux-mêmes furent entraînés : tout le monde planta ou voulut planter, de telle sorte qu'on peut dire, sans exagération, du — 96 — vignoble de THérault, qu'il est tout entier sur Riparia «et sur Jacquez. L'exemple donné par ce département avaii été suivi. Au fur et à mesure que s'étendaient dans d'autres régions les ravages du phylloxéra, les expériences dont il avait eu l'initiative y étaient reprises, renouvelées, avec les modifications inévitables qu'en- traînaient les changements de climat, de sol, de méthocles cul- turales. Seulement, plus se multipliaient les plantations en vignes américaines, plus aussi s'affirmaient certaines différences dans- la tenue des divers cépages employés, suivant la nature des ter- rains, ou même encore suivant la variété des vignes indigènes utilisées comme greffons : c'est ainsi que se posèrent et naquirent les redoutables problèmes de Vadaptation et de Vaffinité dont la solution intervient à peine aujourd'hui. Dès 1878, M .Louis Vialla, puis M. Bringuier, le docteur Davin et le docteur Despestis appelèrent l'attention des viticulteurs sur la différence de végétation que présentaient les vignes américaines. Alors que, dans certains sols siliceux, argilo-siliceux, rouges et fertiles, toutes ou presque toutes se comportaient également bien, dans les terres blanches, compactes et imperméables, elles dépé- rissaient plus ou moins rapidement. Si, au début, toutes les préoccupations s'étaient tournées d'une façon trop exclusive peuv être sur la résistance au phylloxéra des plantes nouvellement introduites,, résistance que l'on volilait absolue, parce qu'on en faisait le pivot, le facteur unique des plantations renouvelées, il fallut bien reconnaître que cette résistance n'était qu'une face, qu'une partie du problème à résoudre, que d'autres facteurs importants devaient entrer en ligne de compte, tels notamment que Vaction exercée par le milieu dans lequel la plante se déve- loppait. On avait eu le tort de penser qu'à l'exemple de nos vignes indigènes, qui viennent à peu près bien dans tous nos terrains, les vignes américaines prospéreraient partout, à la con- dition de résister au phylloxéra. On oubliait que, si les premières appartiennent toutes à la même espèce {vitis vinifera), les secon- des comportent plusieurs espèces, très différentes entre elles, et comprenant chacune un grand nombre de variétés. Il était donc nécessaire d'étudier les aptitudes spéciales de ces variétés. Les terrains calcaires se montraient, entre ious, plus particu- lièrement réfractaires aux cépages d'outre-mer. Ceux-ci y poussaient mal, y jaunissaient, se rabougrissaient même et finissaient par périr. Or, c'est précisément dans les terres calcaires que nos vignes indigènes paraissaient se plaire de préférence : faudrait-il donc renoncer à replanter ces terres, si fréquentes dans toute — 07 — rétendue du vignoble français, si considérables par Timportance de leurs produits? On conçoit Témotion que soulevait cette inté- ressante question. Cette émotion était pleinement justifiée. La confiance que les vignes d'outre-mer avaient fait naître allait-elle se trouver en défaut? Et fallait-il se résigner à les voir incapables, sur bien des points, de rendre les services qu'on attendait d'elles ? L'œuvre de la reconstitution demeurerait-elle boiteuse, incomplète, lais- sant derrière elle des ruines irréparables? N'existait-il donc pas réellement en Amérique de variétés susceptibles de vivre et de prospérer dans ces terres réfractaires ? Ou bien fallait-il demander à de nouvelles sources, jusqu'alors inexplorées, les cépages dont le besoin s'était subitement dévoilé ? Plus d'une foi robuste chancela, et l'on vit des américanistes de la première heure — comme le docteur Davin auquel nous sommes redevables de si belles études, de si nombreuses recher- ches, dont le nom demeurera à jamais uni à l'introduction et à la propagation en France des cépages du Nouveau-Monde — douter de l'avenir. « Les agriculteurs audacieux, écrivait-il lui-même à cette époque, qui ont planté les premiers jalons de la viticulture américaine, les retardataires, les hésitants, que les éblouissantes récoltes de nos jeunes greffes ont fascinés, se trouvent aujour- d'hui, pour peu qu'ils raisonnent, dans un complet désarroi ou sont frappés d'une panique exagérée qui ne doit étonner per- sonne... » Peu après, le Ministre de l'Agriculture posait à cer- taines associations agricoles la question suivante : « Sommes- nous, dès maintenant, mathématiquement certains de reconstituer notre richesse viticole à l'aide des variétés de vignes américaines dites résistantes, producteurs directs ou porte-greffes ? » Plusieurs réponses furent évasives, traduisant ainsi l'inquié- tude que les défaillances de plantations nombreuses avaient répandue dans les esprits. Enfin, la Société centrale d'agriculture de l'Hérault, se faisant l'interprète des préoccupations générales, demandait que le Gouvernement envoyât en Amérique une mis- sion chargée d'étudier les vignes qui y végètent dans les terrains calcaires. Cette enquête sur-place était, en effet, fort nécessaire : si les envois répétés, de plus en plus considérables, qui nous étaient faits d'Amérique chaque année, sous forme de boutures ou, de pépins, avaient donné naissance à des plantes extrêmement variées, la plupart d'entre elles étaient mal connues, mal définies. Aucune sélection n'avait présidé à leur choix ; de ce. côté, tout restait à faire. C'est ainsi qu'on avait vu successivement appa- raître des Cordifolia, des Cinerea, des Rupeslris, même des Ber- landieri, dont le plus grand nombre était sans valeur comme sans 4 — 98 — intérêt. Quelques bonnes formes, particulièrement vigoureuses, avaient bien été isolées, mais elles n'étaient encore ni répandues, ni sérieusement expérimentées. M. le docteur Davin résumait la situation en disant jaux viticulteurs, avec sa haute autorité : « Ne plantez : ni les marnes blanches, ni les tufs calcaires d'eaux dou- ces, ni le grès debout II» Pour répondre aux vœux des Sociétés agricoles, le Ministre de l'Agriculture chargeait M. Pierre Viala, professeur à TEcole d*agriculture de Montpellier, d'une mission spéciale en Amérique. Pendant que M. Pierre Viala accomplissait cette mission qui devait jeter tant d'éclat sur son nom et le rendre célèbre, en France un groupe d'hommes d'une rare intelligence poursuivait, par d'autres voies, la solution du même problème. Depuis quelque temps déjà, c'est-à-dire depuis 1876, des sa- vants, des praticiens s'étaient dit qu'en alliant les espèces sau- vages d'Amérique à nos vignes indigènes, il serait peut-être pos- sible de créer des types intermédiaires, héritant de leur parent américain la résistance au phylloxéra, et de leur parent français la fructification qui manquait aux vignes des Etats-Unis. Ils ne visaient alors que la recherche de producteurs directs, suscep- tibles de remplacer, le cas échéant, nos vignes indigènes ; c'est plus tard, et sous la pression des événements q\ie nous venons de rappeler brièvement, qu'ils tentèrent celle de nouveaux porte- greffes. L'Ecole d'agriculture de Montpellier, puis M. Couderc, M. Gan- zin, MM. Millardet et de Grasset, M. le docteur Davin, plus tard M. Castel — pour ne citer que les plus considérables — s'appli- quaient par l'hybridation de vignes américaines entre elles ou de vignes américaines avec nos cépages indigènes, à constituer de nouveaux porte-greffes capables de se substituer avec avantage à ceux dont l'insuffisance, dans certains sols, avait été le plus manifeste. On procéda soit au croisement d'espèces américaines entre elles, d'où le nom d'hybrides américo-américains, soit au croisement de nos vignes françaises avec les espèces américaines réputées les plus résistantes au phylloxéra, d'où le nom d'hybrides franco-américains. On supposait, avec raison, que ces derniers, à cause du sang de vitis vinifera (toutes nos vignes indigènes sont deà vitis vinifera) qu'ils renfermaient, auraient des facultés d'adaptation toutes particulières à la fois pour les terres réfrac- taires aux vignes américaines et pour les cépages français qu'ils auraient à rjeçevoir comme greffons. On pensait que de cette har- monie plus étroite, plus intime entre le porte-greffe franco-amé- ricain et le greffon, découleraient d'inappréciables bienfaits et que les nouveaux vignobles ainsi reconstitués présenteraient un — 99 — état d'équilibre parfait assurant leur prospérité et leur longé- vité. Seule, la question de résistance au phylloxéra faisait doute ; -nais en se reportant à cette théorie de l'hybri'dation qui veut que rhybridation d'une espèce résistante avec une espèce de résis- K tance nulle puisse produire quelquefois des individus bien résis- « tants », on était amené à espérer que quelques-uns au moins, parmi ces hybrides, hériteraient de leur parent américain une résistance au phylloxéra absolue peut-être, en tout cas pratique- ment suffisante pour en autoriser l'emploi. C'est ainsi que furent créés des milliers et des milliers d'hybrides, que furent semés des milliers et des milliers de pépins, produits de ces hybridations. De cette noble émulation entre tant d'esprits distingués, de ces premiers efforts surgit toute une série de porte-greffes sur les- quels l'attention publique fut, dès 1887, au Congrès de Mâcon, appelée d'une façon toute particulière. En même temps, de grands progrès étaient réalisés ailleurs. D'une part, M. Viala avait rapporté d'Amérique de féconds en- seignements ; d'autre part, aiguillonnés plutôt que découragés par les insuccès, convaincus de l'avenir réservé aux vignes amé- ricaines, les viticulteurs multipliaient les expériences et déga- geaient de la masse des faits les premières règles de l'adaptation et de l'affinité. Des congrès yiticoles étaient organisés sur tous les points du territoire, où se débattaient et s'éclairaient peu à peu les questions à l'ordre du jour. La mission de M. Pierre Viala n'était pas, en effet, demeurée stérile, commelesont d'ordinaire la plupart des missions scienti- fiques ou agricoles. Elle avait porté ses fruits. Il suffit, pour s'en convaincre, de relire, après plus de dix ans, le rapport que le jeune professeur publia à son retour sous le titre de : Une mission viticolç en Amérique, L'intérêt qu'il présente n'a pas diminué ; la valeur des. découvertes qu'il mentionne, des espérances qu'il apporte, n'est pas affaiblie. Ce bel ouvrage est le guide le plus sûr qui soit pour se retrouver au milieu de l'inextricable fouillis des vi- gnes américaines, dont les espèces sont au nombre de dix-huit au moins ; M. Viala les passe toutes en revue, il donne leurs mo- nographies, avec l'historique, les synonymies, l'aire géographique et géologique, la culture, l'adaptation, les hybrides de chacune d'elles. Il y joint la description de toutes les maladies cryptoga- miques, de tous les insectes qui attaquent ces vignes ; il analyse et compare les divers sols des Etats-Unis, de France et d'Algérie où elles sont susceptibles de s'adapter. Peut-être même est-ce là le morceau capital du livre, puisqu'il répond plus directement au but spécial de la mission qui était l'étude des divers terrains où croissent les vignes sauvages d'Amérique, et l'étude des divers •V- * ■* - « * - — 100 — cépages qui y ont été adaptés soit par la nature, soit par la rjain de rhomme. Il constate notamment que, dans certains sols d'Amérique, les proportions de calcaire sont aussi élevées, sinon plus fortes, que dans les terrains crétacés de France, et que dans ces sols des Cordifolia, des Cinerea, des Berlandieri végètent admirablement, avec une vigueur dépassant de beaucoup celle de nos vignes européennes. Il conclut que les vignes américaines nous offrent, dans leur ensemble, des porte-greffes capables de prospérer et de faire prospérer nos variétés françaises dans tous les sols, même les plus ingrats et les plus réfractaires. « Cette étude, dit-il, appuyée sur des faits, prouve combien il est utile de procéder à l'analyse des terrains que Ton désire plan- ter en vignes américaines. Elle démontre, en outre, que le viti- culteur possède aujourd'hui, pour les sols marneux, calcaires, crayeux, blanchâtres, des cépages d'une valeur réelle pour les- quels la composition chimique des milieux dont ils sont origi- naires est une garantie sérieuse de leur avenir. » . — Peut-être cette conclusion, étaitrelle prématurée ou trop optimiste ; elle fut en tout cas, accueillie comme elle devait l'être : comme un gage de succès définitif pour les vignes américaines. Les années qui viennent de s'écouler ^ ont été employées par tous à asurer ce triomphe, que peuvent seuls contester des esprits prévenus ou aveugles. Les difficultés ont été tour à tour abattues ou élucidées. Pour être encore imparfaite, l'œuvre de la recons- titution n'en a pas moins marche à pas de géant. La situation actuelle peut se résumer en quelques mots : Elle offre la réponse la plus nette aux vœux que formulait, en 1886, le Ministre de l'Agriculture : Om, noies sommes mathématique- ment certains de reconstititer notre richesse viticole à Vaide des variétés de vignes américaines résistantes, ou d'hybrides, pro- ducteurs directs ou porte-greffes. Mais cette reconstitution, comment l'opérer? Le vignoble dé truit, que faire ? — Convient-il de s'adresser, pour sa replantation, aux cépages producteurs directs ou aux cépages porte-greffes t — Si pareille question eût été posée il y a quelques années, la ré ponse eût été nette : sans hésiter, nous eussions dit : aux porte greffes. — Il n'en va plus tout à fait de même aujourd'hui ; et sous la pression des événements, un mouvement sérieux en faveur des producteurs directs s'est dessiné, qui mérite qu'on s'y arrête L'entrée en ligne du black-rot, les ravages causés par cette cryp- togame, son extension, l'incertitude, le doute qui planent encore sur l'efficacité pratique et économique, sinon théorique, des traite- ments proposés pour le combattre, ont conduit bon nombre de viticulteurs à chercher le salut du côté des producteurs directs — 101 - réfractaires à cette maladie. Quand on voit des esprits aussi dis- tingués que M. Castel, M. Couderc, M. le D' Grandclément, M. de Malafosse, et tant d'autres, montrer cette voie nouvelle et y insister, et en préconiser les avantages, et y entraîner à leur suite les découragés, les déçus, les hésiitants et les timides, on est bien obligé de convenir qu'il y a là — quoi qu'on veuille — quel- que chose de réellement intéressant ou utile, digne d'être étudié. Et l'on est amené à reconnaître qu'en effet, dans Je certaines conditions particulières d'exploitation ou de climat, les produc- teurs directs constituent une ressource, un mode de reconstitu- tion qu'il serait injuste de passer soùs silence. Mais c'est seulement quand se présentent ces conditions particulières qu'ils sont admis- sibles et acceptables. Dans les pays, par exemple, où la vigne est une culture tout à fait accessoire, où, par suite de ses autres travaux, de ses autres obligations, l'agriculteur se trouve- dans l'impossibilité de pro- diguer aux vignes indigènes greffées les soins, les traitements anticryptogamiques qui leur seraient indispensables, où il ne vise rien autre, pour ainsi dire, que de récolter la boisson nécessaire aux besoins de sa famille, de sa ferme ; — dans ceux auW peut- être où, sans être accessoire, la culture de la vigne cède le pas à des cultures plus importantes, céréales, prairies, etc., avec cette circonstance aggravante que la moisson, la fenaison y coïncident avec l'époque des sulfatages, des soufrages, etc., — les produc- teurs directs pourraient être souvent utilisés avec avantage. S'il était vrai, d'autre part, que le black-rot ne pût être vaincu, sous quelques climats, qu'au prix de sacrifices dépassant la valeur môme du produit, c'est-àndire de la récolte, et que le coût des traitements multipliés qu'il exige, ajouté à des dépenses déjà trop nombreuses, dût être pour le vigneron une charge absolument écrasante, il deviendrait naturel et logique de s'adresser à* des producteurs directs dont la résistance aurait été démontrée. Le champ des producteurs directs deviendrait alors singulièrement élargi et vaste. Mais quoi I en sommes-nous là ? Non, non : je me refuse, pour ma part, à penser que le black-rot doive demeurer longtemps encore pratiquement invincible. Ce n'est qu'un moment pénible à passer, une crise nouvelle à subir et à traverser; le génie français en triomphera finalement comme il a triomphé de toutes celles qui l'ont précédée. C'est, si l'on veut, un horrible cauchemar qui pèse sur la viticuHure : l'aube du jour qui naît ne tardera pas à le dissiper. La solution des producteurs directs est-elle, en tout cas, admis- sible pour les véritables « pays vignobles » et pour les contrées à «grands vins»? Nous ne le pensons pas. Ici, une préoccupation — 102 — doit primer toutes les autres : Conserver les cépages indigènes par qui s'est affirmée la prospérité ou la gloire de ra région. Où ^ont les producteurs directs qui pourraient remplacer le « Pinot » fin, le « Chardonnay » de la Bourgogne, le « Pinot » et le « Vert doré » de la Champagne, le « Chenin blanc » du Saumurois, le « Sémillon » et le « Sauvignon » de Sauternes, le « Cabernet Sau- vignon » et le « Merlot » du Bordelais, la « Syrah » cre TErmitage ? Où sont ceux qui suppléeraient le généreux « Aramon » du Bas- Languedoc ? » L'Aramon » est la raison d'être dès vignobles à grands ïendements du Sud-Est ; c'est le plant d'abondance indis- . pensable à cette région comme le « Pinot » fin est la raison d'être de la Bourgogne et la sourcç de son universelle renommée. Sup- primer « r Aramon » dans le Midi, supprimer le « Pinot » dans la Côte-d'Or serait une folie, puisque ces cépages ne sauraient y avoir aucun équivalent. L'un et l'autre sont, au même titre, nécessaires à la vie agricole de ces contrées,; c'est pour leurs vignerons une nécessité inéluctable de les maintenir, coûte que coûte ; la substitution de producteurs directs à ces cépages serait ici et là plus qu'une révolution ; ce serait un désastre. Et il en va de même des autres pays viticoles où l'expérience de plusieurs siècles parfois a consacré l'excellence des variétés qui y sont, cul- tivées. Et quel autre moyen, je vous prie, de les conserver, sinon de les confier par le greffage à des racines américaines? On a voulu, dans l'Hérault, au milieu du désarroi de la première heure, tenter l'essai de certains producteurs directs américains : qu'en reste-t^il aujourd'.hui ? Un souvenir à demi effacé déjà et le ferme propos de ne plus recommencer à l'avenir. Mais, dira-t-on peut-être, ces qualités des cépages indigènes — « aramons »', « cabernets », « sauvignons », « pinots » — le gref- fage ne va-t-il pas les modifier ? Et dans un sens fâcheux ? .il y a longtemps que l'objection a été faite ; et l'événement y a ré- pondu. Non seulement le greffage n'atteint pas ces qualités, non seulement il ne les diminue pas, il les exalte plutôt. Le greffage produit sur la vigne ses effets habituels, constatés de longue date en horticulture ; il améliore les fruits, il hâte leur maturité, il avance et accroît la fructification. Ce sont là des traits com- muns à tous les porte-greffes; mais tous ne les possèdent pas au même degré. Ils présentent, à cet égard, des variations assez sensibles qu'il ne sera pas sans intérêt de signaler, lorsque nous étudierons chacun d'eux en particulier. Grâce au greffage, les grands vins de France ont pu être sauvegardés, les plus beaux fleurons de notre couronne viticole, les grands crus de la Bour- gogne et du Bordelais ont été sauvés du naufrage et ont revécu 4. ^ «" L i. V *" W 1. fc _ 103 — de leurs cendres. Pareil résultat eût-il été, serait-il possible avec les producteurs directs? La reconstiution par les porte-greffes est donc incontestable- ment de beaucoup supérieure à la reconstitution par les produc- teurs directs. La première est la restauration pure et simple, la résurrection même, sous une autre forme, du vignoble détruit ; la seconde en est le bouleversement, la modification profonde dans son essence et dans ses résultats. Celle-ci, dans Tétat actuel des choses, ne saurait être considérée que comme un pis-aller, auquel celle-là devra le plus souvent être préférée. Nous allons passer en revue les divers porte-greffes, et, en les étudiant, déterminer, s'il est possible, les terrains auxquels cha- cun d'eux paraît plus spécialement convenir. Nous examinerons ensuite les questions d'adaptation, d'affinité — si intimement liées à la vie même des porte-greffes — pour finir par les pro- ducteurs directs, tels que nous les font connaître les essais entre- pris et les publications les plu' récentes. II LES PORTE-GREFFES L'expérience des vingt dernières années a établi de façon cer- taine d'abord qu'il n'y a point, qu'il ne saurait y avoir de porte- greffe unique, universel ; ensuite, que si, dans certains terrains, toutes les vignes américaines peuvent végéter normalement, toutes n'y manifestent pas la même vigueur, la même fécondité ; que, dans la même « espèce », quelques « variétés » sont nette- ment supérieures aux autres ; que dès lors il y a un intérêt de tout premier ordre à isoler les variétés les plus méritantes et à abandonner à leur profit toutes celles qui leur sont inférieures. Ce travail de sélection a été poursuivi avec beaucoup de méthode et de soin. Il a déterminé l'élimination successive de toutes les vignes américaines reconnues sans valeur sérieuse — qu'on pour- rait appeler les porte-greffes de transition — pour retenir unique- ment celles à haute résistance, tels les Riparia, les Rupestris, les Berlandieris. C'est le groupe dit des Américains purs. D'autre part, les expériences poursuivies en France et à l'éiran- ^er avec les nouveaux porte^greffes hybrides auxquels nous avons — 104 — fait allusion tout à Theure, se sont accordées à mettre en lumière un certain nombre d*entre eux qui, en même temps qu'ils don- naient des gages durables de leur résistance au phylloxéra, affirmaient les qualités particulières d'adaptation et cj'affinité en vue desquelles ils avaient été créés. Ces hybrides se divisent, suivant leur origine et leurs ascendants, en deux groupes : les américo-américains ; — les franco-américains. Nous avons ainsi trois Catégories de porte-greffes : américains purs ; — américo-américains ; — franco-américains ; — pour les- quels une même règle egt vraie qu'il faut poser en principe, à savoir que chacun d'eux, à quelque catégorie qu'il appartienne, possède en propre des aptitudes spéciales par où il se caractérise et se personnifie, des préférences marquées pour telle ou telle nature de sol, pour tel ou tel greffon : c'est en respectant les unes et les autres que l'on obtient de lui le maximum d'effets ytiles. D'où la nécessité* de rechercher ces aptitudes et ces préférences, de les étudier un à un, et de dégager ainsi les conditions de leur meilleur emploi pratique. En s'appuyant sur les exemples con- nus, les essais vérifiés, les résultats acquis, il est possible d'arriver dans bien des cas à des certitudes, et le plus souvent à des indi- cations se rapprochant sensiblement de la vérité ou aboutissant a des quasi certitudes. Première catégorie : Américains purs Les américains purs comprennent : les Riparias ; les Rupestris ; les Berlandieris. Les Riparias qui comportent des variations individuelles extrê- mement nombreuses, se divisent morphologiquement en deux groupes, les glabres et les tomenieux. On a tour à tour vanté et propagé des variétés d'ailleurs fort méritantes, — Riparia Baron Perrier, Riparia Fabre, Riparia Martin des Pallieras, Riparia grand violet, Riparia géant, — pour se limiter finalement à deux formes principales, appartenant toutes deux au groupe des Riparias glabres, le Riparia gloire de Montpellier et le Riparia grand glabre. Signalé pour la première fois par M. Louis Vialla, président de la Société centrale d'agriculture de l'Hérault, qui l'avait remar- qué, à cause de sa grande vigueur, dans les plantations du do- maine de Portalis, près Montpellier, et propagé par lui, le Riparia gloire de Montpellier se distingue par. ses grandes feuilles, épais- * ' • M ( _ 105 — ses, allongées, un peu gaufrées entre les grosses nervures, d'un vert foncé à la face supérieure, au sinus pétiolaire en U ; — ses sarments longs, étalés, à mérithalles allongés, colorés en rouge tendre au premier printemps, luisants et pruinés à l'aoûtement. Sélectionné par M. Arnaud de Montàgnac (Hérault), le Riparia grand glabre — Riparia n** 13 de la collection Meissner — serait, d'après certains viticulteurs, plus rustique que le Riparia gloire ; M. Millardet le considère comme de toute première résistance au phylloxéra et aussi comme résistant un peu mieux à la sécheresse que le R. gloire. Ce dernier est le type le plus connu, le plus répandu : il est par excellence le porte-greffe des alluvions fraîches et profondes, des sols caillouteux riches et frais, argilo-silieeux rouges, souples et fertiles et non secs, de cet ensemble de sols non calcaires, meubles, frais et riches que Ton peut englober sous cette dési- gnation générique de « terres à Riparia ». Dans ces terres il est vrai, tous les porte-greffes viennent bien ; mais il s'en faut qu'ils y donnent tous les mêmes résultats que Je Riparia. Celui-ci y demeure, malgré tout, le meilleur des porte-greffes qui nous soient venus d'Amérique, — le meilleur et le plus sûr. Le plus sûr, parce que sa résistance au phylloxéra est de tout premier ordre ; le meilleur, parce que, en dehors de certaines qualités dont nous parlerons tout à l'heure, la rapidité de sa mise à fruit, la fécondité de ses greffes sont largement rémunératrices. Dans l'établissement d'un vignoble, il ne faut point viser seulement un résultat satisfaisant ; il faut encore viser le meilleur possible. Ce que le Riparia exige par-dessus tout, ce sont les terrains meubles. Son système radiculaire y acquiert tout son essor, tout son développement. Les racines du Riparia sont minces, grêles, très dures ; le chevelu très abondant, très fin, forme un lacis compact qui s'étend et rayonne sur toute la couche du sol ; les extrémités végétatives des radicelles ont un fonctionnement d'une activité remarquable, qui explique le besoin d'espace et d'aération dont est doué ce cépage. Que ce développement soit contrarié, que ce fonctionnement soit entravé, il en résulte un choc en retour, un désordre d'autant plus sensible que l'activité ^ est habituellement plus grande ; les extrémités peuvent alors s'altérer, s'atrophier, ne plus suffire aux exigences de la végé- tation aérienne. Un refroidissement subit et persistant de la tem- pérature, un régime de vents violents et secs, entraînant une dessiccation rapide des couches superficielles du sol ei une éva- poration anormale de la plante, peuvent troubler ce fonctionne- ment, alors qu'ils restent sans effet sur d'autres cépages dont le système radiculaire, moins superficiel, moins ténu, moins grêle. — 106 — a un fonctionnement tout différent. C'est par là que peuvent s'expliquer, en partie, ces cas de folletage, de dépression, de dé- périssement apparent dont quelques viticulteurs de nos dépar- tements du Sud-Est se sont plaints pendant les étés brûlants et secs de 1896 et 1897. On comprend, en conséquence, combien les défoncements pro- fonds sont favorables au Riparia, et aussi que des» vignobles établis sur ce porte-grefîe dans des sols relativement denses, mais préalablement défoncés au moyen de charruage à la vapeur à des profondeurs considérables, présentent un état de prospérité réelle. Mais il n'est pas absolument certain que cet état se main- tienne lorsque avec le temps le tassement du sol se sera produit, que la souplesse, l'élasticité des premières années aura disparu ; et il est permis de croire qu'un autre porte-greffe, doué d'un sys- tème radiculaire moins exigeant, y .eût été mieux approprié, y eût plus sûrement garanti l'avenir. Ce n'est pas à dire au surplus' parce que le Riparia végète bien dans certains sols relativement compacts, qu'il y soit le meilleur des porte-greffes, et nous aurons l'occasion de démontrer que d'autres, tels les Riparia x Rupestris par exemple, y sont préférables. Quoique très vigoureux, le Riparia, une fois greffé, grossit m<5ins vite que son greffon, — ceci d'une façon très générale. Cette différence de diamètre entre. le sujet et le greffon, si elle devenait considérable, ne serait pas sans amener de sérieux in- convénients ; il en résulterait un affaiblissement général de la plante et sa disparition précoce. D'ordinaire, cette différence est peu sensible ; elle se traduit par un étranglement au point de soudure qui accroît, semble-t-il, la fructification des souches. Leur durée ne s'en trouvera-t-elle pas diminuée? C'est là une question que l'on s'est posée bien souvent sans qu'il soit encore possible d'y répondre autrement que par des hypothèses. Cette tendance du Riparia à grossir moins que son greffon démontre, en tout cas, la nécessité de le placer dans les milieux qui lui soient le plus favorables, ceux où son développement soit le plus rapide, sous peine de voir s'accentuer ce défaut et s'exa- gérer cette différence de grossissement dans le diamètre du Ri- paria porte-greffe et du greffon. On a dit du Riparia qu'il était difficile et exigeant non seule- ment au point de vue du sol, mais aussi des fumures. Il est vrai que des funiures larges et copieuses contribuent puissamment à maintenir cette régularité, cette abondance dans la fructifica- tion qui est le caractère — et le caractère saillant — des greffes sur Riparia. Ce n'est pas là son seul avantage. Il reprend admira- L — 107 — blement de bouture et accepte avec facilité le greffage de nos principales variétés indigènes. Il redoute le calcaire, comme il redoute les terres sèches, com- pactes et dures : on a eu le tort de le placer souvent dans des sols de cette nature, et il y a causé de nombreux mécomptes. Il convient de le limiter étroitement aux terrains meubles, riches et frais, où il constitue un porte-greffe pour ainsi dire sans rival. Le Rupestris est, en Amérique, la vigne des régions chaudes et sèches. « L'habitat du V. Rupestris, dit M. Pierre Viala dans» sa « Mission viticole ». est bien particulier et se différencie de celui de toutes les autres espèces des Etats-Unis. On ne Tobserve jamais dans les bois ou dans les milieux ombragés ; dès qu'il existe une végétation arborescente quelconque, même des buis- sons, les Rupestris disparaissent; ils poussent toujours exclu- sivement dans les milieux éclairés et dénués de toute plante ligneuse. Le Rupestris me paraît le porte-greffe par excellence des terrains caillouteux, qu'ils soient en coteaux riches ou secs, ou en plaines peu fertiles... Tous les terrains du diluvium alpin, même les plus infertiles, ceux de garrigues oolithiques ou juras- siques, composés de terre rougeâtre ou franche et de roches dures, la plupart des coteaux siliceux de la Bourgogne, du Lyonnais, du Maçonnais, de la Gironde, du Centre et du Centre-Ouest de la France, doivent, à l'avenir, ,'tre peuplés surtout par le Rupes- tris. » L'expérience a confirmé les indications de M. Pierre Viala. Les Rupestris sont bien, en général, des porte-greffes des terrains caillouteux et secs à la surface, mais toujours pourvus dans le sous-sol d'une certaine dose d'humidité. Nos terres du dilivium alpin sont bien, par exemple, un type de terres caillouteuses, et sèches pendant l'été ; mais cette sécheresse, je l'ai constaté souvent, ne dépasse jamais une couche superficielle de 40 à 45 centimètres ; au delà, la plasticité de l'argile maintient une fraî- cheur constante, et c'est dans ce milieu que plongent les racines pivotantes du Rupestris. En fait, il ressort des expériences faites que les Rupestris sont essentiellement les vignes des terres argi- leuses caillouteuses, pierreuses, seraient-elles sèches ; et encore des sols pauvres, peu fertiles, à l'opposé du Riparia qui est le plant des fonds riches et fertiles. Les Rupestris sont caractérisés par leur port buissonnant, leur tronc court et gros, les ramifications secondaires toujours très nombreuses de leurs rameaux dont beaucoup rampent sur le sol ; — leurs feuilles plus larges que longues, au sinus pétiolaire franchement ouvert, rarement grandes, petites, à pousse d'abri- - 108 — cotier, très brillantes. l.eurs racines sont généralement rouge jaunâtre, tenaces, dures, plus charnues que celles du Riparia, avec un chevelu moins touffu, moins abondant que chez ce der- nier cépage ; elles sont longues et pivotantes, s'enfonçant pres- que verticalement dans le sol. Envisagés dans leur ensemble, en tant qu>5pèce, les Rupestris sont moins résistants à la chlorose et au phylloxéra que les Ripa, rias. Prises individuellement, certaines çle leurs variétés offrent une résistance au phylloxéra de tout premier ordre, et une résis> tance à la chlorose fort appréciable. La sélection de ces formes s'impose donc d'une façon rigoureuse, d'autant qu'à chaque formb nettement caractérisée correspond un ensemble de qualités et de défauts. La difficulté de cette sélection a longtemps retardé l'extension culturale du Rupestris. M. Pierre Viala divise les Rupestris en deux groupes princi paux : le premier ne comprend aucune forme qui ait été mainte- nue ou multipliée ; le second renferme toutes les variétés méri- tantes qui ont été conservées et propagées. M. Mazade, ancien sous-directeur du laboratoire des recherches viticoles à l'Ecole d'a- griculture de Montpellier, — un des hommes qui connaissent le mieux les vignes américaines et qui a tout particulièrement étudié les Rupestris, — propose de les diviser en trois groupes : le premier port buissonnant ; feuilles à bords très peu ondulés, régulièrement pliées en gouttière, généralement petites. Teinte générale jau- nâtre. Exemple : Rupestris Ganzin, Le deuxième, port érigé, (ramifications principales seules rampant sur le sol) ; feuilles peu pliées en gouttière ; sinus pétiolaire en forme d'accolade. Exemple: Rupestris du Lçt, Le troisième, port rampant, feuilles à reflet métallique sombre. Exemple : Rupestris Martin, Mission, de Forworth, Métallique, Les Rupestris Ganzin et Martin et le Rupestris du Lot sont les seuls, ou à peu près, qui soient aujourd'hui cultivés. Les Rupes- tris Ganzin et Martin sont les types de la plus haute résistance phylloxérique connue; cette résistance frise presque l'immu- nité ; et pour cette raison ils ont été très fréquemment employés par MM, Ganzin, Millardet et Couderc dans leurs hybridations. Comme porte-greffes, leur valeur est inégale. Le Rupestris Ganzin, sauf dans les très bons fonds, — où le Riparia et les Riparia x Rupestris doivent lui être préférés, — est d'une adaptation plutôt difficile. Ses greffes vont souvent en déclinant ; de plus, il donne en greffes-boutures des reprises mau vaises ou insignifiantes, de telle sorte qu'il a été peu à peu tota- lement délaissé. Le Rupestris Martin, au contraire, est d'une vigueur qui croîi — 109 — avec rage; dans les schistes, les argiles relativement compactes, mais non imprégnées d'eau stagnante, dans les sols caillouteux, ne souffrant pas d'un excès de sécheresse, il constitue un porte- greffe merveilleux. Il reprend bien de bouture : la greffe en place, telle qu'elle se pratique dans le Midi de la France, et la greffe sur table (greffe-bouture) ont, il est vrai, fréquemment donné lieu à des insuccès : la cause en est dans le grand nombre de rejets que le Rupestris Martin — comme d'ailleurs tous les Rupestris et hybrides de Rupestris — a tendance à émettre ; il faut avoir soin d'entailler profondément tous les yeux qui sont en terre ; grâce à ces soins et à quelques précautions particulières aujourd'hui bien connues, le greffage du Rupestris Martin ne soulève pas de difficulté très sérieuse. En revanche, la perfection des soudures ne laisse rien à désirer ; il ne se forme pas, comme chez « le Ri- paria », de bourrelet apparent au point de soudure ; le pied du Rupestris porte-greffe grossit aussi vite que son greffon. La fruc- tification, modérée au début, noins précoce, moins abondante à ce moment que sur le « Riparia », ne tarde pas à s'élever, et à égaler bientôt celle des greffes sur « Riparia ». Dans le Maine-et- Loire par exemple, où l'emploi du Rupestris Martin a produit de si féconds résultats, il donne, greffé en « chenin blanc », des récoltes supérieures à celles du Riparia. Le Rupestris Martin craint, quoi qu'on ait dit, les sols calcaires. J'ai vu, à la vérité, des Rupestris Martin très beaux et très verts dans des sols formés de cailloux calcaires très durs et d'argile ; mais dès que le calcaire est sous une forme assimilable ou faci- lement attaquable, le Rupestris Martin jaunit presque à l'égal du Riparia. Il convient de le réserver exclusivement aux terrains ci-dessus indiqués. Les Rupestris Martin et Ganzin sont faciles à différencier, et par la teinte générale de leur feuillage, et par l'examen de leur sinus pétiolaire. Le Rupestris Ganzin a une teinte générale vert- jaunâtre, et un sinus pétiolaire bien ouvert ; le Rupestris Martin est d'aspect vert foncé et a un sinus pétiolaire plutôt fermé, en V. Les Rupestris Mission, Métallique, de Forworth, appartiennent au groupe du Rupestris Martin. Nous ne les citons que pour mé- moire, aucun d'eux ne nous paraissant avoir les mérites du Rupestris Martin, ni surtout les mérites du Rupestris du Lot, dont il va être parlé. Il serait injuste de passer sous silence le Rupe$tris Paul Giraud et le Rupestris Gaillard ou de Brignais, qui constituent l'un et l'autre d'excellents porte-greffes, mais qui sont vraisemblablement des hvbrides de Riparia et de Rupestris. — no — RuPESTRis DU Lot. — Le Rupestris du Lot est, h nos yeux, un des plus précieux porte-greffes que la viticulture ait acquis au cours de ces dernières années. C'est le plus remarquable des Rupestris et un des porte-greffes les plus remarquables qui soient. Sa fortune a été rapide : après avoir été méconnu, délaissé pour ainsi dire, il est d'un coup jirrivé au pinacle ; sur certains points, il a été, il est encore l'objet d'un véritable engouement. Son état civil est demeuré longtemps incertain. On sait à pré- sent qu'il est sorti de Montferrier, — près. Montpellier, — où M. Sijas l'avait introduit en 1875 au milieu d'un envoi de plants reçus directement d'Amérique. M. Sijas eut l'occasion d'en expé- dier quelques boutures à un viticulteur de l'Aude, M. Rouaix, en 1881 ou 1882 ; celui-ci en distribua plus tard à d'autres viti- culteurs de ce département, notamment à MM. Bastardy, maire de Moux ; Fabre, à Sijean et à Leucate. C'est de l'Aude qu'il fut envoyé dans le Lot, et c'est du Lot enfin qu'envoyé à M. de Grasset par un de ses correspondants, il fut, chez celui-ci, remarqué, étudié et désigné par M. Millardet, sous le nom de Rupestris du Lot. Plus tard, en 1892, MM. Millardet et de Grasset rappe- lèrent « Rupestris phénomène ». Entre temps, il se répandait de plusieurs côtés, et recevait di- verses dénominations : Rupestris à feuilles de peuplier ; Rupes- tris Reich ; — Rupestris Lacas telle ; — Rupestris Collineau; — Rupestris Sijas; — puis (M. Couderc ayant cru reconnaître en lui quelque vague ressemblance avec le « Vitis Monticola »), Rupestris Monticola chez M. Richter, à Montpellier, et Monti- cola Rupestris chez M. Bary, à Carcassonne et dans tout le dépar- tement de l'Aude. Il n'est plus douteux que ces diverses appella- tions s'appliquent à une seule et même plante ; cultivés côte à côte, étudiés et comparés avec soin, tous ces Rupestris ont été reconnus comme étant identiques. Tous ne forment qu'un seul et même groupe, de tous points semblable au type dénommé, pour la première fois, par M. Millardet Rupestris du Lot. C'est donc ce nom seul qui doit être conservé ; tous les autres doivent disparaître, parce qu'ils ne peuvent que créer une confu- sion fâcheuse, et faire croire à des mérites particuliers, à des vertus personnelles qui, en fait, n'existent pas. Nous ne saurions trop engager, pour notre part, les viticulteurs à se défier des appellations plus ou moins pompeuses invoquées à grands ren- forts de réclame par certains pépiniéristes, et à n'accepter comme Rupestris du Lot que les cépages qui leur seront offerts et livrés sous ce nom, avec de véritables garanties d'authenticité. J'ai eu l'occasion de signaler à diverses reprises — et j'y reviens une fois encore — ce qu'offre de particulièrement regrettable - m - cette désignation inexacte de Rupestris Monticola, appliquée au Rupestris du Lot. Dans certaines régions, on est même arrivé^ par abréviations, à dire Monticola tout court, comme s'il y avait quoi que ce fût de commun entre \q R, du l^ot et le Monticola, et comme si ce nom de Monticola n'appartenait déjà pas en propre à une espèce américaine : le Vitis Monticola (1). Or, s'il n'est point interdit de supposer que le R.duLot pourrait peut-être être hybride de F. Monticola, rien n'est venu coilflrmer cette supposition hasardée ; et comme il n'a que des fleurs mâles, il n'a jamais été possible de faire des semis de graines permettant d'étudier les retours au type pur. Qu'il ne soit pas un type pur, qu'il soit entaché d'hybridation, c'est ce qui paraît manifeste ; mais quant à le pouvoir démontrer, c'est une autre affaire. « Les caractères de cette vigne, qui sont très particuliers, — a écrit M. Ravaz (2), — sa végétation, la grosseur de ses racines, qui sont plus grosses et plus charnues que celles des variétés pures de Rupestris, la haute résistance à la chlorose, la grande sensibilité de ses radi- celles au phylloxéra, montrent que cette vigne n'est pas une va- riété pure de Rupestris ; elle est sûrement le résultat d'un croi- sement naturel du V. Rupestris avec une autre espèce... » Oui, mais laquelle? Et où en découvrir la source? — Je partage, au surplus, le sentiment de M. Ravaz, et c'est pourquoi j'ai toujours classé le Jî. du Lot parmi les Américo-Américains, à la catégorie desquels il peut normalement être rattaché. Quoi qu'il .en soit, en matière de dénomination de plante, le premier nom publié et imprimé doit seul rester ; M. Millardet a ici un droit de priorité incontestable : le nom seul de Rupestris du Lot doit donc être maintenu. Le R. du Lot est pne plante d'une vigueur extrême ; c'est cer- tainement la plus vigoureuse de toutes les vignes américaines cultivées. Son tronc est trapu, fort, puissant ; sa végétation exu- bérante. Les rameaux partant de la base sont seuls rampants ; ils s'allongent et atteignent une longueur de plusieurs mètres ; les autres sont érigés, et portent des ramifications extrêmement nom- breuses. Les feuilles adultes sont plus larges que longues, d'un reflet métallique brillant et clair; leur sinus pétiolaire, très caractéristique, est en forme d'accolade. Ce sinus, franchement ouvert, formant à l'œil presque une ligne droite, permettrait à lui seul de reconnaître le R. du Lot et de le distinguer des autres Rupestris. Il est à retenir. Deux particularités, qui lui sont bien personnelles, sont égale (1) (Test ce fait qui a déterminé M. Couderc à proposer et à adopter le nom de Vitis Calcicola à la place de Vitis Monticola» (2) Berne de Viticulture du 9 février 1895, p. 145. ^ 112 — ment à noter : Tabsence de galles phylloxériques et sa défoliation automnale tardive. A rencontre de la généralité des vignes amé- ricaines — notamment du Rupestris Mission, et des Riparia x Ru- pestris — qui se couvrent souvent de galles phylloxériques, le R. du Lot n'en porte jamais. Les galles avortent toujours et ne s'y développent pas. C'est, d'autre part, un des cépages qui con- servent leurs feuilles le plus avant dans la saison. Les premières gelées d'automne, qui ont pour effet de roussir et de faire tomber les feuilles de presque toutes les vignes, sont impuissantes à faire tomber les siennes. Il n'est pas rare, dans le Midi, sous le climat méditerranéen, de voir des R, du Lot chargés de feuilles, ver- doyants en quelque sorte, dans la première quinzaine du mois de décembre, à un moment où toute végétation est arrêtée ailleurs. Il partage ce privilège avec certaines variétés de F. Monticola et certains hybrides ; mais peu le possèdent à un plus haut degré que lui. Sa reprise au bouturage et au greffage ne laisse rien à désirer : les soudures des greffes sont bonnes et le bourrelet à peinte ap- parent. Il drageonne trop facilement ; mais, en définitive, ce dé- faut se réduit à une question de soins. Il faut, dès leur apparition, détruire ces rejets, et pour les grefïes-boutures enlever profon- dément tous les yeux de la tige, ainsi que nous venons de le dire à propos du fl. Martin, Pour les greffages en place, il est néces- saire d'y procéder l'année qui suit la plantation, sous peine d'échec, comme aussi de décapiter les sujets assez à l'avance pour que l'écoulement de la sève ait cessé une fois le greffon mis en place ; la raison en est dans l'excès même de vigueur du R, du Lot et dans le très rapide grossissement de son tronc. Son aire d'adaptation est des plus étendues, — une des plus étendues que je connaisse. Non seulement il végète bien dans les tufs quaternaires très calcaires de Montferrier, où M. Sijas le cultiva le premier ; dans les alluvions fraîches, profondes et cal- caires ; dans les argiles de la région nord de Montpellier; dans les argilo-calcaires de l'Aude, dans les groies des Charentes, mais encore dans une foule de terrains secs ou caillouteux, cal- caires ou non, où sa résistance relative à 1^ chlorose et à la séche- resse s'est tour à tour affirmée. Sa résistance à la chlorose calcaire est attestée par les preuves nombreuses qu'il en a données dans les situations les plus variées du vignoble français : dans l'Hérault, dans l'Aude, dans le Var, les Bouches-du-Rhône, le Gers, les Charentes, l'Anjou, la Côte- d'Or, etc., etc. ; il s'est partout bien comporté, à la condition que le calcaire fût peu friable, peu assimilable, et que la dose de carbonate de chaux ne dépassât guère 35 %. — H3 — Sa résistance relative à la sécheresse résulte également des «ssais qui en ont été faits dans ces terrains, notamment à Mont- ferrier, dans FAudô, le Maine-et-Loire, la Côte-d'Or, etc. Dans leur très beau livre sur la CtUture de la vigne en Côte-tfOr, MM. Durand et Guicherd s'expriment ainsi : « Le R, du Lot est la seule forme de Rupestris qui doit être multipliée dans notre région ; il peut servir à reconstituer les terrains les plus maigres, caillouteux et renfermant jusqu'à 40 % de calcaire. » Quant aux terrains compacts, bien que je connaisse des exem- ples surprenants où le fl. du Lot s'y est trouvé admirablement adapté, il n'est point le mieux fait pour eux ; d'autres porte- greffes lui seront supérieurs. En résumé, c'est dans les terrains pauvres, relativement secs, dans certaines petites groies, dans les argilo-calcaires, dans les marnes moyennement calcaires, qu'est la véritable place du fl. du Lot, C'est le plant de ce que l'on appelait autrefois dans le Sud-Est les terres à Jacquez » ; et de fait, depuis quelques années, la plupart des anciennes terres à Jacquez ont été replantées en R. du Lot, qui y fait merveille. Il faut se garder de le mettre dans les fonds riches et fertiles où l'excès de sa végétation débordante l'emporte au grand détriment de sa fructification. On a beaucoup critiqué cette fructification Au R, du Lot. En maints endroits, on s'est plaint que ses greffes fussent coulardes, peu fertiles, ou d'une fertilité irrégulière. Il semble, après exa- men, que ces plaintes soient exagérées, et que tout se réduise finalement à une question de taille et aussi de cépage-greffon. Précisément parce qu'il est trop vigoureux, \q R. du Lot exige une taille généreuse, qui mate ce que sa nature a de trop exu- bérant. Dans les régions à taille longue, pas de difficulté ; dans les pays à taille courte, il convient de multiplier le nombre des bras et des coursons, à la rigueur môme d'employer le système des pissevins ou des arçons. Je sais des cas où ces deux strata- gèmes ont produit les meilleurs résultats. Le R. du Lot porte fréquemment du phylloxéra sur ses racines, quelquefois en grande abondance : aussi sa résistance a-t-elle été mise en doute par quelques personnes. Je ne suis point de celles- là et je ne considère pas le R. du Lot comme un cépage à résis- tance inférieure « égalant à peu prés celle du Solonis ». Si l'on en juge, au contraire, par la façon dont se comporte cette vigne depuis dix-huit ans soit dans l'Hérault, soit dans l'Aude, où elle A eu à subir et à traverser des périodes de chaleur et de sécheresse excessives, très favorables à l'action de l'insecte, comme aussi par les expériences de MM. Ravaz et Mazade, il paraît plus juste — 114 — de lui attribuer une haute résistance phylloxérique dont on peut dire que, pratiquement, elle sera toujours suffisante. Le Berlàndieri Le Berlàndieri a été introduit en France par M. Paul Douysset, de Saint-André de Sangonis (Hérault), sous le nom de Stceet mountain (sucré de montagne), vers 1873 ou 1874. M. Douysset en distribua un certain nombre de graines à TEcole d^agriculture de Montpellier, à M. le D' Davin, à M. Planchon, qui le cultivè- rent et rétudièrent. M. Davin fut des premiers à le signaler. Dans un petit livre aujourd'hui introuvable, intitulé: Fiat lux! le célèbre américaniste s'exprimait ainsi : « Le premier, je l'ai distinguée (cette vigne) parmi des mustangs que nous avait envoyés M. Paul Douysset ; je l'ai le premier décrite, autant que faire se pouvait alors, et mes travailleurs l'appelèrent tout d'abord: la vigne à feuilles de violettiers, comme ils avaient appelé le Ru- pestris mâle ancien : la vigne à pousses d'abricotier. Elle ne ressemblait à rien de ce que nous connaissions ; je l'appelai Vitis coriacea parce que ses feuilles avaient la consistance du parche- min et parce que cetje épithète ne préjugeait en rien la classe définitive à laquelle une étude plus sérieuse devait la rattacher. Le savant professeur Planchon, à qui la viticulture doit tant, lui a imposé depuis le nom de Vitis Berlandierii. Loin de récla- mer, j'ai francisé sa dénomination en l'appelant Berlandière. Mon épithète rappelait une qualité de la feuille, aussi bien que celle trouvée par la sagacité de mes travailleurs ; celle de Ber- landière est un hommage rendu à un savant botaniste et je l'ai approuvée... » (1). M. Planchon, en effet, en redressant l'erreur commise en Amé- rique par Buckley, qui avait confondu cette vigne avec le Vitis Monticola en la comprenant sous cette dernière dénomination, venait d'en faire une nouvelle espèce, le Vitis Berlàndieri, eu souvenir du botaniste suisse Berlandier : c'est ce nom de Berlarkr dieri qui a été maintenu ^t conservé. Il fut peu ou point question du Berlàndieri jusqu'au jour où se posa le problème de la reconstitution des sols calcaires. Envoyé en Amérique pour rechercher les variétés des cépages pouvant végéter en terrain calcaire et marneux, M. Pierre Viala constata (1) M. Millardet fut également des premiprs à signaler les qualités du Berlàndieri pour les terrains crayeux . (Voir Viala ; MUêion vitieole ; page 19). -* — 115 — <îue le Berlandieri croissait naturellement dans les régions crïi yeuses du Texas. « Les formes de vignes particulières au Texas, écrit-il à ce sujet dans son rapport au Ministre de l'Agriculture (décem- bre 1887), existent exclusivement dans les calcaires crétacés.. Le sol est à peu près généralement constitué, à la surface des grandes plaines (prairies), par une terre noire d'une extrême fertilité. Le sous-sol est une roche calcaire blanche, fissurée et variable de dureté, mais toujours tendre, ayant, dans beaucoui) de cas, une texture intermédiaire entre la craie tufau et la craie proprement dite de la Champagne. Ce sous-sol est plus ou moins profond (jusqu'à cinq pieds), mais il affleure souvent à^ la sur- face, où il se délite rapidement et forme une terre blanche, mé- langée à un cailloutis crayeux de même nature et tendre, et à un humus peu abondant. Il en résulte un terrain d'une fertilité inférieure au terrain crayeux des Charentes. L'affleurement du sous-sol, dans ces conditions, se montre parfois continu sur de grandes étendues, surtout sur le flanc des collines, élevées au plus de 400 à 500 pieds... C'est dans ces milieux que croît le F. Berlandieri de Planchon... Le F. Berlandieri, qu'il ne faut nullement confondre avec le F. Monticola de Buckley, ne com- mence à apparaître, ^ par quelques rares spécimens, que dans le comté de Johnson. C'est l'espèce, qu'avec le Mustang, j'ai observée le plus souvent dans tout le Texas, dans une région sèche où n'existent plus le F. Cinerea et le F. Cordifolia, » Le F. Berlandieri domine dans les terrains dont le sol et le sous-sol sont formés par la décomposition des roches crétacées, où ne poussent et ne restent vertes que quelques rares plantes... Le développement du Berlandieri est plus vigoureux dans les terres fertiles, mais cette vigne ne jaunit pas dans les calcaires blancs. Non seulement elle est très résistante au phylloxéra, mais elle porte très bien If» greffe dans les terres crayeuses. J'ai vu de ce fait des exemples très concluants à Belton, où quelques pieds de vignes espagnoles, greffées depuis deux ans sur des Berlandieri de quatre ans, étaient parfaitement vertes et d'une très belle végétation dans ces mauvais terrains. »... En résumé, je conclurai que, pour les terrains calcaires et marneux, les F. Berlandieri sont les porte-greffes qui offrent le plus de chances de réussite... » M. Pierre Viala constatait en même temps que les formes du F. Berlandieri étaient extrêmement nombreuses, que toutes étaient bien loin d'avoir la même valeur et que, comme pour le L,. — H6 — F. Riparia et le F. Rupestris, une sélection rigoureuse s'imposait. En outre, il faisait analyser comparativement un certain nombre d'échantillons de terres prélevées en Amérique aux endroits où il avait rencontjré les Berlandieri, et en France sur divers points des terrains crétacés des Charentes, et il établissait que les terres les plus calcaires de la Charente sont encore plus riches que celles où les Berlandieri croissent vigoureusement, à Tétat sauvage, dans le Texas. < Ces indications précieuses de M. Pierre Viala ont été depuis pleinement confirmées ; les recherches poursuivies en Amérique aussi bien que les essais entrepris en France ont démontré que 1^ Berlandieri est bien réellement la vigne américaine par excellence des terrains calcaires et comme le type idéal des sols crayeux. Dans une étude assez récente sur les porte-greffes des terrains crayeux sec§, M. Munson, le grand viticulteur américain de Denison (Texas), s'exprime ainsi : « Le F. Berlandieri n'existe, à l'état sauvage, que dans une région limitée au centre du Texas, dans une contrée montagneuse et escarpée appartenant à la for- mation crétacée... La quantité annuelle de pluie qui tombe dans cette contrée est très variable et toujours faible ; parfois la séche- resse dure huit et même dix-huit mois, à un point tel que les plus grands cours d'eau sont à sec. La température varie en été de 25** C. à 15° C. à l'ombre, et en hiver elle descend à 17**, et par- fois à 38 et 44** C. au-dessous de zéro... Par suite, les plantes qui croissent naturellement dans cette région sont généralement capables de supporter de grandes sécheresses, de grandes chaleurs et de grands froid... Les F. Berlandieri, F. Monticola, F. Cham- pini et F. Rupestris, qui sont répandus à l'état sauvage dans pres- que toute cette région, ont prospéré en plein vignoble, sans être altérés, dans le Missouri et le Kentucky, à des températures de 31** C. au dessous de zéro... Le F. Berlandieri s'étend sur toutes les collines crayeuses, sur les flancs et jusque sur les bords des torrents... J'ai trouvé le F. Berlandieri d'une très grande vigueur dans tous les sols les plus crayeux, où il était d'un âge très avancé. J'ai vu, entre autres, dans le comté de Bell, des pieds qui avaient 16 centimètres et plus de diamètre et dont l'âge pou- vait être estimé à plus de cent ans. Mais les variations de forme du Berlandieri sont très grandes^ ainsi que nous l'avons dit: elles ont parfois de si grands rapports avec le F. Monticola qu'il est difficile de les en différencier. En tout cas on les observe dans les sols calcaires avec une très grande vigueur, des feuilles épaisses et d'un vert intense, et des grappes fortes et serrées qui mûrissent à l'automne. Les racines, assez peu ramifiées, plon- gent profondément dans les sous-sols de roches crayeuses ; c'est — 117 — d'ailleurs un fait général pour toutes les espèces qui habitent la région des Berlandieri. » Gomment se fait-il donc — cette faculté réelle du Berlandieri à végéter dans les sols les plus calcaires étant bien constatée — que ce cépage ait pris jusqu'ici si peu d'extension, qu'il soit encore si mal connu, si peu répandu? C'est d'abord qu'il a fallu éliminer toutes les variétés peu vi- goureuses, peu résistantes, pour isoler uniquement les plus mé- ritantes, celles paraissant se rapprocher le plus de ce que l'on considère comme le type pur. C'est ensuite, et surtout, que le Ber- landieri présente une extrême difficulté de reprise au bouturage. Dès les premiers essais entrepris, cette difficulté, signalée d'ailleurs également par M. Pierre Viala, avait paralysé les meilleurs volontés ; M. Douysset, M. le docteur Davin, M. Cou- derc, MM. Millardet et de Grasset, l'Ecole d'agriculture de Mont- pellier et un petit nombre de viticulteurs s'y étaient heurtés, et, de guerre lasse, avaient presque abandonné la culture du Berlan- dieri, Au congrès de Beaune, en 1891, M. Gouderc disait : « Dans les terrains très calcaires, certains Berlandieri et peut-être cer- tains Monticola (en dehors des hybrides) portent seuls de belles greffes. Les Berlandieri purs reprennent très difficilement de bouture et gèlent régulièrement une partie de leur bois dans le Nord. Leur emploi ne paraît pas très pratique en Bourgogne. » Et, comme pour lui donner ratison, MM. Durand et Guicherd, dans leur livre déjà cité (1), écrivent en 1896 : « Les Berlandieri que- nous ayons vus dans la Gôte-d'Or sont tous peu vigoureux et ont franchement jauni dans quelques champs d'expériences des marnes oxfordiennes ». Avant M. Gouderc, le docteur Davin avait noté que les qualités du Berlandieri « m'ont fait passer, di- sait-il, par-dessus la difficulté, je dirais presque l'impossibilité de reprise de ses boutures et décidé à chercher en elle, par le semis et l'hybridation, une variété mixte qui possédât les avantages des dérivés des « vinifera », unis à ceux que nous offre la Ber- landière elle-même. » C'est par l'hybridation, en effet, que le docteur Davin, M. Gou- derc, MM. Millardet et de Grasset se sont effoi^cés de tirer parti des qualités maîtresses du Berlandieri. Nous aurons l'occasion, en nous occupant des hybrides, de signaler celles de ces créa- tions qui valent d'être retenues et sont susceptibles de rendre d'utiles services. Néanmoins, pour réduites qu'elles fussent, les quelques plantations de Berlandieri greffés avaient suffi pour démontrer (1) Culture de la Vigne en Côte-d'Or, page 119 et saivantes. — H8 — qu*à côté de sa très grande résistance à la, chlorose calcaire, ce cépage possédait d'autres avantages sérieux, savoir: une extrême facilité au greffage, une affinité excellente pour la plupart de nos <5épages indigènes, une fructification abondante, régulière, égale eu moins à celle des greffes sur Riparia. Les plantations du Mas de lag Sorrès, celles de TEcole de Montpellier, celles de M. Mac- quin, à Saint-Emilion, et de quelques autres viticulteurs, en ont fourni une preuve éclatante. Mes propres essais m'ont égale- ment édifié sur tous ces points, qui ne sont pas contestés. On conçoit, dès lors, aisément que les plus grands efforts aient été faits pour vaincre et surmonter cette quasi-impossibilité de reprise au bouturage d'un cépage aussi méritant. On a successi- vement essayé ou préconisé le bouturage à un œil, sous châssis, le bouturage en pousse, le marcottage, la greffe-bouture. Aucun de ces procédés n'a donné de résultats assez positifs, assez cons- tants pour pouvoir être regardés comme concluants. Mais voici que, depuis trois ans, un viticulteur bien connu des Pyrénées- Orientales, M. Euryale .Rességuier, a obtenu des réussites excel- lentes par le bouturage d'automne ; et dès lors la question de mul- tiplication du Derlandieri semble avoir fait un pas décisif. Le bouturage d'automne consiste à tailler les boutures en automne, un peu avant la chute des feuilles (à ce moment que nous choi- sissons d'ordinaire pour l'application du traitement Rassiguier contre la chlorose), et à les mettre immédiatement en pépinière sans stratification préalable dans le sable. Il faut seulement d'abord avoir affaire à des pieds mères de Berlandieri sufflsam ment âgés pour que les bois soient bien nourris, ensuite que Taoûtement de ces bois sont absolument parfait, soit irréprocha- ble. L'extrémité des sarments doit être rejetée. Cette condition de l'aoûtôment des bois paraît indispensable. En ayant soin de racler la base des boutures et de protéger celles-ci par un fort buttage qui les recouvre complètement, jusqu'au-dessus du der- ni.er œil, en pratiquant plus tard le moment venu des arrosages copieux, M. Rességuier obtient des reprises qui varient de 45 à 55 % et vont jusqu'à 60 et 70 %. Si ces faits se généralisent, si le bouturage d'automne réussit ailleurs comme dans les Pyrénées-Orientales où les conditions de sol et de climat sont, il faut bien le reconnaître, exceptionnel- lement favorables, le Berlandieri pourra prendre enfin, dans la reconstitution de certains sols, la place à laquelle lui donnent droit de très réels mérites. La caractéristique du Berlandieri est la lenteur de ses évolu- tions successives: franc de pied, il se développe lentement, peu. à peu, comme à regret; — il n'est greffable en place que très — 119 — exceptionnellement à la première année qui suit la plantation, ainsi que nous avons coutume de le faire dans le Midi ; — une fois greffé, il a Tair de bouder pendant un an ou deux ; puis il prend le dessus, secoue sa torpeur, et témoigne d'une vigueur étonnante qui tranche avec la mollesse de ses débuts. La mise à fruit suit naturellement la même marche : paresseuse au début et certaine ment inférieure à celle du Riparia, elle devient plus tard régu- lièrement abondante et dépasse cette dernière. Les greffes sur Berlandieri deviennent alors, au bout de quelques années, réelle- ment remarquables par leur fructification soutenue et, par-dessus tout, par la perfection de maturilé des fruits .Cette maturité est à la fois hâtive et absolument parfaite. G*est ce qui faisait dire à M.'Mazade, à qui est due cette observation sur la fructification des greffes de Berlandieri, que « le Berlandieri devrait être le « porte-greffe type, le porte-greffe idéal des raisins de table. » J'ai été très surpris pour ma part et très frappé de voir dans mes champs d'expériences « des Causses » les greffes d'Aramon et de Carignan sur Berlandieri, maigres et chétives, presque chlorosées, de 1894 à 1897, prendre leur essor à ce moment au point de compter en 1898 et 1899 parmi les plus beaux sujets de cette plantation : les fruits y étaient extrêmement abondants, très développés et d'une égalité, d'une régularité de maturation fort rare chez nos Âramons de plaine. Le Berlandieri présente un autre avantage : il ne redoute pas la sécheresse et s'accommode des terrains secs, même superficiels, à la condition toutefois que le sous-sol soit non pas tabulaire ou impénétrable, mais de roches fissurées permettant aux racines de plonger profondément. Les types de Berlandieri spéciaux aux calcaires doivent offrir, d'après M P. Viala, les caractères suivants : végétation très vi- goureuse, feuilles épaisses, luisantes sur les deux faces, à extré- mité des rameaux peu tomenteuse, à feuilles d'un brun doré. Ces caractères sont particulièrement manifestes sur les formes sélectionnées dont les noms suivent et qui ont été décrites par M. Mazade : Berlandieri Rességuier n** / et surtout n"" 2\ — Berlandieri Daignière ; — Berlandieri de Lafont n"" 9 \ — Ber- landieri Mazade. Il convient de mentionner également les collec- tions et les sélections de MM. Malègue, Léné, Boutin et Cristal. Deuxième catégorie : Américo-Américains Cette catégorie comprend deux groupes : celui des hybrides américains pour la plupart importés d'Amérique, — porte-greffes — 120 — de la première heure tels que Clinton, Taylor, Jacquez, Solonis Vialla ; — celui des hybrides américains créés en France et •ngou reusement sélectionnés par leurs obtenteurs. Parmi les anciens porte-greffes, combien méritent aujourd'hui d'être retenus? Ce n'est point exagérer sans doute que de dire du Clinton, du Taylor, du York-Madeira, du Cunningham, de VHer bemont, qu'ils ' doivent être définitivement abandonnés. Est-il excessif d'en dire autant du Jacquez, du Solonis et du Vialla ? Le Jacquez a rendu, dans le Midi de la France, les plus signa lés services, à un moment où or ne connaissait pas d'autre porte greffe pour les sols difficiles ou dépérissait le Riparia. Pendant plusieurs années, il a été indiqué comme le cépage des terrains calcaires ; il a fallu en rabattre. Essayé dans lés Charentes, son insuffisance y a été manifeste ; il en a été de même dans les marnes oxfordiennes de la Côte-d'Or, dans les tufs de Maine-ei Loire, et sur un grand nombre de points. D'une résistance insuffisante au phylloxéra, il n'a témoigné d'une résistance relative à la chlorose que dans les marnes pro fondes et fraîches, où ses racines grosses, charnues, peu ramifiées, pouvaient se développer à l'aise. Il n'a donné des résultats cons tants que dans les très bons terrains, fertiles et frais. Mais, dans ces terrains-là, qu'a-t-on besoin du Jacquez? Ailleurs, il est et ii sera inférieur aux porte-greffes nouveaux qui l'ont partout sup planté avec avantage. Il n'est pas une seule des terres dites terres à Jacquez où le Rupestris du Lot, les Riparia x Rupestris, TAra mon X Rupestris Ganzin n** 1, le 1202 de Couderc, ne lui soient, à tous égards, nettement supérieurs. Au surplus, pourquoi 'par 1er encore des « terres à Jacquez » ? Cette appellation doit dispa raître avec le Jacquez lui-même. Le Solonis lui aussi avait été recommandé pour les sols cal «aires : Il y a causé lui aussi quelques déceptions. Dans le Blayais, les Charentes, le midi de la France, la Dordogne, le Nord-Est (Saône-et-Loire et Côte-d'Or) l'Ouest (Anjou et Vendée), il a été tour à tour essayé, loué par les uns, blâmé par les autres, ne te- nant point, dans la plupart des cas, les espérances qu'il avait fait naître. Le Solonis n'était pas pourtant à ce moment un porte-greffe à dédaigner, parce qu'il n'en existait pas d'autre pour certains sols humides, froids, reposant sur un sous-sol d'argile compacte ou de marne. Et de fait, lorsqu'il a été placé dans des terrains de cette nature, il a donné satisfaction. Mais il est arrivé au Solonis ce qui est arrivé à tous les porte-greffes : on l'a planté un peu au hasard dans des sols pour lesquels il n'était point fait, •et il y a échoué. Aussi, cjès 1894, s'en plaignait-on beaucoup en — 121 — Saône-et-Loire et en Côte-d'Or. D*une enquête dirigée d'une part par M. Battanchon, professeur départemental d'agriculture de Saône-et-Loire, d'autre part par la Société vigneronne de Beaune, il résulta que les affaiblissements constatés devaient être attri- bués à la sécheresse. La conclusion était que, pour l'avenir, les viticulteurs de cette région agiraient sagement en se montrant circonspects dans l'emploi du Solonis, auquel ils devraient pré- férer le Rupesfris du Lot, les Riparia x Rupestris et le Solo- nisxRiparia de Couderc. Dans leur Cvlture de la vigne en Côte- d'Or, MM. Durand et Guicherd ont confirmé cette manière de voir en disant : « En résumé, on ne doit jamais utiliser le So- lonis dans les terres craignant la sécheresse, et presque toujours on peut remplacer ce porte-greffe par d'autres plus avantageux. » Le Solonis est, en effet, essentiellement le cépage des sols hu- mides, mais humides à l'excès, où l'eau demeure stagnante pen- dant la plus grande partie de l'année. S'il y a été employé avec succès jusqu'à ce jour, il pourra encore y être utilisé dans l'ave- nir, en tenant compte cependant de ce fait que certains hybrides de Solonis, tels que le iôiô (Solonis x Jliparia) de M. Couderc, et les 202 (Solonis X Cordifolia-Rupestris) de MM. Mlllardet et de Grasset, en ayant la même faculté, ont, en plus, une très haute résistance au phylloxéra qui manque au Solonis. Il est, en outre, certains terrains spéciaux pour lesquels le So- lonis constitue un porte-greffe unique : ce sont les terrains salés, ou salants comme on les appelle communément sur les bords de la Méditerranée. Sous l'action du chlorure de sodium que ces terrains renferment souvent en abondance, tous les porte-greffes connus ne tardent pas à péricliter et à mourir. Seul, le Solonis supporte une assez forte dose de chlorure de sodium. Grâce à lui, des espaces relativement considérables, naguère sans vuleur^ ont été plantés en vignes, notamment dans la contrée basse et marécageuse qui s'étend de Narbonne à Cerbère ; cette tentative audacieuse a, jusqu'ici, parfaitement réussi ; elle suffirait, à elle seule, à empêcher le Solonis de tomber complètement dans l'oubli. Le Vialla a joué un rôle des plus considérables dans la recons- titution des vignobles du Centre. Dans le Beaujolais, le Lyon- nais, il est regardé comme le premier des porte-greffes. C'est qu'en effet il se plaît à merveille dans les sols granitiques, à base siliceuse, de cette région, dont la fraîcheur lui permet de lutter victorieusement contre les attaques du phylloxéra. « Ce porte- greffe, ont écrit à ce sujet MM. Binder et Vermorel dans leur Vigneron moderne, est incontestablement un des meilleurs, sinon le meilleur auquel nous puissions avoir recours dans le Beau- — 122 — jolais. Seules les argiles trop compactes, surtout les sols calcaires, ne lui conviennent pas, et un de nos amis, qui possède cette nature de sol, nous disait : « Ah I que vous êtes heureux de pou- « voir greffer sur Vialla I » C'est dans les terrains granitiques, schisteux, siliceux, même humides, celui qui donne les plus belles réussites. Il n'est pas rare de voir des pépinières de greffes-bou- tures compter 80 % de bonnes reprises à soudures parfaites, même davantage, tous les greffeurs le savent. » Le Vialla est bien réellement le cépage qui se multiplie le plus facilement par bouturage, et qui donne au greffage le nombre ide reprises le plus élevé. Il constitue pour le Gamay, je devrais dire pour les Gamays, — qui ont si peu d'affinité avec le Riparia, un porte-greffe précieux. Greffé en Pinot de Bourgogne, il coule avec une grande facilité, malgré une taille généreuse. Il doit donc être exclusivement ré- servé pour ces sols granitiques où il a fait ses preuves et où il sert de base à de si beaux vignobles. Quand on a voulu étendre en de- hors d'eux l'aire de sa culture, on n'a pas tardé à s'apercevoir que sa résistance phylloxérique devenait insuffisante. M. Joseph Perraud, professeur de viticulture à Villefranche (Rhône) jetait, il y a quelques années, le cri d'alarme, et montrait, par des exemples de fléchissements caractérisés, les dangers que présentait l'extension du Vialla, Aujourd'hui surtout, les porte- greffes ne manquent pas qui, avec les mêmes facultés d'adaptation, offrent une sécurité bien plus grande. Le Vialla est une hybride d'Isabelle et de Clinton, obtenu par M. Laliman dans sa propriété de la Tourate, près Bordeaux; d'abord appelé la Tourate par M. Millardet qui l'avait vu et étu- dié à « la Tourate » même, il fut ensuite, en 1875, baptisé Vialla par M. Laliman lui-même, du nom du président de la Société centrale d'agriculture de l'Hérault, comme un hommage au sa- vant praticien qui avait, « dit M. Laliman, montré une foi sans égale à la cause des vignes américaines ». ' Le second groupe comprend : les Riparia x Rupestris ; — les Berlandieri x Riparia ; — les Rupestris x Berlandieri ; — les Solo- nis X Riparia ; — les Monticola x Riparia ; — les Cordifolia x Ru- pestris et leurs hybrides ; — enfin quelques hybrides complexes <ïu'il conviendra de signaler. Riparia x Rupestris Les Riparia-Rupestris sont fort nombreux. L'Amérique, qui en possède des quantités considérables hybrides naturellement, nous — 123 — en a envoyé plusieurs exemplaires. Quelques-uns ont à peine les mérites de leurs générateurs. D'autres, héritant par l'hybri- dation artificielle savamment conduite de propriétés particulières qui font défaut à leurs' parents, ont une haute résistance à la chlorose calcaire et témoignent de qualités qui en font des porte- greffes de tout premier ordre. De ce nombre sont : quelques plan tes sélectionnées de la collection de M. Jeèger, au premier rang desquelles il faut placer celle désignée par lui sous le nom de Ri- paria X Rupestris Gigantesque ; les Riparia-Rupestris créés par M. Couderc, et ceux créés par MM. Millardet et de Grasset (1) Le Riparia-Rupestris Gigantesque de Jœger est une vigne très belle et très vigoureuse, qui figure dans quelques collections et champs d'essais. Nous n'en connaissons pas de plantations im- portantes. Elle s'est, en tout cas, montrée partout inférieure aux Riparia-Rupestris Couderc et Millardet. Elle ne mérite donc pas d'être retenue, et nous ne l'avons citée ici que pour mémoire et parce qu'elle est encore inscrite sur quelques catalogues. Issus d'une même fécondation du Riparia (mère) par le Rupestris Martin (père), les Riparia-Rupestris de M. Couderc comprennent les numéros 3S06, 3307, 3308, 3309 et 33i0 ; 3306 ei 3307 sont tomenteux, 3308, 3309 et 33i0 sont glabres ; 3308 et 33i0 ont une ressemblance très nette avec leui mère le Riparia, tandis que 3306 et 3309 se rapprochent davantage du Rupestris Martin, leur père : leurs feuilles présentent même cet éclat, cette glaçure caractéristique du Vitis Monticola, dont, au dire de M. Couderc, le Rupestris Martin aurait quelques tra ces. 3307, 3308 et 33i0 (encore que ces deux derniers se soient montrés fort beaux en Espagne et dans quelques champs d'expé- riences) ont été, d'une façon si générale, distancés par 3306 et 3309 qu'ils doivent être écartés, et céder le pas à ceux-ci. 3306 est une plante vigoureuse, à port étalé de Riparia, avec de longs sarments traînant à terre à plusieurs mètres de distance. Ses jeunes pousses sont d'un brun doré, couvertes d'un tomentum blanc abondant ; ses bois, après aoûtement, sont d'un gris som- bre, presque noir, très pelucheux. Il paraît convenir de préfé- rence aux terres calcaires un peu fraîches, même humides, telles que celles où je le cultive avec succès. M. Jallabert, ancien pré sident de la Société centrale d'agriculture de l'Aude, l'apprécie en ces termes : « J^ considère, dit-il, 3306 comme un porte-greffe (1) A signaler également le Ripariax Rupestris n* U F obtenu par M. le dDcteur Dufour, directeur de la station viticole de Lausanne. — Voir « Les Vignes améri- Saines et la situation pbyllozérique dans le canton de Vaud » ; — Rapport de i» station viticole de Lausanne. — 1899. L — i24 — de grand avenir, réunissant à un haut degré deux qualités fort importantes : une aire d'adaptation très étendue, plus étendue même que celle du Jacquez, et, ce qui n'est pas à dédaigner, une résistance au phylloxéra de premier ordre. On admet en outre généralement que les greffes qu'il porte sont vigoureuses et très fructifères, et ce que j'ai pu constater chez moi ne fait que confir- mer cette opinion. Il est chez moi le préféré et je me propose de l'employer slir une vaste échelle dans les nouvelles plantations. Je n'hésite pas à conseiller son emploi dans tous les terrains humi- des, marneux, et même dans tous tes terrains du départe- ment de l'Aude qui ne sont ^ pas trop argileux ou trop calcai- res. Enfin si 3306 ne prend pas toujours bien la greffe, ses sou dures sont fort bonnes, et pour l'Aramon notamment, je le con sidère comme un porte-greffe bien supérieur à tous les Riparias connus jusqu'à ce jour. Dans les plaines humides et les alluvions il me parait donc tout indiqué. » 3309, moins vigoureux peut-être que 3306, a également le port du Riparia, des sarments minces, longs, très glabres, d'un rouge brun, extrêmement lisses. Il a fréquemment des rameaux faciès, analogues à ceux des Rupestris, portant aux extrémités des feuil- les petites, particulièrement luisantes et arrondies. Ces caractères très nets, très tranchés, permettent de différencier facilement 3309 de 3306, et c'est pourquoi nous les indiquons ici brièvement. 3309 passe généralement pour supérieur à 3306, et le fait est vrai si l'on songe que ces Ripana-Rupestris ont été le plus souvent expérimentés dans des sols plutôt pauvres, calcaires, pierreux, relativement secs. Ainsi, dans les terres de groies des Charentes et de Maine-et-Loire, sur les coteaux caillouteux de la Côte-d'Or, de l'Ardèche, des Bouches-du-Rhône, de l'Hérault, etc., 3309 accuse une légère supériorité, qui met en relief ses aptitudes spéciales pour ces sortes de sols. Mais il est également très beau dans les plaines calcaires, fraîches et profondes, et peut y être utilisé, semble-t-il, au même titre que 3306. Les Riparia-Rupestris de MM. Millardet et de Grasset, com- pris sous le n** iOi, comportent un grand nombre de formes pro- duits d'une même hybridation faite en 1882. Toutes sont loin d'avoir le même mérite ; quelques-unes se chlorosent, en sol calcaire, presque à l'égal du Riparia ; et comme au début toutes avaient été livrées en mélange, il en était résulté des différences d'appréciation très sensibles sur les iOi, beaux ici, médiocres plus loin, mauvais là-bas. Fort heureusement, des sélections se sont faites, qui toutes se sont accordées à mettre en vedette une forme de iOi à bois glabre, d'un rouge vif à l'état herbacé, de couleur — 125 — noisette après aoûtement, à feuilles épaisses et luisantes, à port subérigé, d'une grande vigueur. Désignée depuis lors très exactement par M. Millardet, cette forme porte le nom de /O/** . C'est un des Riparia-Rupestris les plus remarquables qui soient. Dans les groies de la Charente, notam- ment à la Grève, chez M. Bethmont, qui remploie pour ses replan- tations, dans les argilo-calcaires de TAude, où avaient échoué le Riparia et le Jacquez, particulièrement chez M. Numa Théron, à Lésignan et à Villedaigne, et sur une foule d'autres points, le 101 ** s'est montré excellent porte-greffe, bien résistant à la chlo- rose et au phylloxéra. Ainsi, trois variétés de Riparia-Rupestris sont à retenir: les n*^ 3306, 3309 et 101** . -Ils constituent d'incomparables porte- greffes : d'une grande rusticité, d'une grande facilité de reprise au bouturage et au greffage, ils ont été trouvés, partout où ils ont été essayés, bien supérieurs aux Riparias, Jacquez, Solo- nis, etc. Dès 1892, je les désignais comme devant, de concert avec lé Rupestris du Lot, remplacer le Jacquez dans les « terres à Jacquez » ; et depuis ce moment je n'ai laissé échapper aucune occasion d'en recommander l'emploi, de dire tout le bien que j'en pense, d'aider à leur propagation, comme aussi de les mul- tiplier, chez moi, pour mes propres plantations. Leur aire d'adap- tation est fort étendue ; il semble toutefois que leurs aptitudes ne soient pas identiquement les mêmes : 3306 se plairait dans les terres calcaires un peu humides ; — 3309 résisterait mieux dans les calcaires pierreux, relativement secs; — 101** conviendrait aux argilo-calcaires, même un peu compactes, pourvu qu'elles fussent profondes. Ces propriétés particulières s'accordent avec les caractères ampélographiques de chacun d'eux; — chez 101**, le Riparia domine ; — chez 3306 et 3309 c'est le Rupestris ; mais comme le premier est issu d'un Riparia tomenteux et le second d'un Riparia glabre, il est assez naturel que celui-là se plaise mieux dans les terrains frais. Leur système radiculaire confirme ces apparences extérieures : 101** et 3306 ont des racineë qui tiennent du Riparia quant à leur direction dans le sol, et même pour 101** quant à leur fonctionnement ; 3309 possède un système radiculaire plus puissant se rapprochant davantage de celui du Rupestris. Ces indications ne sauraient être considérées comme ayant une ri- gueur mathématique ; pratiquement, et mis en parallèle dans une foule de sols, ils y sont à peu de chose près d'égale valeur. Cette grande faculté d'adaptation, qui constitue un des éléments de leur supériorité sur les Riparias ou les Rupestris, s'allie à L ^ 126 ~ une faculté d'affinité plus grande pour Tensemble de nos cépages ; c'est un double avantage qu'il importe de mettre en lumière. On sait le rôle considérable que joue cette question de Vaffinité dans la reconstitution ; mais quand il s'agit de reconstitution en « ter- rain calcaire m, pn peut dire qu'il devient prépondérant. Dans ce cas, un porte-greffe ayant des « affinités » plus étendues devra toujours, a priori, être préféré à un porte-greffe à affinités res- treintes. Or, il résulte dès expériences poursuivies de divers côtés que les Riparia'-Rupestri? à l'exemple de tous les hybrides, ont une « affinité » plus étendue et en même temps plus étroite avec nos différents greffons français. Les Riparia-Rupestris sont essentiellejnent les porte-greffes des terres peu ou moyennement calcaires, où jaunissent les Riparias greffés, comme aussi de tous ces terrains intermédiaires qui n'ont ni la richesse indispensable au Riparia, ni la pauvreté dont s'ac- commode le Rupestris du Lot. Leur végétation luxuriante dépasse celle des Riparias: la souche et les sarments sont plus gros que chez ces derniers. Les mérithalles sont plus courts, la moelle moins large. Leur fructification est abondante, régulière, analo- gue à celle du Riparia quand elle ne lui est pas supérieure; elle dépasse nettement celle des Rupestris auxquels on reproche souvent, à bon droit, une certaine irrégularité et une propension à la coulure. . Les Riparia X Rupes fris possèdent donc, au plus haut degré» les qualités éminentes que nous devons rechercher dans un porte-greffe. Ils sont encore trop peu connus, trop peu répandus, et l'on dpit leur attribuer désormais, dans la reconstitution, une place de plus en plus grande. Ils devraient, s'ils étaient appré- ciés à leur juste valeur, prendre la tête du mouvement et se substituer au Riparia, hormis dans les sols exceptionnellement favorables à ce cépage. Berlandieri X Riparia Lesî Berlandieri x Riparia sont aux terrains très calcaires ce que les Riparia x Rupestris sont aux sols peu ou moyenne- ment calcaires. M. Ravaz, qui les a étudiés eif Charente lorsqu'il était directeur de la Station viticole de Cognac, les a beaucoup vantés ; et j'ai moi-même, à diverses re- prises, préconisé leur emploi dans les sols à haute dose de carbo- nate de chaux. Le grand intérêt qu'ils présentent vient de leurs — 127 — générateurs : ils apportent une nouvelle confirmation à cette théorie de l'hybridation qui veut que deux espèces américaines, hybridées entre elles» puissent donner naissance à des sujets pratiquement supérieurs à leurs ascendants, parce qu'elles leur confèrent des dons particuliers dont elles-mêmes sont privées. Dans le cas actuel, il s'agissait de créer des individus alliant la haute résistance à la chlorose du Berlandieri, à la haute résis- tance phylloxérique, à la fécondité, et par-dessus tout à la facilité *de reprise au bouturage du Riparia. Ce but a-t-il été atteint? Sur le point le plus important, — facilité de multiplication par bouturage, — oui, sans contredit: Les Berlandieri^Riparia reprennent de bouture sans soins ni procédés spéciaux, dans des proportions se rapprochant beaucoup de celles du Riparia ; 60 et même 70 %. Leur utilisation pratique ne saurait donc, de ce chef, être mise en doute ; il faut regarder toutefois à n'employer, pour la pépinière, que des bois parfaitement aoûtés ; j'ai remar- qué à diverses reprises que l'extrémité des longs sarments ainsi que les petites boutures provenant de plants tout jeunes (un an) donnaient lieu à quelques insuccès. Sur les autres points, le résultat a été plus complet encore s'il (est possible: cette lenteur d'évplutions que j'ai signalée comme la caractéristique du Berlandieri n'existe pas ou n'existe qu'à un faible degré chez les Berlandieri x Riparia : Leur dévelop- pement est normal , leur précocité de mise à fruit et leur fécondité égale celle du Riparia. J'ai eu l'occasion d'en citer de nombreux exemples, notamment dans mes champs d'expériences des «Causses» à Lattes, où les Berlandieri x Riparia n"^ 151-11 et 54 Ecole ont évolué, à ce point de vue, exactement comme l'eût fait un Riparia. Les plus connus à l'heure actuelle parmi les Berlandieri x Ri- paria sont les n~ 151-11 de M. Couderc; -^ 4iO A et 420 B de MM. Millardet et de Grasset ; — 55 et 54 de l'Ecole d'agriculture de Montpellier. Le 151-11 est un hybride de Berlandieri de las Sorres par flf- paria Gloire de Montpellier, Son examen, même superficiel, dé- cèle cette double origine : il a le bois et le feuillage du Riparia, avec cette teinte d'un vert sombre particulière au Berlandieri. Franc de pied, il est presque aussi vigoureux qu'un Riparia pur ; ses longs sarments traînent à terre à plusieurs mètres de dis- tance. Greffé, il se développe rapidement ; son tronc grossit en même temps que son greffon et ne présente aucun bourrelet, aucune trace d'étranglement au point de soudure. Chez moi, greffé en Aramon, il a donné du fruit dès la première année, et, avec rage, sa fructification s'est accrue dans la même proportion L. — 128 — que celle des greffes sur Riparia ou sur Riparia x Rupestris, Planté comparativement, en 1894, à côté d*une ligne de Rupestris- Mission, il n'a jamais jauni et ses greffes sont demeurées immua- iDlement vertes durant tout le cours de la végétation, tandis que celles du Rupestris-Mission se chlorosaient nettement. A « Au- benas *» et à « Tout-Blanc » chez M. Couderc ; en « Saône-et-Loire » chez M. Roy-Chevrier, où je Tai pareillement étudié, i 57-11 n'a jamais manifesté trace de chlorose, bien que portant des gref* fons de « Folle-Blanche », de « Pinot » et de « Gamay ». C'est, sans contredit, un des porte-greffes les plus méritants que j'aie dans mes collections de Lattes ; et il semble merveil- leusement adapté à ces terres d'alluvion, fraîches, profondes, mais très riches en calcaire. Ces terres de Lattes seraient des terres parfaites pour le Riparia, n'était leur richesse en carbo- nate de chaux, et il est naturel que les Berlandieri x Riparia y réussissent, comme y réussissent — mais seulement avec le se- cours de quelques soins culturaux particuliers — les Riparia x Ru- pestris. On ne connaît pas encore parfaitement les aptitudes particulier res des divers Berlandieri x Riparia : il est clair que tous ne seront pas également résistants à la chlorose, ou à la sécheresse, ou à rhumidité, 'ou encore à la compacité. On commence bien à deviner ces aptitudes, à les pressentir ; mais on ne peut les pré- ciser, parce que les documents nombreux et positifs font encore défaut. Pour i 57-11, il est possible d'affirmer qu'il végète admirable- ment dans les sols argilo-calcaires frais, même légèrement hu- mides, tels que ceux de Lattes. Ce n'est pas une raison pour qu'il irégète bien dans ceux-là seulement^ et que dans des terrains d'autre nature, ou compacts, ou secs, il ne puisse se comporter d'aussi parfaite manière ; à telles enseignes que M. Farcy, pro- fesseur d'agriculture dans le Var, et MM. Tacussel et Zachare- wicz de Vaucluse, l'ont signalé comme ayant une excellente tenue dans des coteaux calcaires relativement secs. Ls Berlandieri est incontestablement une plante des terrams secs ; il redoute l'humidité ; et la plupÉirt de ses hybrides la redoutent comme lui : exemple 41 B (chasselas x Berlandieri) qui est surtout un porte-greffe des sols crayeux ou des argilo-calcaires secs les plus chlorosants ; 41 craint l'humidité; et en sols très frais il se développe lentement à l'égal d'un simple Berlandieri, précisément à cause de cette humidité. — Il n'est donc pas sans intérêt de rechercher, dans la catégorie des hybrides de Berlan- dieri, ceux qui sont susceptibles de s'accommoder de l'humidité : 157-11 paraît être de ceux-là. r — 129 — Les 4W A et 420 B sembleraient, au contraire, convenir plutôt aux terrains secs. Dans les craies ou les groies charentaises^ comme aussi chez M. Bouisset à Montagnac, je les ai vus porter des greffes très vertes, très développées, très fructifères en des sols plutôt pauvres et secs et sans grande profondeur. M. Grimaldi les cite, de son côté, comme résistants bien à la sécheresse dans le sud de Tltalie. Le 420 A qui se développe beaucoup plus rapi- dement que le 420 B et produit des bois plus beaux , plus vigou- reux, devra être préféré à celui-ci Quant au 33 et au 34 Ecole, leur valeur est inégale ; la supério- rité aujourd'hui bien constatée du 34 doit faire écarter le 33 qui se distingue bien facilement de son congénère par ses bois gla- bres, alors que ceux du 34 sont nettement tomenteux. Le 34 serait, diaprés M. Guillon, un des meilleurs et peut-être le meilleur des Berlandieri x Riparia plantés comparativement au champ d'expériences de Marsville : il s'y serait montré plus résistant à la chlorose que les 420 et le iô7'i1. Ce n'est pas absolument ce qui s'est produit à Lattes ; mais les calcaires de Lattes ressemblent si peu aux craies de Cognac que toute comparaison est impossible. A en juger d'ailleurs simple- ment par les caractères extérieurs, il est certain que le 34 con- tient plus de sang de Berlandieri que le /57-// et même que les 420 Le 34 a les feuilles pliées en gouttière, aux bords fortement révolutés en dessous, j très luisantes, à aspect de Berlandieri Ecole. Le i57'ii et le 420 A sont plus Riparia: les feuilles sont plutôt celles de ce dernier cépage, avec l'éclat spécial du Berlandieri ; mais celle du 420 A est d'un vert plus sombre, plus métallique que celle du /57-// ; — elle est plus lisse sur les deux faces. Les nervure de la face inférieure sont, dans le /57-//, d'un vert blanc net, et dans le 420 A d'un vert légèrement teinté de rouge. Mais la différence caractéristique est dans la couleur du bois : à l'état herbacé, les pousses du 420 A ont ceci de très particulier, de très personnel, que tous les nœuds sont à leur base comme auréolés d'une tache d'un rouge violacé vineux. Cette tache tend à s'éten- dre en bandes longitudinales au fur et à mesure de l'aoûtement des bois. Ces taches lie de vin à la base des nœuds sont le carac- tère essentiel du 420 A, et suffisent à le différencier de tous les autres Berlandieri x Riparia. Ce caractère n'apparaît pas chez le 420 B, non plus que chez le i57'ii^ dont les jeunes pousses sont d'un vert pâle, couvertes d'un léger tomentum blanchâtre, toujours ou presque toujours accom- pagnées de vrilles nombreuses, longues, nettement bifurquées, 5 — 130 — colorées de rose. La défoliation automnale du 420 A est extrême- ment tardive, bien postérieure à celle du i 57-11 et aussi du 34. Il sera sans aucun doute possible de faire à bref délai pour les Berlandieri x Riparia ce que Ton a fait pour les Riparia x Rupestris et de déterminer avec quelque précision Taire d'adaptation de chacun d'eux. Il est vraisemblable qu'ils n'iront pas aussi loin dans les craies que certaines formes de Berlandieri purs ; mais ils ne s'en éloigneront pas de beaucoup ; et s'ils ne seront pas tou- jours les porte-grefîes des terrains/es plus chlorosants, ils seront sûrement ceux des sols très chlorosants où risquent d'échouer les Riparia x Rupestris et le R. du Lot. Les Berlandieri x Riparia sont des cépages d'un grand avenir. A ceux que nous venons d'étudier, il convient de joindre pour mémoire, — parce qu'ils sont encore très peu connus — le Ber- landieri X Riparia Franc de la pépinière départementale de Bour- ges ; — celui de M. Malègue n"* 42-i7 ; — et les Riparia-Rupes- tris X Berlandieri de M. Daignière et de M. Malègue. Rupestris X Berlandieri En alliant le sang du Rupestris à celui du Berlandieri, on ^a cherché à créer des hybrides plus rustiques encore, plus résistants à la sécheresse et aux sols caillouteux que les Berlandieri X Riparia. — Les Rupestris x Berlandieri sont peu répandus : il faut aller dans les Charentes, chez M. Vemeuil à Contene.uil, chez M. Bethmont à la Grève, et au champ de Marsville pour les juger comparativement aux Ber- landieri X Riparia : Il semble que, dans les années sèches, ils s'y soient montrés égaux à ces derniers, et peutrêtre même légè- renient supérieurs. La démonstration, pour ma part, ne m'a point paru manifeste. En tous cas, M. Ravaz et M. Guillon les indi- quent tous deux pour les calcaires pierreux et secs, de préfé- rence aux Berlandieri x Riparia. Les Rupestris x Berlandieri les plus méritants seraient, jus- qu'ici, le SOI A et le 219 A de la collection de MM. Millardet et de Grasset. Voici en quels termes M. Guillon, dans une publica- tion récente, apprécie le SOI A : « Le 301 A, dit-il, est un hybride « des plus intéressants : c'est, avec le 34 Ecole, celui qui se com- 219; — 301 ; — Aramon X Rupestris Monticola X Riparia n^ I . no 55/»-5; — 33 A* (Cabemet X Ru- Colorado fi ; — pestris}. Taylor-Narbonne ; — 601 et 603 (Bourrisquou Rupestris du Lot; — X Rupestris . Ri paria X Rupestris Xo.330t5._3309.__ioiu._ Ces porte-greffes ne sont peut-être pas les seuls qui puissent utilement servir à la plantation des sols calcaires : d'autres, jus- qu'à présent moins connus ou moins longuement expérimentés, leur seront peut-être égaux ou supérieurs : mais ce sont là des hypothèses ou des probabilités • et il faut, pour décider d'une plan- tation, des certitudes ou des quasi-certitudes. Le choix du cépage-greffon qui est toujours important (nous le verrons plus loin en étudiant V affinité). Test en terrains cal- caires plus peut-être que partout ailleurs : l'influence exercée par le greffon sur le porte-greffe y est plus sensible, à ce point que Taire d'adaptation au sol d'un même porte-greffe peut présenter des écarts considérables suivant le greffon employé. Les cépages greffons sont, en effet, de leur nature, ou très peu chlorosants, ou chlorosants, ou extrêmement chlorosants. Il n'est pas une région calcaire où le fait ne soit d'observation courante, même avec nos vignes franches de pieds. Ainsi, en Charente, le Balzac et la Folle Blanche jauniront annuellement en des points où le Colombard ne jaunira pas. En ces points, le Colombard adopté comme greffon aidera singulièrement l'adap- tation du porte-greffe que rendrait, au contraire, plus incertaine le choix de la Folle Blanche, et plus difficile encore celui du Balzac, Chaque région, pour ainsi dire, possède des cépages qui sont bons ou mauvais greffons ; nous n'avons pas à en faire Ténumé- ration ici ; mais chacun sait par exemple que, si, en Charente, le Balzac est très mauvais greffon, en Provence le Mourvèdre (qui semble n'être autre chose que le « balzac ») n'est pas meilleur, et qu'il a été presque abandonné dans les Bouches-du-Rhône et le Var depuis la reconstitution. Dans le bas Languedoc, le « Petit- Bouschet », « l'Alicante-Bouschet » sont des greffons chlorosants. — 169 — alors que le « Carignan » est non chlorosant. En Bourgogne, le « Chardonnay » est un greffon non chlorosant, les « Pinots » sont moyennement chlorosants, et les « Gamay » plutôt chlorosants. En Anjou, le « Chenin Blanc » est un excellent greffon, et le « Gros lot de Cinq Mars > mauvais greffon, très chlorosant. En Auvergne, j'ai noté ce fait significatif de « Solonis » greffés en « Limberger » splendides de végétation, à côté de « Solonis » greffés en « Gamay » déprimés et mourants. Je n'entends pas dire pour cela qu'il faille modifier l'assiette de Tencépagement dfe nos vignobles ; il importe, au contraire, au plus haut degré de demeurer fidèle a cet encépagement qui a fait la renommée et la richesse de nos diverses régions viticoles ; mais seulement qu'il pourra parfois y avoir intérêt, dans les sols particulièrement difficiles, à écarter les cépages locaux les plus chlorosants pour s'attacher à ceux qui le sont le moins : employer dans les sols les plus calcaire? des cépages-greffons très chloro- sants, c'est aggraver de gaieté de cœur une situation déjà déli cate et ardue. Les soins culturaux qui, en sols calcaires, appellent quelques observations, sont relatifs aux défoncements, aux labours, aux plantations, au traitement contre la chlorose. Les défoncements doivent se guider sur ce principe qu'il est dangereux de ramener le sous-sol à sa surface lorsque sa compo- sition est de nature à accroître le pouvoir chlorosant du sol. Attaquer un sous-sol de craie ou de marne pour le mélanger à la couche arable, constitue une détestable opération culturale. Il est préférable de le respecter et de le laisser en place. En revanche, lorsque le sous-sol et le sol sont homogènes ou de composition analogue, il est avantageux de pratiquer un défonce- uient profond. C'est donc, en définitive, la composition du sous- sol qui doit décider de Tutilité ou de l'inconvénient des défon- cements profonds. Il en est de même des labours. Dans les sols défoncés profdn- ♦ 'ément, les racines auront rapidement pénétré dans les couches inférieures : un labour relativement profond ne saurait leur nuire. Dans les sols non défoncés, les racines seront nécessairement appelées à vivre près de la surface, dans un cube de terre plus ou moins épais ; le choc de l'instrument leur occasionnerait un dommage ; les labours devront y être superficiels. En terrains crayeux, ces labours superficiels s'imposeront avec plus de force encore : là, selon les indications de M. Ravaz et de M. Couderc. de simples binages à la houe ou à mains d'homme suffiront h tenir le sol meuble et net de mauvaises herbes. Dans tous les cas, les labours ne devront être donné, que lors- que le sol sera parfaitement ressuyé. Les plantations^ à leur tour, demandent à être établies avec quelque prudence. Pour éviter les troubles dont le greffage es\ toujours Toccasion, et l'action défavorable qu'il exerce tont spé- cialement en terrain calcaire, i^ greffages en place, tels qu'on les pratique encore communément dans une partie du Midi de la France, devront être proscrits. On ne fera usage que de plants greffés-soudés en pépinière, pourvus de racines bien constituées et dont la soudure soit irréprochable : tout vice, toute imperfec- tion dans les tissus du point de soudure serait une cause d'af- faiblissement, de souffrance, et par conséquent de chlorose. Pour les plantations elles-mêmes, le mieux paraît être de s'en rapporter aux usages locaux. Toutefois, dans les sols de craie, la méthode inaugurée par M. Couderc à « Tout-Blanc » et préco- nisée par lui mérite d'être retenue et recommandée. Elle consiste à planter des plants greffés extrêmement courts : 12 à 13 centimètres environ, greffon et porte-greffe compris. Appliquée par M. Vimont en Champagne, elle y a donné des résultats ana- logues à ceux de « Tout-Blanc ». Ce praticien distingué pense que» sous le climat froid de la Champagne, il y a en outre intérêt à rapprocher les racines du soleil, de la couche chaude et aérée Traitement contre la chlorose, — Nous devons rappeler enfin que le procédé du docteur Rassiguier permet de combattre effi- cacement la chlorose, triste apanage des sols calcaires. En maints endroits, nous avons pu nous rendre compte des effets constants qu'il a produits. C'est ainsi qu'au champ d'expériences de Mars- ville (Charente), une plantation de « folle blanche » sur « Ara- mon X Rupestris n^ 1 », traitée en solution de sulfate de fer au pied et badigeonnée ne présentait aucune trace de chlorose : cette plantation badigeonnée était fort belle, supérieure à une planta- tion voisine de « Folle blanche » franche de pied. Les bons effets du badigeonnage au sulfate de fer sont à ce point manifestes qu'il est permis de se demander s'il n'y aurait pas avantage à le pratiquer, — au moins au début de la planta- tion, — même sur les vignes peu ou point chlorosées. Une des conséquences pratiques du procédé Rassiguier est qu'il perme* d'étendre l'aire d'adaptation d'un porte-greffe, et d'utiliser celui- ci dans des sols où sans son secours ce porte-greffe serait insu' fisant. Reconstitution des terrains compacts Les terrains compacts sont, dans leur ensemble, à dominante \. — 171 — de silice ou à dominante d'argile : ils sont secs ou humides et exigent des porte-greffes à racines grosses, charnues, mais à aptitudes légèrement différentes selon leur état habituel de sé- cheresse ou d'humidité. La silice qui se présente en grains plus ou moins fins, inatta- quables par les acides, a Tinconvénient grave, quand elle se trouve en quantité considérable dans le sol, de se tasser sous les pluies, de former des terres dures, difficilement pénétrables aux racines comme aux instruments de culture : tel est le cas des terres baitises des Charentes, des boulbènes du Sud-Ouest, etc. — Peu perméables à Teau et à Tair, ces terres n'offrent d'ordi- naire qu'une végétation peu vigoureuse. L'argile est un élément indispensable ; mais quand elle est en excès, elle constitue des sols imperméables à l'eau, difficiles à travailler, qui adhèrent et collent aux outils de culture. Abon- damment arrosée, elle fprme une pâte collante, qui, en séchant, se rétrécit, se fendille et durcit. Le rôle de la silice et de l'argile est donc essentiellement phy- sique : la compacité qui en est la conséquence est un obstacle à la bonne végétation de la vigne : elle peut affecter cette végé- tation d'une part en opposant un obstacle mécanique au chemi- nement naturel des racines, d'autre part en confinant l'air dans le sol et en empêchant son renouvellement normal. L'air étant nécessaire aux racines comme il l'est aux feuilles, la privation de cet élément ne va-t-elle pas les affaiblir, les frapper peut-être d'asphyxie, en tous cas les rendre plus sensibles à l'îiction de certains parasites? Il est facile de comprendre que les cépages à racines grêles dont le Riparia est le type ne sauraient s'y déve- lopper à l'aise : cette compression, ce manque d'aération ne peuvent que leur être préjudiciables ou funestes. Cela est vrai surtout pour les terres à dominante de silice, terres blanchâtres, non calcaires, durcissant beaucoup après les pluies et ressemblant à du ciment par la dessiccation. On a cité de nombreux cas où, dans des sols de cette nature, le Riparia se rabougrit rapidement ; il y présente des pousses courtes, ratatinées, qui donnent au cep un aspect buissonnant tout particulier. — Plus les éléments constitutifs du sol seront fins et ténus, plus le tassement sera prompt et complet : la perméabilité et la faci- lité d'aération des terrains compacts seront donc en raison di- recte de la grosseur des éléments. Ces phénomènes sont beaucoup moins sensibles dans les sols à dominante 'd'argilp, parce que la plasticité de celle-ci et la coagulation des particules de terre ont pour effet de laisser quelques interstices, par où l'air et les racines trouveront un — 172 — accès plus ou moins facile. Mais ce ne sont pas là, malgré toui, des conditions favorables de développement pour les cépages à racines grêles. Porte-greffes des terrains compacts Américains purs A mérico-Amérxcains Franco-Américains A — Secs : , ? 106* Ri paria XCordito- 603 (Bourrisquou X iia Ru pestris) Rupestris). Cordifolia X Rupestris 1/i2b (AlieanteBouschet X Cordifolia). Rupestris du Lot Aramon Rupestris Gan- zin n*» 2. 33 A» (Cabernet X Ru- pestris. l — Humides : ? 20â* (Solonis X Cordi- 601 (Bourrisquou X Ru- folia Rupestris) pestris) 16U) et 1616 (Solonis X Aramon X Rupestris » Riparia) n^ 1 3306 (RipariaX Rupes- lâOâ (MourvèdreX Ru- tris) pestris) Il est aisé de concevoir que, dans les sols compacts, les soins culturaux auront sur l'adaptation de ces porte-greffes une influence d'autant plus grande qu'ils seront mieux et plus longue- ment pratiqués. Les défoncements profonds apparaissent tout d'abord comme indispensables ; l'action des défoncements est d'autant plus persistante que le sol est plus argileux. Dans les sols très argileux l'ameublissement des couches profondes per- siste pendant de longues années. Mais dans les sols presque exclusivement siliceux, une forte pluie suffira parfois à détruire cet ameublissement et à ramener le sol à son état primitif. Les labours multipliés auront, en tout cas, pour effet de retar- der le tassement, d'empêcher la prise en croûte de la surface et de maintenir celle-ci dans un état de division aussi parfait que possible. La pénétrabilité du sol permet la diffusion, dans les couches superficielles, de la lumière, de la chaleur, de la fraî- cheur, si nécessaires au végétal : le tassement du sol s'oppose — 173 — i la croissance des racines comme à la diffusion des principes fertilisants. En dehors de certains amendements dont Futilité saute aux yeux, par exemple les chaulages, les fumures copieuses avec des engrais pailleux produiront les meilleurs effets. Les^ conditions défavorables que présentent les terrains compacts se trouveront par là modifiées ou amoindries. M. Gouirand, sous-direct«ur de la Station viticole de Cognac, a publié èur certaines terres compactes du Sud-Ouest une étude (i) fort intéressante, dont je demande la permission de reproduire les conclusions : « En résumé, diWl, dans les sols qui se tassent « sous rinfluence des pluies, les vignes américaines, le Riparia « surtout, ne se plaisent point et n'acquièrent qu'un faible dévê- te loppement. Cette mauvaise venue paraît due, dans quelque» « cas peut-être, à un défaut d'aération du sol, mais le plus souvent « à la résistance que les particules terreuses, trop serrées entre « elles, offrent à la pénétration et au développement des jeunes- « radicelles. Cette compacité du sol est elle-même liée à un défaut « d'argile grâce auquel les petites mottes formées par les labour? « n'offrent aucune résistance et s'écrasent sous l'action des pluies. « Cette propriété commence en général à se montrer lorsque la « proportion d'argile dans le sol ne dépasse guère 5 à 6 %. Elle « est très accentuée lorsqu'elle descend au-dessous de 2 à 3 %. « L'absence d'humus accroît la compacité et par suite la diffi- « culte de pénétration des racines. Au contraire, la présence de « nombreux cailloux, en divisant le sol, exerce une action favo- « rable. On comprend donc que plus les racines d'une vigne a seront grêles, plus elles éprouveront de difficultés pour che- « miner dans ces sols... Celles qui possèdent des racines très puis- ce santés et très fortes, par exemple les Cinerea Rupestris et les u Cordifolia Rupestris, ne souffriront nullement de la compacité « et se développeront très vigoureusement. C'est donc à ces der- « nières qu'on devra donner la préférence. Toutefois il est bon de « songer à amender ces terres et à atténuer leurs défauts. On y a parviendra par des apports abondants d'argile, de marne, de « terre de bois, de terreau, de feuilles sèches et de débris végé- « taux de toute sorte. Enfin on suppléera au peu de fertilité de « ces terres par des fumures abondantes données de préférence « sous la forme d'engrais organiques ou d'engrais verts. » (i) Voir Revue de Viticulture, année 1896, n»» U6, 148 et 149. ~ 174 — Reconstitution des terrains humides Ce que nous venons de dire des terrains compacts à dominante d'argile s'applique également aux terrains humides. Les sols qui s'égouttent difficilement, où Thumidité persiste d'une façon anormale, conviennent mal à la plupart des vignes américaines : et Ton a été tenté pendant longtemps d'attribuer la chlorose à l'excès d'humidité du sol. Dans les premiers travaux sur l'adaptation, elle fut prise pour base de la classification des sols. Il est démontré aujourd'hui que si cet excès est de nature à amener quelquefois un certain jaunissement des ceps, ce jau- nissement n'a rien de commun avec la chlorose calcaire due à la présence du carbonate de chaux. L'humidité a pour effet d'entraver le développement du sys- tème radiculaire; les plantes douées à cet égard d'une grande activité, comme le Riparia en souffrent beaucoup. En revanche certains hybrides franco-américains y sont superbes de végéta- tion et de fructification ; et si l'on tient compte que dans ces sols la question phylloxériquQ ne se pose pour ainsi dire pas, ce sont eux qui devront y être préférés. Porte-greffes des terrains humides Américains purs A méricO' Américains Franco-Américains Solonis X Cordifoiîa Ru- pestris n** 202* ; — Solonis X Riparia N<» 1615 et N« 1616; — Taylor-Narbonne ; — Solonis; — (1) 1202(Mourvèdre X R«- pestris) Aram on X Rupestris n*^ 1 Le Solonis mérite de trouver place ici, à raison de sa faculté de végéter dans les terrains saum&tres, où existent des traces de chlorure de sodium. M. Gastel a remarqué que certains franco-américains — 120i ; (i) n serait intéressant d*essayer dans ces sols les Solonis x Rupestris du Lot de M. Gastel. jl^ — 175 — Aramon x Rupestris n'' i \ — supportent impunément Teau sta- gnante sur leurs racines ; et j'ai, de mon côté, observé Texcellente tenue de ces cépages er terrain bas, fréquemment noyé par les eaux. L'humidité exagérée entraîne avec elle la froideur du sol : les façons culturales fréquentes, les fumiers d'écurie longs et pailleux aideront à Taération et au réchauffement de celui-ci. De larges fossés d'écoulement, des drainages atténueront efficacement les inconvénients des terrains humides. Reconstitution des terrains secs Les terrains secs sont, après les calcaires, ceux qui présentent les plus sérieuses difficultés. L'attention a été si longtemps et si complètement absorbée par les sol calcaires qu'on a quelque peu négligé les sols arides, superficiels, secs qui occupent pour- tant, quand on y regarde de près, une surface importante. Les terrains secs sont ceux qui, par suite de leur constitution physique aggravée souvent par les circonstances météoriques extérieures d'exposition ou de climat, ne fournissent pas à la vigne, durant les chaleurs persistantes de l'été, les quantités d'humidité nécessaires à sa parfaite alimentation. La sécheresse est quelquefois plus mauvaise dans le Nord que dans le Midi : la surface de la feuille d'un même cépage est plus grande dans le Nord, le parenchyme moins épais. Les feuilles sont moins chargées de poils, les stomates sont plus nombreuses et c'est par elles que se fait l'évaporation ; la surface évaporatoire est à la fois plus considérable et plus active. Seulement, la séche- resse dans le Nord est le plus souvent un fait accidentel, alors qu'elle est habituelle, constante dans certaines régions du Midi : sur les bords de la Méditerranée (Bas-Languedoc, Provence, Sud de l'Italie, Sicile, Sud de l'Espagne et Algérie), la sécheresse naturelle du sol est aggravée par la sécheresse ordinaire du cli- mat : là, il se passe fréquemment plusieurs mois sans une goutte de pluie ; les réserves d'humidité du sol s'épuisent rapidement ; et comme les vignes ne trouvent aucune compensation dans la fraî- cheur ou l'humidité de l'atmosphère, il est naturel qu'elles souf- frent beaucoup, à moins d'être très résistantes. On peut, en envisageant les terrains secs dans leur ensemble, les diviser en trois groupes : 1" les terrains caillouteux où la couche de terre végétale peu profonde, généralement pauvre et L.._ _ . — 176 — facilement perméable, recouvre un sous-sol de roche dure ou de poudingue impénétrable : ce sont les terrains secs sttperficiels , 2* les terrains caillouteux à couche arable pauvre, aride — ou encore sèche et dure — mais variant de profondeur, et reposant sur un sous-sol de même composition ou de rocher assuré, faci- lement pénétrable aux racines : ce sont les terrains secs non superficiels ; 3** les terrains siliceux, silico-argileux, argilo-siliceux, où la silice domine, — formations variées de sables gréseux, sols de nature granitique, boulbènes, boulbènes battantes, etc., etc., — très humides en hiver et au printemps, durcissant presque subi- tement et avec une rapidité surprenante dès les premières cha- leurs, et devenant alors extrêmements secs, d'une sécheresse d'autant plus redoutable que le sol passe presque sans transition d'une extrême humidité à une extrême sécheresse : ce sont les terrains secs compacts, lesquels rentrent dans la catégorie des terrains compacts dont il est question ci-dessus. On a dit des Rupestris qu'ils étaient les porte-greffes des ter- rains pauvres, peu fertiles et secs ; et, sans se rendre compte qu'on entendait seulement caractériser par là les facultés essen- tielles de l'espèce entière, sans vouloir prétendre qu'ils seraient les porte-greffes de toi^ les sols pauvres, de tous les sols secs, le public viticolë les a différemment adoptés pour la replantation de tous les terrains secs. Il en est résulté que, faites sans discernement, beaucoup de ces plantations ont amené des mécomptes; les Rupestris n'y ont pas donné ce qu'on attendait d'eux; et par un espèce de choc en retour assez fréquent en ces matières, on est venu à insinuer que les Rupestris n'étaient, à aucun titre, à aucun degré, des porte- greffes pour les terrains secs, et que même ils n'y valaient pas le Riparia. Il n'est pas inutile de montrer ce que cette appréciation a d'erroné. Les Rupestris peuvent-ils convenir à tous les types de terrains secs? Evidemment non. Les Rupestris ont des racines moins grêles que celle du Riparia, moins traçantes, moins ramifiées, plutôt pivotantes ; le fl. Martin les a sèches et dures, vigou- reuses, pénétrantes ; le R, du Lot les a plus grosses et plus char- nues, plus multipliées, plus puissantes encore, avec un chevelu plus abondant. La caractéristique du système radiculaire du Riparia est qu'il est doué d'une activité remarquable. Cette activité est moindre chez le Rupestris, ou du moins les manifestations en sont moins nettes, moins évidentes ; mais la sensij)ilité de l'un et de l'autre est loin d'être la même : elle est poussée au plus haut degré chez le Riparia, tandis qu'elle est fort atténuée chez les Rupestris Martin et du Lot. Les accidents de végétation — le fait est d'obser — 177 — vation courante — sont moins fréquents sur ceux-ci que sur celui- là. n s'ensuit que si le Riparia ne saurait être à aucun titre le porte-greffe des terrains secs, il peut se rencontrer des cas où il semble, en apparence, résister mieux à la sécheresse que le R, du Lot ou le fi. Martin M. Ravaz a parfaitement senti et expli- qué ce phénomène : « Le /. Rupestris franc de pied, dit-il à ce sujet (1), est adapté à la sécheresse par ses feuilles qui sont épaisses et coriaces, et par ses racines qui plongent profondément pour aller chercher Teau nécessaire à la plante. Imaginons maintenant à 0,25, 0,30, etc., un sous-sol impénétrable aux racines ; le Rupestris perd du même coup un de ses moyens de résister à la sécheresse. Les racines tracent comme celles du Riparia, elles sont placées dans les mêmes conditions que celles de ce dernier cépage (2). Rempla- çons maintenant les feuilles de Rupestris et de Riparia par des feuilles d'Aramon, par exemple (c'est le cas des vignes greffées) Les qualités de résistance à la sécheresse du feuillage de ces deux porte-greffes sont évidemment les mêmes. Il s'ensuit que dans le sol que nous venons d'envisager, Rupestris et Riparia devraient se comporter de la même manière au point de vue de la sécheresse. Il n'en est pomt ainsi ; et il ne peut en être amsi, si l'on tient compte des différences de dimensions du système conducteur de la sève de ces deux vignes. Dans le Riparia, les vaisseaux sont volumineux. Très larges, ils sont bien plus étroits dans le Rupestris. Il s'ensuit que l'eau du sol doit arriver rapi- dement jusqu'aux feuilles chez le Riparia, beaucoup plus lente- ment chez le Rupestris ; de là, sans doute, la sensibilité à la sécheresse des greffes de ce dernier cépage quand il est placé dans les conditions que nous avons indiquées. » C'est le cas où Rupestris du Lot et Riparia sont plantés dans un terrain sec à sous-sol impénétrable, c'est-à-dire dans un terrain sec superficiel. Les conditions défavorables auxquelles fait allu- sion M. Ravaz peuvent, d'ailleurs, être aggravées encore par des pratiques culturales telles que les plantations profondes en usage dans certaines régions viticoles. Il se trouvera alors que le talon de la plante reposera directement sur la couche impé- nétrable du sous-sol, et que, dès l'origine, l'émission des racines (i) Revue 4e Viticulture, tome X, n«> 247, page 309. (2) Avec cette circonstaace aggravante que, si les racines du Riparia sont natu- rellement traçantes, celles du Rupestris sont pivotantes, et que, pour se plier aux exigences du milieu, le Rupestris sera contraint de lutter contre sa nature même. P. G. — 178 — se fera à son contact. Qui ne sent que le Rupestris en souffrira plus encore que le Riparia dont les racines traçantes pourront, à la rigueur, se développer presque normalement ? Et qui ne sent aussi qu'il serait déraisonnable d'en conclure pratiquement que le Riparia supporte mieux la sécheresse que le Rupestris ? La vérité est que, dans un pareil sol, c'esi-à-dire en sol sec superfi- ciel, ni le Riparia ni le Rupestris ne sont bien adaptés. Existe-Wl du moins des porte-greffes pour ces terrains, et quels sont-ils ? Il semblerait à priori que les cépages ayant les facultés inter- médiaires au Riparia et au Rupestris, c'est-à-dire les hybrides de ces deux espèces, dussent convenir aux sols secs superficiels. Il n'en est rien. Sans ioute, un Riparia x Rupestris — 3309 ou /O/** — y résistera mieux que le Riparia, mais ^\ y sera, lui aussi, insuffisant. Il faut chercher ailleur3 : les essais entrepris comparativement dans des sols de cette nature sont malheureuse- ment assez rares ; ils permettent cependant de penser que certains hybrides à base de Cordifolia, tels que le n® i06 (Riparia x Cordi- folia Rupestris) et le n*" i2ô (Riparia x Cordifolia) de la collection de MM. Millardet et de Grasset seraient susceptibles d'y réussir, comme aussi les Berlandieri et certains de leurs hybrides. Ils permettent d'affirmer que certains hybrides franco-américains y réussissent. Il y a, en effet, parmi ces hybrides, quelques for- mes qui ont fait preuve de la plus admirable résistance à la sécheresse. Et le fait n'a rien d'étonnant si Ton songe que l'une des plus précieuses facultés du Vinifera était de végéter dans les sols les plus pauvres, les plus misérables et les plus secs. Les expériences que M. Couderc a instituées, dans ce but, sur ses coteaux arides, brûlés par le soleil, caillouteux et superficiels de Montfleury, près Villeneuve-de-Berg (Ardèche), ont établi que certains hybrides franco-américains ont bien réellement hérité de ce don. Tels sont les n*** 603 (Bourrisquou x Rupestris) ; — i203 (Mourvèdre x Rupestris) ; — i30ô (Pinot x Rupestris ; — et l'on peut voir, à la fin des étés les plus desséchants, les greffes de « Syrah » portées par ces hybrides ne pas fiéchir au milieu du fiétrissement général des. greffes voisines -sur Riparia ou sur Rupestris. Au point de vue de Vadaptation seule, le fait ne saurait être sérieusement contesté : quelques rares hybrides franco-améri- cains ont témoigné d une résistance à la sécheresse supérieure à celle des américains purs employés jusqu'ici. Mais, à côté de Tcdaptation, il y a le point de vue de la résis- tance phylloxérique qui est singulièrement inquiétant parce qu'il est admis q'^e l'action phylloxérique est plus redoutable en ter- ^ À — 179 — rain sec que partout ailleurs peut-être. Il suffira d'observer que. jusqu'idy les cépages que je viens d'indiquer n'ont pas fléchi dans les situations où ils ont été placés. Je me garderai pourtant de conclure de ces cas particuliers que leur résistance sera partout et toujours la môme. Il n'est pas bien certain, malgré tout, que la résistance phylloxériqUe d'un cépage soit modifiée par la séche- resse : s'il est hors de doute pour moi que la résistance pratique puisse varier avec les terrains, il n'est pas dit que la sécheresse soit une cause d'aggravation égale pour tous. Si la sécheresse rend plus difficiles pour les cépages à nodosités les conditions de la lutte contre l'insecte, en ce qu'elle entrave le renouvellement rapide des radicelles atteintes ou du chevelu détruit, il n'est pas dit qu'il en soit de même pour les cépages à tubérosités ; il n'est pas impossible qu'en terrain sec la préservation, l'indem- nité des radicelles soit, au regard de la résistance pratique, un facteur important, plus important peut-être que l'absence de tubé- rosités; il n'est pas impossible non plus que la pourriture des lésions y soit plus lente à se produire, et que, par contre, la. réac- tion y soit pliis vive et la prolifération des tissus plus active ? Quoi qu'il en soit de ces hypothèses, et sans prétendre encore un coup que les hybrides franco-américains ci-dessus puissent être employés en toute sécurité dans les terrains secs super- ficiels, on conviendra qu'il n'était pas inutile de relever les résul- tats qu'ils ont fournis dans des sols de cette nature. On peut admettre également que les hybrides à sang de Monti- cola constitueraient pour ces sols une précieuse ressource. Déjà, nous savons que le n® 554'5 ^Monticola x Riparia) de M. Couderc végète admirablement dans les calcaires pauvres et très secs ; et par analogie, il est permis de penser qu'il se comporterait de même dans les sols secs superficiels, non calcaires. Certains essais, notamment ceux entrepris en Sicile et dans le Sud de l'Ita- lie, laissent peu de doute que le Berlandieri et quelques-uns de ses hybrides n'aient une haute résistance à la sécheresse : les Rupestris X Berlandieri et certains Berlandieri x Riparia pourront vraisemblablement être utilisés avec avantage dans ces sortes de sol. Si j'en juge par ce que j'ai vu dans les plantations de M. Bouisset à Montagnac (Hérault), le 420 A (Berlandieri x Ripa- ria) serait bien résistant à la sécheresse. M. Guillon attribue les mêmes facultés au 34 Ecole. A côté d'eux, il ne serait pas im- possible que les Riparia-Rupestris x Berlandieri de M. Malègue et de M. Daignière présentassent aussi quelque intérêt. C'est dans les terrains secs non superficiels, à couche arable relativement profonde — les plus nombreux, au demeurant, et de beaucoup — que les Rupestris Martin et du Lot constituent des — 180 — porte-greffes remarquables, auxquels peu d'autres peuvent être comparés ; c'est là que leur supériorité est réellement manifeste. Tandis que, dans ces sols dont la couche supérieure seule se des- sèche, les racines traçantes du Riparia souffrent à l'égal pour ainsi dire de ce qu'elles souffrent dans les sols secs superficiels, les ra- cines plongeantes des Rupestris s'enfoncent profondément dans le sous-sol et s'y développent à l'aise. Une plantation d'expérience que j'ai faite- dans une terre de cette nature comporte, à cet égard, un enseignement caractéris- tique : sur un coteau abrupte, exposé au midi, formé d'un dilu- vium alpin très caillouteux, à sous-sol relativement profond, mais assez difficilement pénétrable, une plantation de Riparia Gloire, de Rupestris du Lot et d'Aramon x Rupestris n** :2 a été faite en 1893. Les Riparias sont greffés en « petite Syrah », excellent greffon ; les Rupestris du Lot et les Aramon x Rupestris n" 2 sont greffés en « Cinsaut », qui est plutôt un mauvais greffon. Depuis quatre ans, c'est-à-dire depuis 1895, la ténue de ces différents plants n'a pas varié : tandis que les feuilles des greffes sur Ri- paria se flétrissent, se dessèchent et tombent en grande partie vers le commencement d'août, celles des greffes sur Rupestris du Lot et sur Aramon x Rupestris n** 2 restent vertes, luxuriantes, et nourrissent jusqu'au bout des fruits d'une maturité parfaite. Ce fait a été constaté par de nombreux visiteurs, notamment par M. Pierre Viala et par M. Ravaz. J'ai été très frappé de la résis- tance de l'Aramon x Rupestris n® 2, que j'ai vu, d'autre part, fort beau dans des boulbènes du Sud-Ouest particulièrement difficiles. Aussi, ce cépasre me paraît-il pouvoir être indiqué pour les ter- rains secs non superficiels, où se plaisent aussi le R, du Lot et le fi. Martin. A côté de lui, et dans cette même catégorie de porte-greffes franco-américains, on peut ciier, avec ceux signalés plus haut pour les sols secs superficiels, le n® 33 (Cabernet x Rupestris) de MM. Millardet et de Grasset qui, dans des terrains analogues — par exemple chez M. d'Hébray au Mas-Grenier, comme aussi chez M. Bethmont dans des groies pauvres et sèches de Saintonge — a donné toute satisfaction. Dans ces sols secs non superficiels, les Riparia x Rupestris 3309 et iOi^^ pourront utilement trouver leur place, suivant que s'atténuera la pauvreté ou l'aridité du sol. Là où cette pauvreté sera la plus manifeste, le R. Martin et le fi. du Lot tiendront la tête; et c'est avec raison qu'ils ont été indiqués pour ces sortes de sols. Il importe peu, en vérité, quand on juge des aptitudes générales d'un cépage, que, dans quelques cas particuliers, ces aptitudes, par suite de circonstances spéciales qui le plus sou- — 181 — vent échappent à Tanalyse, se soient trouvées en défaut. A ces cas isolés, il serait facile d'opposer la multiplicité des faits favo- rables recueillis ^ aux quatre coins du vignoble français. Je veux me borner à rappeler les enquêtes faites par M. Barbut, profes- seur départemental d'agriculture de TAude, et par M. Bouchard, délégué phylloxérique de Maine-et-Loire, la première parue dans le Progrès Agricole d'avril 1898, la seconde dans la Revue de viticulture du mois d'octobre 1898 : la résistance à la sécheresse du A. du Lot dans les sols de coteaux caillouteux et secs, mais non superficiels, y est attestée de façon irréfragable. Il s'en faut cependant que la résistance à la sécheresse du fi. Martin et du fi. du Lot soit la même : elle est certainement supérieure chez le fi. Martin, Les essais comparatifs de M. Cou- derc, ceux de M. Bouissét à Montagnac, de M. Coutagne dans les Bouches-du-Rhône et le Var, de MM. Bouchard, Chaillou, Chouteau, Daignière en Maine-et-Loire, de M. Sa las y Amat à Malaga, pour ne citer que ceux-là, ne laissent aucun doute sur ce point. Lors donc qu'il s'agira uniquement de résistance à. la sécheresse, le R, Martin devra être préféré au fi. du Lot, Mais on sait que ce n'est pas seulement dans les terrains secs non superficiels que le fi. du Lot peut être employé. C'est ailleurs, c'est dans d'autres sols, c'est dans la gamme si variée des terrains calcaires que ce porte-greffe rendra les plus utiles services. Porte-greffes des terrains secs Américains purs A mérico-A méricains Franc(hAméricains A. Superficiels : Berlandierl ; — Rupestris X Berlandierl Berlandieri X Riparia n»-i4aOA;3/*Ecole(?);- 106» (Riparia X Cordi- folia — Rupestris"! ; — 125 (Riparia X Cordi- folia); — 55/*-5 (Riparia X Mon- ticola) ; — 603 (Bourrisquou y Rupestris ; — — 182 — Américains purs Américo-A méHcatns Franco-Américains B Non superficiels. Rapestris Martin ; — Rupestris du Lot ; — 603 ; — Cordifolia x Rupestris; — 3309 (Riparia X Rupes- tris); — lOP* Riparia X Rupes- tris) ; — Aramon x Rupestris n«2. — 33 A^ (Cabernet X Ru- pestris); — C. Compacts. ? 106* (Riparia X Cordifolia 603 ; — Rupestris); — Cordifolia Rupestris; — l/iS» (Alicante» x Cor- difolia) ; Rupestris du Lot; — Aramon x Rupestris n« 2; — 33 A* (Cabernet x Ru- pestris) ; — Les façons culturales ont, en terrains secs, une importance qu'il paraît inutile de signaler, tant elle s'impose d'elle-même par la nécessité d'empêcher ou d'entraver le plus possible la dessiccation du sol : la surface doit être constamment tenue en état d'ameublissement parfait, en ayant soin de la maintenir plane et non en cavaillons. On a recommandé, pour remédier à la sécheresse, l'emploi des engrais verts employés concurrem- ment aux fumiers de ferme (fumiers de porc ou fumiers de vache), et aussi des rognages ou pincements destinés à diminuer l'appa- reil foliacé et par suite les organes d'évaporation (1). Il est bien entendu que tout ce que nous venons de dire des terrains compacts, humides, secs, s'applique uniquement aux terrains compacts, humides, secs, non calcaires. Pour ceux de ces terrains où la présence du calcaire ajoute une difficulté de plus, il faut se reporter à ce qui a été exposé plus haut (recons- titution et porte-grefltes des terres calcaires). (1) J'ai vu appliquer, avec succès, dans le cas de sécheresse anormale et prolongée, es aspersions à l'eau légèrement additionnée de sulfate de cuiyre, à Vfdde du puWé- risateur ordinaire : ces aspersions étaient pratiquées à la chute du jour, l'absorption par lee feuilles devant se faire de façon plus efficace à raison de l'état de récep- tivité particulier de ces organes pendant la nuit. P^ G. -:. 183 — IV AFFINITE Si rétude du sol et le choix du porte-greffe ont dans la recons- titution une importance si considérable, celle-ci n'est pas moindre quand il s'agit de déterminer le cépage-greffon à adopter; — parce que de cette détermination dépendent la prospérité et la durée du vignoble : elles sont liées au degré de sympathie que le cépage-greffon aura pour son porte-greffe. Cette sympathie, ce rapport intime, cette harmonie qui existe ou doit exister entre le greffon et le porte-greffe, c'est rafftnité. Celle-ci découle tout entière de Tinfluence réciproque qu'exer- cent l'un sur l'autre le greffon et le porte-greffe ; suivant le mode et là façon dont s'exercera cette influence, rafftnité sera bonne ou sera mauvaise : elle est la source de la vigueur, de la fertilité, de la longévité de la plante. Il ne semble pas qu'au début de la reconstitution par les vignes américaines, on ait prêté à cette question toute l'attention qu'elle mérite; ce n'est que plus tard, quand on se prit à étudier les effets du greffage et les différences de végétation accusées par certaines plantations, qu'elle apparut avec toute sa gravité. Le premier, M. Couderc signalait au, congrès de Mâcon, en 1887, certains cépages comme restant vigoureux greffés sur presque tous les porte-greffes américains et d'autres comme se rabougri.**- sant vite. Il indiquait en même temps que ce fait lui semblait être la cause principale de la reconstitution prompte et relative- ment facile des régions viticoles telles que l'Hérault, le Bordelais, les Côtes du Rhône, la Bourgogne, où les cépages les plus em- ployés (Carignan, Aramon, Clairette, Cabemet, Syrah, Pinot) sont de bons greffons, c'est-à-dire vigoureux greffés et conservant leur vigueur avec l'âge ; et au contraire de la reconstitution lente et difficile d'autres régions telles que le Var, les Charentes où les cépages les plus répandus, le Mourvèdre, la folle Blanche sont de mauvais greffons, peu vigoureux greffés ou perdant leur vigueur au bout de peu d'années de greffage. 11 indiquait aussi le premier (1888) que, en terrain calcaire et sur un même porte-greffe, la chlorose était faible ou forte sui- vant la nature du cépage-greffon et que certains terrains calcaires. — 184 — irreconstituables avec un porte-greffe donné si on lui fait nourrir de la Folle (mauvais greffon) par exemple, peuvent l'être avec le même porte-greffe si on lui donne à porter du Colombar (bon greffon). Il observait en outre (1888) que, d'autre part, certains porte- greffes, surtout les Rupestris et leurs hybrides donnent plus de vigueur et de durée à presque tous les cépages qu'on leur confie et qu"ils donnent notamment une vigueur suffisante aux cépa- ges mauvais greffons signalés ci-dessus. « La grande vigueur de la vigne dans le Midi, écrivait-il eja « li890 (1), y rend aussi moins sensible qu'ailleurs l'influence du « cépage greffon sur la tenue de la greffe. Cependant on peut « y remarquer déjà des différences sensibles surtout en coteaux : « ainsi le Carignan, l'Aramon, le Grenache restent plus beaux « avec rage, sur un même porte-greffe, que le Cinsaut, le Mo- « rastel et un grand nombre d'hybrides Bouschet. « Ces différences s'accentuent de plus en plus quand le terrain Rupestris n» 1 ; Aramon x Rupestri D0 1 ; Rupestris du Loi ; 601;- Rupestris du Lot Rupestris du Lot; -3)' -Aramon x Rup.o^l; 601; - Rupestris d a LoC - 3306; - Ripana ; - 1305; - 601 ; 3309;- — 195 — NXTIÉI OBSERVATIONS SUFFISANTE avec les porte-greffes ci-dessous MAUVAISE avec les porte-greffes ci-dessous Rupestris du Lot ; - - Riparia Gloire; - Riparia Gloire ; • Les termes de comparaison font défaut; les deux cépages Pinot noir et Pinot blano Ghardonnay paraissent avoir une affinité de même ordre avec les différents porte- greffes. 11 n'y a pas de différences tran- chées. Le Riparia Gloire a une excellente fructifi- cation avec le Pinot; trop de ft'uctification avec le Gamay qui vieillit vite. Le Rupestris du Lot a peu de fructifica- tion avec le Pinot. Solonis; - Araïuon x Ru- pestris n« 1 ; - * Les greffes sur Franco-Américains sont moins fructifères que sur Américo-Amé. ricains; leur maturité est en retard de plusieurs jours. L Enfariné et le Peurion du Val-de-Saône qui étaient, francs de pied, d'une adapta- tion très facile, ont cette faculté très sensiblemeut diminuée par le greffage. Riparia Gloire; - Riparid Gloire; - • Riparia Gloire; - Le Pinot et le Ghardonnay sont extrême- ment vijjoureux sur Franco-Américains; moins fructifères aue sur Riparia ou sur Riparia x Rupestris; ou mieux encore sur 1616 qui serait le ^us fructifère des porte- greffes. Le Gamay est signalé tantôt suffisant, tantôt mauvais sur le Riparia, compa- rativement à sa tenue sur les hybrides. • Le Vialla est toujours indiqué comme tenant la tète dans les sols granitiques frais et profonds du Beaujolais. iolonis ; - tl6; - Rupestris de forworth ; - S16; - olonis; - Rupestris ;- 1616; - Riparia ;- 1616 ; - Riparia; - Riparia; - * Cépage d*iine affinité très difficile. — 196 — RÉGIONS CÉPAGES OREFFOIfS • TR*9 BONRK avec les porte-greffes BONKB^^^ avec les porte^Hki ci-dessous ci-desson^P SUD-EST ProTenoa MouFTèdre Gamay-Gouderc ; - 1202; Rupestris du La|{ • An- mon X Rupestrwtf* 1 ; - Bran fourca Aramon x Rop. d« 1 • Riparia x Rupestris ;- Vgùi blanc Rupestris du Lot; - Ara- mon X Rupestris n^ 1 ; - 601 ; - Riparia;- Riparia x Rupestris;- 3306; -3309; - 101**;-Rap-Mirtin;- • Clairette ^^^ Languedoc Aramon 1202; - Aramon X Ru- Destris n<» 1 ; - Berlan- oieri; - Riparia x Ru- pestris 3306- ; 1011*; - 8309; - 1068; Berlandieri x Ripirb 167-11 ; - Taylor Narbonne; -6fii; • Rupestris Marûo ; • Carignan Rupestris du Lot, etc. Petit Bouschet 1202; - Aramon x R1I^ n« 1; -601; - Ripant x Rup. 3309: 33f6;l01iS Rupestris du Lot;- Grand Noir de la Galmette Rupestris du Lot; 1202; - Aramon x R^ n® 1 ; - Riparia x 1* pestris; - Cinsaut • Aramon x Rup. d« 1 d 2;- 1202 -Rupestris A Lot; - SUD-OUEST Négreite Riparia x Rupest 101**; - 3306 ; - 3309 ; - Aramon x Rupest. n® 1 ; Taylor- Narbonne ; - Ripar. Gloire ; 4- RupcA du Lot; - 202*;-l«»; * Valdiguier Idem. — Jurançon noir Idem. Cot (Bouchai èe) Idem. — Malbec Rupestr. du Lot ; - ^ X Rupestris lili^;- St-Emilion • Rupestr. du Lot ; - tf* Aramon x Rup.n*!;. Cabernet Rupest. du Lot; -Riparia Gloire ; - Riparia x Ru- pestris; - Aramon x Rap.n*t;J Sémillon Riparia X Rupest. 3309 ; -1011*; -1202; - Aramon x Rup. nMfl Rupest. du Lot; • 1 SauTignon Rip. X Rupest. lOli*; Rupestris du Lot; - 1 Gharentes Folle 41; -1202; - Berlsndieri; - Berlandieri x Riparia; - Berlandieri x Rupes- tris ; - Aramon X Ru- pestris n<» 1 ; - Rupestr. du Lot; • WÊ ria X Rupestris KM^^M 3306; - 3309; — 60!;fl 33 A«; - Taylor W» bonne ; - Balzac 1202; - Golombard — — ■■H" 1 — 197 — SDFnSAHTB ayec les porte-greffes ci-destout MAUVAISE avec les porte-greffes ci-dessous Riparia ; - Riparia; • Rupestris du Lot; - 603; - Riparia ; • Ripar. x Rupestris n»» 3306; 3309; 101»*; - Riparia ; ~ Riparia; - OBSERVATIONS En greffes jeunes, le Mourvèdre serait très vtgoureux sur R. du Lot , mais sans truits. Affinité excellente avec tous les porte- greffes ; — accroît notablement leur résis- tance à la chlorose et k la sécheresse. Affinité excellente avec tous les porte- greffes; augmente leur vigueur et leur résistance & la chlorose et à la sécheresse. Riparia; - Riparia Gloire;- Riparia Gloire; - Riparia; - Rupestr. du Lot ; - Ara- mon X Rupestris n^ 1 ; - Riparia X Rupestris;- Riparia; - Les greffons à moelle abondante se sou- deraient moins bien sur les Aramon x Rupestris que ceux à petite moelle et à bois dur. Les bois mous comme ceux du Malbec et du St Emilion se greffent mal bur porte- greffes à bois tendre, ce qui n'est pas dû au manque d'affinité» mais à une difficulté plus grande pour le greffage, et a« dessè- chement plus rapide des greffons et des porte-çretfes, causes réelles de Tinsuccès. Une fois soudés, ces cépages vivent très bien, sont même très robustes; mais le St-Emilion fait chloroser son porte-greffe. Affinité très bonne ou les porte-greffes. bonne avec tous - 198 — -^ RÉGIONS CtPâaES-BHKFrUHB 'Jk.T'TI ntB BONHI avec les porte-greffes ci deaaouB ci -dessous OÏÏEST Muscadet Groi pliiut CUenin blanc Gros lot Ripar. x Rupestr. lOt"; Lot;- Rupsn. da Lot; — eerIandieri-,-Rupeet. do Martin; ' SoloDfe X Riparia 1616;- 1616; -lîOÏ;- 1202; - Aramon x Btp. ut 1 ; - Riparia x Ru- pestris; - Rupuatrisdu Lot; - CENTRE Breton (Cabernel franc) Gamay Gamaj Tréau et G. de ChassBlas Blanc rumé RipariaxBupestriB;- 1202 ; - I20S; -Bip. X Rupestr.; 3306etI01<'; - 554-5; - AramonxRupestrjs D* l; - IOI>';- 1102t-55i-Q; Colorado E; Biparia; - Riparia x Rupestris : - Rupestris du Lol;-Xf». Riparia xEupest.»»;- 1S7-U ; - 1202;- 3JA':. 157-11;- &5i-5 ; - Aramon X Rup. a* t;- Kupesl. du Lot;-!»' 11;-t20;- Bip. x H» pestr. 101" etM»6;- AnTOrgno Poitugais bleu Limberger Noir Qeariea G&majr Riparia x Rupestris ; - 1616;-Soionis; - 1202 ; - Aramoa X Rup. n"! elï;- AramonxBupeelrien»'! et2;-iei6;- 1Î02 ; - Aramon X Rupes- tris n-l-; Riparia; - Aramon x Rupett. n* ', etn-î;- Ripar, X RapesL 101" 33a6et;l30<>;-Riparid; Rupest. du Lot;- Bupeat- du Lot;-ll«:- Rupestr. du Lot;-l«!(: — 199 — 80FFI8AIITI avec le» porte-greffes ci -dessous 1202 ; - MAOVAISB avec les porte-greffes ci'dessons Taylor Narbonne; - Aramon x Rupest. n<» 1 ;- Riparia; - Aramon x Rup. n» 2; - Riparia ;. - Taylor Narbonne ; - Ru- pestris du Lot ; - Rupestr. da Lot ; - Ripa- ria ; - Riparia; - Ripar. x Ru- pest. 3309 ; - Riparia ; - ORSERVATIONS Le Chenin est un greffon merveilleux pour la grande majorité des porte-greffes. Le Limberger ou Portugais Leroux est d'une vigueur extrême et communique cette vigueur à son porte-greffe. Cépage le moi?is chlorosant de la région. L \ — 200 — La sphère d'action de chaque porte-greffe est aujourd'hui bien nettement déterminée: le travail qui a été fait de ce côté est à peine ébauché vis-à-vis des cépages-greffons, dont l'action est pourtant si intimement liée à la prospérité de la plantation. Il serait à souhaiter que des études méthodiques — déjà entreprise^ sur quelques points — fissent connaître d'une façon précise la véritable et réelle affinité de nos cépages locaux pour les porte-, greffes si méritants que nous avons énumérés. PRODUCTEURS DIRECTS La question des producteurs directs a été traitée au Congrès de Toulon en 1897, au Congrès de Lyon en 1898, au Congrès de Carcassonne en 1899, par MM. Ganzin, Roy-Ghevrier et Pierre Gastel d'une façon si magistrale, si impartiale et si complète, qu'il y aurait véritablement quelque témérité à vouloir rien y ajouter; et je me veux borner à résumer en quelque sorte ce que ces éminents praticiens ont si excellemment exposé. Cette question n'est pas neuve : elle remonte aux premiers jours de l'introduction des vignes américaines en France^; elle n'a cessé depuis lors d'être aux yeux de quelques-uns le phare lumineux, le havre d'espérance d'où leur doit venir le salut. Pour le plus grand nombre, elle était tombée dans l'oubli ; et il a fallu l'en- vahissement du black-rot, les désastres qu'il a causés, l'insuf- fisance première des moyens de défense, pour la replacer à l'ordre du jour et appeler sur elle l'attention. Des producteurs directs qui nous sont venus d'Amérique com- bien sont encore utilisés ? Très peu assurément ; mais il en est qu'il faut citer: le Clinton, VOthello, VHerbemont, le Noah et le Jacquez, — Les uns et les autres sont limités à certaines régions ou répondent à quelques situations particulières qui n'offrent aucun intérêt général. Ils sont, d'ailleurs, assez connus pour qu'il soit inutile d'y insister. Les producteurs nouveaux méritent un plus sérieux examen : ils sont, pour la plupart, les fruits des longues et patientes re- cherches de nos hybrideurs ; et si, de l'aveu de tous, ils ne réalisent pas pleinement le but que l'on s'était proposé, d'aucuns — 201 — tendent à s'en rapprocher par quelque côté. Quel est donc le but que Ton vise, et de quelle manière les cépages que Ton vante le plus paraissent-ils le remplir? Ce que Ton cherche aujourd'hui, c'est moins d'éviter les diffi- cultés du gnreffage avec lequel tout le monde est plus ou moins familiarisé, que d'opposer aux maladies cryptogamiques, deve- nues plus redoutables par l'intensité de leurs attaques, par les traitements coûteux et multipliés qu'elles exigent, des cépages doués de qualités particulières leur permettant de se défendre seuls ou à l'aide d'un léger appui. Il en est qui voudraient éviter au vigneron les dépenses, les mécomptes, les soins assidus, les cultures intensives qui sont l'habituel cortège de nos vignes greffées, et ce par quoi la viti- culture nouvelle se distingue si profondément de l'ancienne. Ils^ rêvent de revenir à celle-ci par quelque chemin détourné, sous une autre forme, dussent-ils abandonner en route et sacrifier tout ou partie de ce que les vingt dernières années ont réalisé de progrès constants dans l'art de la culture et de l'œnologie. Les résultats acquis, — dont nous venons tout à l'heure, en étu- diant les porte-greffes, de constater la magnifique éclosion, — ils les jugent insuffisants, problématiques, inacceptables pour tous et partout, incompatibles avec l'état de choses et l'état des esprits de certains milieux, où le climat et la virulence des maladies cryptogamiques d'une part, les habitudes et les néces- sités culturales d'autre part, modifient les conditions habituelles de succès. Ces fins, dont on escompte par avance les avantages, appa- raissent d'une réalisation assez malaisée : il faut, en effet, que pour justifier la suppression du greffage les nouveaux cépages possèdent avant tout la faculté qui a rendu celui-ci obligatoire, c'est-à-dire la résistance au phylloxéra. Il faut ensuite qu'ils soient indemnes ou à peu près des diverses maladies cryptoga- miques (oïdium, mildiew, black-rot, pourriture grise), qu'ils donnent des fruits comparables à ceux de nos Vinifera, sans goût particulier de fox, susceptibles de produire des vins marchêinds et de qualité acceptable pour le consommateur ou le vigneron. Il faut, en un mot, qu'ils réunissent à la fois et résument les qualités d'un bon porte-greffe et celles d'un bon greffon. En est-il ainsi ? Les hybrides producteurs directs les plus connus, ceux qui commencent à se répandre, sont : certains numéros de la collec- tion de M. Seibel, de la collection de M. Couderc, l'Alicantex Rupestris n* 20 de M. Terras, enfin l'Auxerrois x Rupestris. M. Seibel possède une longue série d'hybrides, dont la majeure — 202 — partie est trop jeune encore pour qu'on en puisse prédire Tavenir. Son n** i a été obtenu en 1886 d'un semis de pépins de Rupes- tris X Linsecumii 70 de Jœger, fécondé, croit-on, par le Cinsaut. Il est vigoureux et fertile : il produit, dès la seconde ou troi- sième année, de nombreux petits raisins, à jus incolore, mais à pellicule fortement colorée de rouge vif. Sa maturité est de deuxième ou même de troisième époque, ce qui rend sa culture peu avantageuse dans les régions du Nord et de TEst, où il mûrit une dizaine de jours après le Gamay. Sa résistance au phylloxéra serait voisine de celle du Jacquez, suffisante dans les sols profonds, riches et frais, douteuse dans les terrains secs et pauvres. Sa résistance aux maladies cryptogamiques est bonne vis-à-vis de l'oïdium, du mildiew et de la pourriture grise, assez bonne seulement vis-à-vis du black-rot; il faudrait deux traite- ments aux sels de cuivre pour le défendra complètement contre cette cryptogame. Son plus grand mérite est la qualité de son vin que tout le monde s'accorde à reconnaître le meilleur des vins de producteurs directs. M. Ganzin n'hésite pas à dire que, des vins français de qualité courante et moyenne, il en est peu qui lui soient supérieurs : il est remarquable par sa belle couleur, son bouquet, sa droiture et sa plénitude de goût. Tout le monde connaît les travaux de M. Couderc et ses innom- brables créations d'hybrides porte-greffes ou producteurs directs. Parmi ces derniers, quelques demi-sang de Vinifera, appartenant à sa première collection, sont cultivés, sur plusieurs points du territoire : 3.907 (Bourrisqunu x Rupestris) ; Jardin 503 (Rupes- tris X Petit-Bouschet) ; — Jardin 201 (Riparia-Rupestris x Aramon) ; — 603 (Bourrisquoux Rupestris). Ce dernier, signalé déjà comme un porte-greffe méritant pour certains sols calcaires ou sec^, s'est montré très résistant au black-rot et aux autres maladies crypto- gamiques. Sa production est peu élevée, mais elle est régulière et se développe avec l'âge. Sa maturité plutôt tardive le doit faire réserver pour les régons du Sud et du Sud-Ouest (1). Le 4401 (Chasselas rose x Rupestris) est une vigne vigoureuse et saine, dont la résistance phylloxérique paraît bonne, et pra- tiquement suffisante dans la plupart des situations où il peut Être placé : 440i craint le calcaire ; c'est un plant des terres pro- fondes et relativement fertiles. Sa résistance aux maladies crypto- gamiques est très belle : presque indemne vis-à-vis du mildiew, il se défend, dans les foyers intenses de black-rot avec deux traitements ordinaires. Sa fructification est abondante, régulière, (1) Voir, à propos du 603, l'étude parue sur ce cépage dans la Revue des hybri»ies franco-améHeains de janvier 1900. t 11 — 203 — à taille courte ou à taille longue ; elle peut atteindre 5 à 6 kilos par souche : son vin est de couleur rouge vif, coloré, solide, très franc de goût, à saveur française, titrant de 8 à 9*" d'alcool. M. Jurie a signalé d'intéressantes variations du 4401, avec retour très marqué à la forme de la grappe du Chasselas rose. Dans l,a nouvelle collection de M Couderc, MM. Roy-Chevrier et Castel citent les n*' 132-11 ; —28-112 et 126-21. UAlicantexRupestris n"* 20 de M. Terras est un croisement de l'Alicante-Henri Bouschet par un Rupestris. Très vigoureux, il donne à taille longue de nombreux petits raisins noirs dont le grand défaut est de se flétrir rapidement dès qu'ils sont trop mûrs et' de pourrir avec la même facilité. — Son vin est très coloré mais plat ; il manque d'acidité et exige une certaine addi- tion d'acide tartrique à la cuve ; il titre de 10 à 12*" d'alcool dans le Midi, et seulement 7 ou 8** dans le Nord et l'Est. Très sensible aux premières gelées d'hiver à cause du mauvais aoûtement de ses bois, il n'est pas fait pour ces régions. Dans le Midi, au contraire, il s est assez répandu : s'il résiste mal à l'anthracnose dans les fonds bas et humides, il offre, dans les situations aérées et sames, une bonne résistance au black-rot, au mildiew et à l'oïdium ; il supporte des doses élevées de calcaire, par exemple, chez M. Terras, à Pierrefeu (Var), où il est planté en un sol dosant 70 % de carbonate de chaux. Dans mes alluvions calcaires de Lattes, où il figure dans mes collections depuis 1892, il n'a jamais jauni. Sa résistance au phylloxéra a été l'objet des ré- serves de M. Ganzin au Congrès de Toulon ; et il est possible qu'en terrain sec elle soit douteuse ; il ne semble pas cependant qu'elle soit inférieure à celle des autres producteurs directs dont nous venons de parler: 4401 et Seibel n* 1. Toutes ces résistances sont de même ordre, et peu éloignées de celle du Jacquez. UAnxerrois x Rupestris est un enfant du hasard, sans état civil dûment établi. On l'appelle aussi Plant Fardes et Plant La- coste, du nom des deux viticulteurs du Lot qui se sont disputés la paternité de ce cépage. Il en est peu autour de qui on ait fait plus de bruit ; et peu s'en est fallu qu'on ne vît en lui le mer- veilleux oiseau bleu, poétiquement évoqué par M Roy-Chevrier dans sa conférence de Lyon. D'une très grande vigueur, d'une très grande fertilité, il pro- duit un vin analogue à nos vins ordinaires de coupage : il est très coloré, alcoolique, à saveur française, sans goût spécial. Il est peu sensible aux maladies cryptogamiques quelles qu'elles .A. / — 204 — soient, et peut très aisément être défendu contre elles. Il végète bien en sol calcaire et paraît avoir une aire d'adaptation fort étendue. Il s'est jusqu'ici bien comporté vis-à-vis du phylloxéra ; mais il est trop nouveau venu pour qu'il soit possible de dire s'il en sera toujours et partout ainsi. On lui a reproché sa propension à la coulure ; mais d'habiles sélections ont été faites où ce défaut n'a point reparu. U Auxerr ois xRupes tris, à raison de sa rusti- cité, de l'abondance de ses fruits et de la qualité de son vin, de sa bonne tenue envers les maladies cryptogamiques, constitue un des producteurs directs les plus intéressants. Il est très prôné, très vanté par plusieurs publicistes agricoles qui ne cessent d'appeler sur lui l'attention des viticulteurs. V En dehors de ces hybrides principaux, qui sont comme les têtes de colonne actuelles des producteurs directs, il en est d'autres qui occupent le second plan mais qu'il serait injuste de passer complètement sous silence. Ce sont : L'Hybride Franc, si remarquable par sa vigueur, sa haute ré- sistance, l'extrême abondance de sa fructification, dans les cal- caires de la grande Oolithe, secs, pierreux, superficiels, mauvais, très chlorosants de la pépinière départementale de Bourges qui lui a servi de berceau ; — ti Hybride Fournie ; — le Plant des Carmes ; — Puis, les multiples créations de M. Ganzin, de MM. Gaillard et Girerd à Brignais ; — de M. Jurie dont il faut particulièrement citer le n"* 580, rouge, très fertile; — de M. Louis Rouget à Salins ; — de M. Oberlin en Alsace ; — de M. Castel à Carcas- sonne ; — de M. Malègue dans les Pyrénées-Orientales. — Il m'a été donné de visiter, à la fin de l'été dernier, les belles collections de M. Malègue à Pézilla-la-Rivière, et j'ai été surpris d'y rencontrer nombre de producteurs directs vigoureux, à grappes bien développées, se rapprochant, pour quelques-unes, de nos Vinifera. J'ai publié ailleurs (1) les documents rapportés de cette visite; mais ce sont là simples prolégomènes, simples contributions à l'étude plus complète de ces cépages jusqu'ici ignorés ; et ils ne sauraient trouver place ici. Quant aux créations si variées, si importantes de M. Castel. dont je m'honore d'être l'ami, voici plusieurs années que je vais, chaque automne, les admirer à Paretlongue, dans ce beau do- maine tout plein des plus utiles enseignements. Il y a vérita- blement, dans cette longue série d'hybrides, à la gestation des- (1) Voir Progrès Agricole et Viticole, n»» des 28 janvier et 27 mai 1900. — 205 — quels M. Gastel a consacré tant de labeurs et tant de peines, des choses étonnantes, des plantes dont la vigueur, la fructifi- cation s'affirment dès les premières années et ne font que croître avec rage. Malheureusement, l'expérience n'a point encore pro- noncé sur leur valeur réelle dans les différents sols, sous les divers climats, en face des maladies cryptogamiques qui y sont, par endroits, plus redoutables que dans le département de l'Aude. Cédant aux sollicitations de nombreux viticulteurs, M. Gastel s'est décidé à livrer au public, cette année même, une première collection de ces cépages. « J'ai classé, dit-il, mes producteurs « directs d'après l'ensemble et l'importance de leurs caractères; « j'estime qu*un bon producteur direct doit présenter : r Une grande résistance aux maladies cryptogamiques: au Black-Rot, au Mildiou, à la Pourriture-Grise, à l'Anthraohnose et à l'Oïdium ; Z* Une grande résistance aux intempéries, aux gelées du prin- temps et à la coulure ; 3* Une production suffisante pour donner des récoltes rémuné- ratrices ; 4* Un vin de qualité marchande, qui puisse être accepté comme boisson d'un usage courant ; 5^ Une grande résistance au phylloxéra. Cette résistance n'est point indispensable, car on pourra toujours employer comme greffon les producteur? directs insuffisamment résistants ; 6® Une culture facile, présenter une bonne reprise au bouturage, être d'une adaptation facile pour les sols calcaires, présenter une bonne résistance à l'action du vent, n'être point sujet ni à l'è- chaudage ni au folletage, aoûter facilement son bois. Malgré que mes hybrides producteurs directs mis en vente pré- sentent une haute résistance aux maladies cryptogamiques, il est prudent, la première année de la plantation ou la première année du greffage, si on les multiplie rapidement de greffes, de traiter tous les vingt jours les jeunes pousses par la bouillie bor- delaise à 2 % de sulfate de cuivre ; on évite ainsi les invasions de maladies cryptogamiques provoquées par l'affaiblissement éprouvé par les hybrides à la suite de leur introduction dans un nouveau milieu souvent plus meurtrier que leurs pays d'origine. On leur permet ainsi d'aoûter plus complètement leurs premiers bois qui doivent former la charpente des futures souches. Les hybrides, comme toutes les plantes récemment obtenues de semis, sont sujets à des variations insensibles et continues qui modifient leurs caractères en bien ou en mal. Pour ce motif, il — 206 — est indispensable de ne multiplier que les bois des souches qui portent les plus belles grappes et qui sont à la fois les plus vi- goureuses et les plus fertiles. Pour obtenir avec les hybrides producteurs directs des récoltes très abondantes, pouvant s'élever à cent hectolitres à l'hectare, je recommanderai de planter les hybrides à rangs serrés, en lignes espacées de 1"^0 et de les mettre de 1"20 à i°30 dans le rang, suivant la vigueur de leur végétation. Les hybrides devront être cultivés ou à taille longue, d'après la méthode Guyot, ou à taille courte, à coursons, répartis sur une longue charpente, d'après la méthode de Royat. La vinification des raisins des hybrides ne demande pas, en général, plus de soins que celle de nos cépages français. On améliore le vin des hybrides en faisant fermenter tous leurs raisins en commun, ou en les mélangeant à la cuve avec des rai- sins de cépages français. On peut encore améliorer la qualité de leur vin, en ayant re- cours à remploi des pieds de cuve ou des levures. Les vins d'hybrides à jus coloré présentent une saveui partî- . culière provenant de l'excès de matière colorante qu'ils renfer- ment. On peut remédier à cet excès de couleur en laissant seu- lement un ou deux jours le vin fermenter au contact du marc. Des viticulteurs m'ont souvent demandé de leur signaler les hybrides producteurs directs qui conviennent le mieux à la ré- gion qu'ils habitent. La nature du sol, le climat du vignoble, la désignation des cépages cultivés et leur époque de maturité peuvent bien m'amener à choisir des hybrides de caractères analogues et venant bien dans les mêmes milieux ; mais il existe toujours un élément important qui échappe à mon appréciation, c'est l'influence directe exercée à la longue par le sol et le climat d'un vignoble sur la bonne tenue, la fertilité et les qualités des fruits d'un cépage, d'importation récente. Aussi je recommanderai à ces viticulteurs de procéder dans leur vignoble à l'essai en petit des producteurs directs qui paraissent devoir leur donner à priori le plus de satisfaction, et de cultiver ensuite plus tard, en grande culture, les hybrides qui leur auront donné les produits les plus rémunérateurs. » Rien, en effet, ne peut suppléer au temps pour résoudre les divers problèmes que soulève l'utilisation pratique de nouveaux «épages à production directe : il faut donc attendre. Tels sont, dans leurs lignes essentielles, les résultats acquis sur le terrain des producteurs directs. Quand on les rapproche des prémices posées au début, quand on mesure la distcmce qui j« — 207 — les sépare du but à atteindre, on est contraint de convenir, quoi- qu'on veuille, que tout reste encore en suspens ; que, si de grands efforts ont été faits auxquels il faut applaudir, la solution défi- nitive demeure incertaine et problématique : elle s'estompe pour ainsi dire dans un avenir nuageux et imprécis. Il semble qu'il en aille ici comme dans ces pays décevants du mirage où les objets s'enfuient et s'évanouissent alors qu'on les croit déjà toucher ou saisir. Je disais, au Congrès de Lyon en 1898, que la question des porte- greffes est close. Non pas que j'entendisse prétendre par là qu'il n'y ait rien à y ajouter, que tout y soit fini, parachevé et dé- finitif ; mais seulement que l'œuvre est résolue dans toutes ses parties, solidement assise sur des bases consacrées par le teipps. Si la question des porte-grefîes peut être considérée comme close, celle des producteurs directs reste ouverte. • Ce qui frappe le plus quand on l'étudié de près, avec impar- tialité et sans parti pris, c'est d'un côté l'incertitude, la confu- sion, les obscurités qui y régnent ; c'est d'un autre côté l'attitude toute de prudence, de circonspection et de réserve adoptée et con^ seillée par ceux-là mêmes qui l'ont le plus approfondie. Il faut relire les rapports de MM. Ganzin, Roy-Chevrier, Castel, se pénétrer des enseignements qui en découlent, s'arrêter aux conclusions qui en terminent le lumineux exposé. On verra comme tous s'accordent à prêcher la prudence. M. Ganzin d'abord : « L'impression qui se dégage de ce que « l'on peut constater à cette heure et de ce que je vous ai dit, a Messieurs, ne vous paraîtra peut-être pas aussi nette, aussi « encourageante que vous l'auriez désiré. Veuillez ne pas ou- a blier que, de la position d'un problème et de ses premières « données à sa satisfaisante solution, il y a toujours, lorsqu'il « faut mettre en jeu les forces naturelles, un écart, une distance, « un laps de temps considérables. Au regard de ceux-ci, la durée c< d'une vie d'homme, la série de quelques années compte pour « peu. Une génération pose les jalons ; le travail d'une ou deux a autres est souvent nécessaire pour atteindre le but. » M. Roy-Chevrier ensuite : « Les hybrides directs doivent être « essayés partout et plantés en grande culture dans fort peu « d'endroits... Abandonner la greffe maintenant que nous pos- « sédons les porte-grefïes les plus merveilleux, ce serait lâcher « la proie pour l'ombre, ce serait sombrer au port... Quand les a producteurs directs, hybrides futurs que je souhaite et que o j'attends plus que personne, auront amélioré réellement nos — 208 — « feuilles et nos racines sans changer nos raisins, comme goût « et comme volume, je veux être le premier à les acclamer et à t les propager sur les plus nobles coteaux. Mais, en attendant t ce beau rêve, je crois prudent de m'en rapporter à l'opinion de « notre vénéré doyen M. Gaillard, qui les connaît depuis long- « temps les producteurs directs : « Je suis -d'avis qu'on ne s'en- f la fin. elle peut devenir un danger. Pour les grosses productions, la pratique la plus commode consiste dans le repompage des moûts. L'emploi des pieds de cuves est un procédé excellent pour la grosse production. Il ne coûte rien ou presque rien, aussi je ne doute pas que son emploi devienne général. Le réglage des températures et notamment le rafraîchissement pour le Midi, constitue une pratique très peu onéreuse et suscep- tible de donner à elle seule l'amélioration maximum qu'il nous soit permis d'envisager pour nos vins courants. La plupart des viticulteurs manquant de base de comparaison, apprécient mal les résultats qu'on peut en obtenir. Ils se contentent d'en admettre le principe comme bon et en renvoient l'application soit aux Algériens, soit à leurs voisins. C'est une erreur dont l'in- telligence et l'amour du progrès de nos viticulteurs méridionaux auront bientôt fait justice. Que les constructeurs mettent à la dis- position de la propriété un rafraîchisseur pratique, facilement nettoyable et pas trop cher et son emploi ne tardera pas à se généraliser. Les cuvaisons courtes sont une pratique courante de nos vi- gnobles méridionaux. On évite par leur emploi les causes de maladies et les pertes d'alcool par le marc. M. Gayon nous a ensuite parlé des levurages de vendange pour l'amélioration des vins. Que le levurage soit fait avec ou sans stérilisation préalable plus ou moins hypothétique, pratiquement le résultat peut être considéré comme nul pour ne pas dire mauvais, ainsi que j'ai eu l'occasion de le constater dans différents cas. Mais ce qui importe le plus, ce qui domine toutes les considé- rations énumérées ci-dessus, c'est l'antiseptie au dernier degré et la préparation du milieu, de manière qu'il soit essentiellement propre et si possible exclusivement propre au développement du ferment essentiellement utile, la levure elliptique. Or, il a été reconnu par deux savants chimistes que l'acide sul- fureux empêchait le développement des organismes inférieurs, que le saccharompces apiculatus et le sacchaTomyces pastorianus sont tués par lui, que les levures les plus énergiques sont préci- sément celles qui résistent le mieux à son action. Il en résulte donc à première vue qu'une vendange de raisins blancs ou rouges traités par l'acide sulfureux n'entrera en fermentation que sous — 270 — raction des levures les plus énei^iQues et les meilleures. Gomme conséquence, on devra obtenir ainsi des vins de meilleure qualité et de meilleure conservation. Des essais dans ce sens ont été faits dans les dernières récoltes par M. Martinand, j'en ai fait moi-même en brûlant dans des foudres à vin rouge une mèche soufrée par muid de contenance. Les résultats ont été des vins parfaits, limpides et brillants au bout de quinze jours. La coloration qui paraissait faible au déçu- vage a vite repris la coloration normale après le premier souti- rage. Ces vins mis en observation, ont présenté les meilleures conditions de bonne tenue. Les foudres traités à Tacide sulfureux ont eu une fermentation plus régulière et moins d'échauffement. Avec le traitement à Tacide sulfureux, Tacidulation à l'acide tartrique est inutile. Ces essais répétés aux prochaines vendanges permettront de mettre la question tout à fait au point. Il en résultera ime pra- tique sûre et économique permettant d'obtenir le maximxmi de qualité et de sécurité dans la grande fabrication des vins courants ordinaires. Le traitement des vendanges à l'acide sulfureux donne le même résultat que l'ancien plâtrage en évitant ses inconvénients. On peut le considérer comme un plâtrage homéopathique. Dans la fabrication des vins blancs de raisins rouges, M. Gayon préconise l'emploi de l'aération seule. Je regrette vivement de ne pas partager son avis, La majorité des vins faits par ce procédé que j'ai dégusté (et ils sont nombreux), présentaient unp fausse couleur jaune et un faux goût de madère éventé. Je ne discute pas l'exactitude de la théorie de l'aération, mais comme en toute chose, son excès est un défaut. Dans le Midi nos meilleurs vins blancs d'Aramon sont obtenus par l'emploi simultané sur les moûts d'un peu d'air, d'un peu d'acide sulfureux et d'un peu de noir animal lavé. Il me semble que M. Gayon exagère un peu quand il compare l'emploi de 100 grammes de noir lavé par hectolitre de moût à remploi du permanganate par exemple. Pour les soins à donner au vin, M. Gayon nous conseille l'em- ploi, des : Soutirage ; Filtrage ; Collage ; Pasteurisation. Sans méconnaître les bienfaits de la pasteurisation, je déclare qu'elle est impraticable à notre grosse production de vin cou- rant. — 271 — C'est une opération longue et délicate, elle coûte plus de fr. 50 centimes Thectolitre, et finalement dans nos caves ces effets ne sont que relatifs par suite de la difficulté que nous avons h assurer une stérilisation suffisante de nos grands vases vinaires. Le collage et surtout le collage à la suite d'un traitement à Tacide sulfureux, sont presque dans tous les cas suffisants pour enrayer un commencement de maladie et assurer la conservation de nos vins. Toutefois dans le Midi où Ton vend les vins peu de temps après la récolte, le collage est plutôt une opération de commerçant que de propriétîtire. Il n'en est pas de même pour la filtration qui est avec remploi de Tacide sulfureux et le rafraîchissement la troisième opération qui .doit s'étendre et se généraliser à la propriété pour assurer raméliçratioi^ de nos vins. Au sens strict des mots, nous ne pouvons pas faire en grosse production des vendanges et des cuvaisons absolument propres, nos raisins sont toujours souillés d'une plus ou moins grande quantité de matières étrangères. Si nous ne pouvons pas trier ces corps de la vendange, il est important de limiter le plus possible leur effet nuisible et cela en les séparant du vin le plus tôt possible. Dans les années très favorables où la température se rafraîchit vite, le clairçage se fait rapidement et le public dit que c'est une année de bon vin. En filtrant les vins nouveaux 15 jours après leur décuvage, on séparera tous les corps étrangers, on évitera toutes les causes de maladie ou de décomposition et toutes les années seront bonnes. Pour rester dans la pratique, cette opération de filtration doit être rapide et peu onéreuse. Il faudrait admettre comme dans certaines caves bien organisées de l'Algérie que l'on pût filtrer par jour une quantité de vin à peu près égale à celle que Ton rentre en vendange. Il importe toutefois de bien observer que je n'entends parler ici que de ce que j'appellerai une filtration agricole qui n'a rien de commun avec la filtration commerciale, au brillant. La filtration agricole est un simple dégrossissement destiné à éliminer les corps étrangers en suspension et qui ne devra donner qu'une netteté et un brillant relatifs. Il est évident que la filtration que je viens de définir comporte remploi de filtres très simples et qui seront par suite beaucoup: moins onéreux que les gros filtres préconisés couramment. On doit obtenir des appareils coûtant la moitié ou même le tiers. Différents constructeurs s'occupent de la question, et des types — 272 — dans ce sens ont déjà été essayés par M. Caizergues, constructeur, à Béziers qui, je ne doute pas, résoudra le problème. Si sur un vin fait, l'emploi des filtres à Tabri du contact de Tair est indiqué pour éviter l'usure ou la piqûre, il n'en est pas de même du filtre destiné à dégrossir les vins nouveaux. Ici, le contact de l'air est à rechercher sans exagération toutefois, pour éviter la perte d'alcool. A ce point de vue les indications que vous a fournies M. Gayon sont nettes et précieuses : « Le bou- quet du vin s'exalte à la faveur de l'oxygène qu'il absorbe dans son passage à l'air, sa coloration se transforme et se fixe, les ferments de la tourne de l'amertume et de la graisse étant anaérobiés, c'est-à-dire vivant mal au contact de l'air disparaissent, l'action des oxydases s'épuise et s'atténue. » On ne saurait mieux justifier les raisons qui justifient l'emploi d'un filtrage à l'air libre. Telles sont en résumé l'ensemble de nos pratiques méridionales de vinification, elles ne détruisent en rien les savantes indications de M. Gayon, elles les limitent simplement, en tenant compte du côté économique de la question ; et c'est dans ce sens, je l'espère que M. Gayon voudra bien excuser les critiques de forme que j'ai pu paraître faire sur certains points de sa communication. M. Andrieu donne ensuite lecture de sa communication ainsi conçue : SUR LES MÉTHODES DtTABLISSEIEMT DE LA DENSITÉ DES lOUTS et de leur richesse saccharine Messieurs, Vous savez combien il est utile de pouvoir constater la richesse saccharine du moût pendant la maturité du raisin, ou encore lors- que la vendange va être soumise à la fermentation. Il existe, pour cette constatation du dosage du sucre, deux méthodes difiérentes : la méthode chimique basée sur l'emploi de la liqueur Pehling et pratiquée surtout dans les laboratoires, puis, la méthode physique appelée méthode densimétrique qui exige l'emploi d'une balance, ou, ce qui est préférable, du den- simètre de Gay-Lussac. La première demande une pratique des manipulations chimiques que ne possèdent pas tous les viticul- teurs, la seconde au contraire est à la portée de chacun de nous. — 273 — Lia seule opération qu'exige remploi du densimètre est de le plonger dans une éprouvette pleine de moût, de lire sur l'é- chelle la densité du liquide, et de faire la correction de tempéra- ture. Cette opération est rapide, facile, et fait comprendre pourquoi le procédé de dosage du sucre doit être recommandé. La densité du moût étant connue, il n'y a plus ensuite qu'à en déduire sa richesse saccharine, ce que l'on obtient en consultant une table spéciale. Messieurs, toute notre communication repose sur le mode de formation de cette table qui demande à être établie sur de nou- velles bases.. C'est sur cette table que repose toute l'exactitude du procédé, en admettant bien entendu que le densimètre a été cons- truit avec précision. Le moût est un mélange où l'eau entre au moins, en volume, pour les quatre cinquièmes, et où se trouvent en dissolution une quantité importante de sucre, 100, 200, 300 grammes par litre, et une quantité beaucoup moindre, 20 grammes par litre environ, d'autres substances qui se composent de bitartrate de potasse, de divers acides parmi lesquels l'acide malique surtou^ nuis,, de ma- tières azotées, minérales et ligneuses. Si le moût n'était que de l'eau sucrée, il serait facile, en con- naissant sa densité, de déduire le poids de snnv qu'il renferme p!ir litre. Cette densité étant alors en rapport avec le poids de sucre. En effet, la densité du sucre étant de 1.600, il en résulte que 100 centimètres cubes de sucre pèsent 160 grammes. Si l'on forme un !itre d'eau sucrée avec ces 160 grammes de sucre, nous aurons, la# densité de l'eau étant {aHh)' , Eau. 900 centimètres cubes 900 grammes Sucre. 100 — 160 . — Volume total, i litre, ou 1.000 centimètres cubes. Poids total, 1.060 grammes. Le poids d'un litre de ce mélanges étant de 1.060 grammes, sa densité est de 1.060. Puisque la présence de 160 grammes de sucre fait passer la densité de l'eau de 1.000 à 1 060, c'est-à-dire augmente la den- sité de 60 millièmes, il suffit de diviser le nombre de grammmes de sucre (160) par le chiffre supplémentaire de millièmes (60) pour obtenir au quotient le poids de sucre qui correspond à un millième de densité. Ce poids est de 2 grammes 666. • Une eau sucrée qui indique 1.100 de densité, par exemple, ren- ferme donc, pour 1 litre, un poids 'de sucre égal à 100x2,666, ou à 266 grammes 6. — 274 — Mais le moût n'est pas que de Teau additionnée de sucre, les autres substances qu'il renferme et que nous indiquions tout à rheure, dont Tensemble possède une densité assez élevée, 1.400 à 1.500, tendent à élever la densité du moût, et il faut tenir compte de l'influence que, par ce fait, elles excercent sur la densité. Cette influence des matières extractives autres que le sucre ne se manifeste pas d'une façon égale sur la densité du moût. Elle varie avec le cépage et davant£ige encore avec le degré de matu- rité du raisin. A mesure que la maturité est plus avancée, cette influence tend à s'affaiblir. Il serait donc nécessaire, dans la formation des tables qui indi* queraient les richesses saccharines du moût d'après les densités, qu'on tienne compte des cépages. Il n'en résulterait pas nécessai- rement autant de tables que ce qu'il existe de cépages, trois ou quatre au plus suffiraient pour les cépages dont les moûts se différencient le plus entre eux. Mais dans chaque table, l'influence des matières extractives devrait être calculée selon le degré de maturité des raisins, c'est-à-dire selon le chiffre de densité. La formation de ces tables n'offre pas de difficultés, elle ne de- mande que de l'exactitude. Elle devrait être le résultat d'un grand nombre d'essais sur les moûts des principaux cépages à leurs divers degrés de maturité. Chaque essai consisterait pour un moût quel- conque à prendre sa densité et à obtenir sa richesse saccharine par analyse chimique. Le poids de sucre étant alors connu, le chiffre de densité qu'il représente serait connu aussi. Ce chiffre serait ensuite déduit de la densité totale et la différence ferait connaître de combien les matières extractives autres que le sucre élèvent la densité du moût en expérience (1). Pour chaque principal cépage, et pour des points de maturité différents, on obtiendrait ainsi, après de nombreux essais, une série de moyennes qui formeraient les éléments nécessaires à Té* tablissement de tables dont l'exactitude serait alors très suffi- sante. Cette exactitude n'existe pas actuellement. Nous ne connaissons qu'une table des richesses saccharines du moût de raisin par rap- port aux densités, c'est celle de Salleron qui, telle qu'elle est, a rendu cependant de réels services jusqu'à ce jour. Salleron a formé sa table en englobant dans une seule moyenne l'action que les matières extractives exercent sur la densité des moûts, quels que soient les cépages et quel que soit le point de maturité du raisin, qui n'est autre que le chiffre de densité du moût. Cette moyenne de l'action de l'extrait, il l'estime qu'elle (1) Voir, pour plus de détails, notre notice: La maturité du raisin *f après le den- simHre, ctiez Coulet et fils, à Montpellier. 4900. — 275 — représente en densité 11 millièmes 25, ou, ce qui revient au même, qu'elle équivaut à la présence de 30 grammes de sucre par litre. Cette moyenne est trop élevée d'au moins 10 granames, surtout lorsque le moût provient d'un raisin mûr. Il en résulte que les richesses saccharines sont trop faibles d'au moins 10 grammes de sucre. La connaissance de la teneur en sucre du moût de raisin a aussi pour but et comme conséquence, de déterminer le titre alcoolique probable du vin à faire. On sait que 17 grammes de sucre par litre produisent par fermentation 1 % d'alcool ou 1"*. On n'a donc qu'à diviser, pour un moût donné, le nombre de grammes de sucre par litre par 17, pour savoir quel sera le titre alcoolique probable du vin à faire. Les chiffres des richesses saccharines de la table de Salleron étant trop faibles, il en résulte que ceux des richesses alcoolique^ sont trop faibles aussi et accusent le plus souvent en moins 0'*,6 en alcool, mais, hâtons-nous d'ajouter que ces erreurs ne s'appli- quent en ce sens, qu'à la vinification en blanc, c'est-à-dire lorsque le moût fermente en étant séparé du restant de la vendange. Pour la vinification en rouge qui s'opère au contraire en pré- sence des matières solides du raisin, peaux, pépins et rafles, qui ne contiennent pas de sucre, Salleron n'a pas tenu compte de l'eau de végétation qu'elles renferment. Dans celles-ci, toutes les cellules sont pénétrées par cette eau dont le volume n'est pas moindre de 8 à 10 litres par 100 kilogr. de vendange (1). L'apport de cette eau dans la cuve, eau qui se diffuse hors des cellules pendant la fermentation et y est remplacée par du vin, produit comme con- séquence l'affaiblissement du titre alcoolique. Personne n'ignore qu'à densité égale du moût le vin fait en rouge est moins riche en alcool que le vin fait en blanc, la diffé- rence peut atteindre le 10 %. n résulte de ces observations sur la vinification en rouge que les richesses alcooliques indiquées par la table de Salleron sont à la fois trop faibles, puisque les richesses saccharines sont trop faibles aussi et trop élevées dans un autre sens puisqu'il n'est pas tenu compte de l'effet produit par l'apport de l'eau renfermée dans les matières solides du raisin. Il arrive parfois que ces erreurs en sens contraire se compensent, surtout pour les vins à bas degrés, mais ce n'est qu'exceptionnel. Dans les nouvelles tables à dresser sur les richesses saccharines des moûts par rapport aux densités, il y aurait lieu d'établir er^ même temps les richesses alcooliques probables du vin à faire sur (1) Aimé Girard et L. Lindet. — Recherches sur la compositim des raisins des prin- €ipatu: cépages de France. Paris, 1895, Imprimerie Nationale. — 276 — deux colonnes différentes ; Tune pour la vinification du moût eu blanc, l'autre pour la vinification du vin en rouge. Il serait nécessaire à cet égard de faire dans les principaux vi gnobles et pour les principaux cépages, de nombreuses expé- riences sur Taffaiblissement du titre alcoolique des vins rouges dû à la présence des matières solides du rdsin, en tenant compte en même temps de la durée du cuvage. Tout ce travail étant fait, on pourrait dresser des tables de den- sités qui donneraient des chiffres très approximativement justes, soit sur la richesse saccharine des moûts, soit sur les richesses alcooliques probables du vin à faire en blanc, ou en rouge. Mais qui devrait se charger de ces exuériences aboutissant à la préparation et à la formation de ces tables? Nous ne voyons que le Ministère de l'agriculture, car il dispose à Paris et dans les vignobles de nombreux laboratoires d'œnologie dirigés par de distingués chimistes. ,Lui seul pourrait donner Tuniformîté nécessaire aux méthodes à employer pour ce genre de travaux et leur imprimer le cachet de science exacte et désin- téressée qu'elles doivent posséder. En résumé : Le viticulteur pour doser le sucre de ses moûts ne peut se ser- vir facilement et promptement que de la méthode densimétrique, dont l'application demande quelques perfectionnements. L'Etat mieux que personne peut réaliser ces perfectionnements dans des conditions d'exactitude suffisante. Nous nous permettons en conséquence de vous soumettre. Mes- sieurs, le vœu suivant : La Société des Viticulteurs de France et d'Ampélographie, dans sa séance du 15 juin du Congrès international de viticulture à l'Exposition Universelle de 1900. Considérant que la méthode densimétrique pour le dosage du sucre dans les moûts de raisin est la seule qui soit .pratique et facile pour les viticulteurs. Que cette méthode demande à être appuyée de tables plus exac- tes que celles qui existent. Que la préparation de ces tables doit se faire dans les divers pays vîtîcoles dans les mêmes conditions d'uniformité pour les moûts des principaux cépages. Emet le vœu que le Ministère de l'agriculture veuille bien sa charger de la préparation méthodique de tables qui feraient con- naître la richesse saccharine des moûts de raisins d'après leur den- sité ainsi que les richesses alcooliques probables des vins à faire oui correspondent à ces densités. , — 277 — Ce vœu est émis à une majorité faible, la voix de l'orateur se faisant difficilement entendre et peu de membres ayant pu suivre toute sa conununication. M. LE Président. Je vous rappelle, Messieurs, que demain doit avoir lieu une séance intéressante à laquelle je vous invite à assister. M. LE Président rappelle également à MM. les membres du Congrès de se faire inscrire pour assister au banquet qui doit avoir lieu le 17 juin. Ces réunions, dit-il, établissent toujours beaucoup de fraternité et d'intimité, et j'espère que nous serons en grand nombre à ce banquet (Vifs applaudissements). L'ordre du jour est épuisé et la séance est levée. (La séance est levée à 4 h. 30). SÉANCE DU SAMEDI 16 JUIN Présidence de M. TISSERAND, La séance est ouverte à 2 heures 1/2. A l'ouverture de la séance, M. Nicoleano (Roumanie) dépose sur le Bureau du Congrès un certain nombre d'ouvrages dont il est Tauteur : « Introduction à Tampélographie roumaine ; — Lutte contre le phylloxéra en Roumanie ; — Etat de l'arboriculture en Rou- manie. » M. LE Président exprime à M. Nicoleano tous les remercie- ments du Bureau et du Congrès pour cet hommage d'ouvrages qui présentent le plus sérieux intérêt. Il est heureux d'annoncer publiquement à M. Nicoleano que la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie lui a décerné, pour ces travaux, un grand diplôme d'honneur. (Applaudissements,) Au nom de la librairie Félix Alcan, M. Henri Paulin dépose également sur le Bureau du Congrès les ouvrages suivants de M. Adrien Berget : « la Viticulture nouvelle ; — la Pratique des vins ; — les Vins de France. » M. LE Président remercie ensuite M. le docteur Charrin, — 278 — professeur à la Faculté de Médecine de Paris et au Collège de France, d'avoir bien voulu remettre à la Société des Viticulteurs de France un rapport sur le vin et l'hygiène, et le prie de fournir à rassemblée, s'il lui est possible, quelques renseignements com- plémentaires. Rapport de M. le D'^ GHARRIN LE VIN ET L'HYGIÈNE PREAMBULE Depuis quelques années, un mouvement anti-alcoolique se -dessine d'une façon de plus en plus manifeste; ce mouvement vise les liqueurs, les boissons fermentées, par suite le vin ; au nom de l'hygiène on mène une véritable croisade ; on déconseille, on proscrit à outrance. Les choses ont pris de telles proportions que, les intérêts de la santé mis à part, ceux de la viticulture ne sauraient demeurer étrangers aux discussions que soulève un semblable débat. Dans ces conditions, il nous parait nécessaire de rechercher quelles oscillations a subies la consommation de l'alcool, d'exsr miner si les prétendus progrès de cetj;e consommation sont réels, dans quelle mesure ils s'effectuent, quelles en sont les consé- quences au point de vue social, pathologique, hygiénique, etc. Puis, ces considérations résolues, pour répondre d'une façon plus étroite à la question posée, il conviendra d'examiner la nature des agents, des produits utilisés et de préciser le rôle joué par le vin. CHAPITRE PREMIER Aperçu historique. Au demeurant, le sujet qui nous occupe n'est pas nouveau. Sans remonter au déluge, bien que la légende de Noé nous invite ^ le faire, on sait que les Grecs et les Romains ont connu l'ai- i »:^1 ■ 4 ■ ' T, H • 11 t-'i — 279 — coolisme ; pour combattre ce mal assez répanâu, Lycurgue donnait en spectacle aux Spartiates des ilotes qu'on avait fait enivrer. A dire vrai, de nos jours, bien des citoyens offrent spontanément ce même spectacle, sans que leur aspect provoque du dégoût : je procédé de Lycurgue a perdu la plus grosse part de son effi- cacité. A Athènes, Solon punissait les marchands qui au vin n'ajou- taient pas une certaine proportion d'eau, tandis qu'aujourd'hui on poursuit ceux qui « mouillent » (Debove). ';îf Dans l'ancienne Rome, on défendait aux femmes l'usage du '^ vin ; les hommes semblent avoir voulu préserver le sexe féminin de cette boisson ou exiger de ce sexe la pratique de vertus trop difficiles pour eux. j Plus tard, sous l'empire romain, les excès de toute sorte se i| développent; Horace décerne au faleme les plus grands éloges et le nunc est bibendum est un chant souvent répété. A l'époque de Pétrone, les repas durent de longues heures; au besoin on avait recours au vomissement pour libérer l'estomac et introduire de nouveaux aliments. ::i Chez les Arabes, grâce à la sagesse du prophète, l'alcool n'est .^ pas consommé ; par malheur, de nos jours, l'oubli du Coran a conduit plus d'un d'entre eux, au contact des civilisations, à méconnaître les utiles principes de Mahomet : les statistiques algériennes ont à ce sujet une indéniable éloquence ! En Europe, en France, dès le temps de Charlemagne, on trouve des édits destinés à réprimer les abus. Au moyen âge, en 1300, Arnaud de Villeneuve, en distillant du vin, obtient de l'eau-de- ^^ vie, substance qui, d'après lui, mérite son nom, car « elle prolonge les jours, dissipe les humeurs peccantes ou superflues, ranime le cœur, entretient la jeunesse ». Il faut pourtant reconnaître que, T% grâce aux abus, aux falsifications, cette expression ne répond malheureusement pas toujours à la vérité ; néanmoins, il est permis de trouver excessifs les reproches formulés par Gladstone. « L'alcool, dit le grand Old Man, fait de nos jours plus de ravages que les trois fléaux historiques : la famine, la peste, la guerre. Plus que la famine et la peste, il décime ; plus que la guerre, il tue ; il fait plus que tuer, il déshonore. » Des progrès de l'agriculture, la multiplication, les facilités des moyens de transport feront disparaître la famine ; la peste sera vaincue par la médecine ; la guerre demeure la honte du genre humain, bien que parfois elle permette à quelques héroïsmes de se mettre en évidence : quant à l'alcoolisme, c'est un mal dé- gradant. •■i V'i >A À — 280 — A répoque de la Renaissance, le culte de Bacchus tenait quelque place à côté de celui des lettres et des arts 1 Rabelais célèbre les longues beuveries ; Grandgousier, en naissant, réclame à boire, et Gargantua s'adonne aux plaisirs de la table. La généralisation des excès amena François I*' à signer une ordonnance qui valait mieux que l'exemple qu'il donnait : « Qui- conque sera trouvé ivre, sera incontinent constitué prisonnier au pain et à l'eau pour la première fois. — Si secondement il est repris, sera, en outre, battu de verges et de fouet, puni d'anriputa- tion d'oreilles, d'infamie et de bannissement de sa personne. » Une des grandes causes du développement de l'alcoolisme tient à la découverte de Libavius de Halle, qui, à la fin du xvi* siècle, en Saxe, démontra qu'il est possible de fabriquer de Teau- de-vie, sans user du vin, en faisant fermenter du grain, des fruits sucrés ou amylacés : Talcool, industriellement préparé, allait être placé à la portée de tous. Cependant, jusqu'à Louis XIV, les abus furent assez restreints ; seuls les pharmaciens avaient le droit de vendre cette eau-de-vie : c'est un édit de 1678 qui accorda à tout marchand ce droit de vente. Il est à remarquer qu'avant le xviii* siècle, ce sont surtout les moralistes, les législateurs qui se soucient de la question ; il faut arriver en 1730 pour voir les médecins se. préoccuper avec insis- tance d'alcoolisme, et encore visent-ils le plus souvent les accidents aigus, tandis qu'à l'heure présente, avec Lancereaux, Magnan, Laborde, Legrain, Motet, Riche, Joffroy, Servaux, Sérieux, Boissier, Anthéaume, Lannelongue, Debove, Jaquet, Ruyssen, etc., on étudie plutôt les désordres chroniques. Il est même juste de proclamer que le côté prophylactique, que la cure, que le traite- ment social, que la guerre à l'alcoolisme, plus que toutes autres considérations, depuis quelques temps hantent les esprits ? CHAPITRE II La consommation de l'alcool dans le présent* Les progrès de la consommation, en matière de liqueurs et de certaines boissons, ne justifient que trop, soit les préoccupations de ces différents auteurs, dont la liste est, à coup sûr, fort incom- plète, soit les efforts des diverses sociétés en vue de restreindre le mal. Aujourd'hui, la part de la France s'élève, par an, à deux _ 281 — millions d'hectolitres d'alcool ; c'est du moins le chiffre officiel, en général inférieur à la réalité, en raison d'une série de fraudes plus ou moins variées. Du reste, encore est-il nécessaire de remar quer que, pour établir ce chiffre, on ramène l'alcool à 100**, attendu que c'est le seul moyen de comparer exactement ce qui se passe dans les différents pays, comme aussi de faire le total de l'alcool ingéré grâce aux diverses boissons en usage. Mais, cette remarque formulée, il importe de déclarer que cet êdcool ingéré a pour titre moyen 40 : il convient donc de porter cette quantité à cinq millions. D'ailleurs, depuis longtemps un accroissement continu se pour- suit ; il est aisé de s'en rendre compte en consultant lés statis- tiques, à la vérité plus ou moins exactes, dressées par tête d'in- dividu : En 1850, la France consomme, par habitant, i Ut. 46 En 1860, — - — 2 lit. 27 En 1880, — — - 3 lit. 64 En 1895, — — — 4 lit. 07 En 1896, — — _ 4 Ht. 19 Il y a plus. — Si on ajoute certaines boissons fermentées, on constate qu'annuellement, par personne, cette consommation comporte 25 litres de bière, 18 litres de cidres, 79 de vin, pro- portions qui représenteraient, en raison des titres ou des dilutions, 10 d'alcool. Dès lors, si on établit les rapports, on est autorisé à soutenir que chaque année, en s'en tenant bien entendu aux moyennes, un Français ingère environ 14 litres d'alcool à 100. A dire vrai, il n'y a pas uniformité sur tout le territoire ; sui- vant les zones on enregistre des variations assez marquées. La dose la plus faible est celle des habitants de la Haute-Savoie, lit. 60, et, dans ce département, c'est le village de Douvaine qui fournit le chiffre le moins élevé : lit. 04. Par contre, on trouve dans la Seine, 6,5 d'alcool pur, dans le Calvados, 8,1, dans l'Aude, 2,8, et, pour la ville d'Eu, 21 litres. Pourtant, ces renseignements sont, à l'heure actuelle, au-dessous de la vérité, car je les emprunte au remarquable rapport du sénateur Claude, des Vosges, rapport qui date de 1885. Or, en pareille matière, il importe de tenir compte du moment, attendu que, suivant les périodes, les doses utilisées varient singulière- ment. On voit, du reste, le nombre des débits, des cabarets, osciller dans le même sens et faciliter cette consommation : En 1830, il y avait en France 281.000 cabarets En 1890, — - 413.000 — En 1897, — — 500.000 — — 282 — Dans le département du Nord, on compte un cabaret pour 46 habitants ou pour 15 adultes, dans la Seine-Inférieure, 1 pour 70 ou pour 22 adultes ; à Paris, ce nombre atteint 33.000, soit i par 3 maisons : Loiseau a insisté sur cette progression. Encore convient-il d'ajouter à ces chiffres certains bars, des débits clan- destins (fruitiers, épiciers, etc.). Voici, d'autre part, l'ordre imposé aux diverses nations euro- péennes, quand on se base sur la consommation par tête : Litres à 100* par babiUDt. France .' 14 Belgique 10.50 Allemagne 10.50 Angleterre '. 9.25 Suisse 8.75 ItaKe 6.60 Hollande 6.25 Etats-Unis 6.10 Suède 4.50 Norvège 3 Canada 2 L'augmentation depuis un demi-siècle a été assez rapide, du moins dans certains pays : Années Litres à 100<» France 1850 1.46 — 1860 2.27 — 1880 3.64 — 1895 4.07 — 1896 4.19 Belgique 1835-1840 3.6 — 1893-1894 4.7 Chez d'autres peuples, cette consommation se montre plus ou moins stationnaire : Hollande 1841 4.4 — 1876 6 — 1891 4.4 Angleterre 1852 2.8 — ' 1894 2.2 Italie 1880 0.85 — 1891 0.35 * Il est enfin des nations plus heureuses, qui voient la quanti d'alcool utilisée suivre une marche décroissante : Allemagne 1887 8.2 — 1894 4.4 Suisse 1878 5.2 — 1894 , 2,9 Etats-Unis 1860 .'. 5.75 — 1893 2.86 On voit qu'en présence des ravages exercés, des augmentatio malheureusement indéniables, il existe quelques résultats plei d'espérance ; ils sont la conséquence d'une série d'efTorts privi de l'entrée en lice de différentes ligues, d'associations anti-< cooliques ; dans certains pays, l'intervention des pouvoirs publî a fourni un heureux concours. CHAPITRE ni Quelques conséquencee pathologiques ou sociales. La France compte beaucoup d'ivrognes ; on n'y renconl reusement oeu d'alcooliaues. » heureusement peu d'alcooliques il est douteux que cette phrase, extraite du rapport adres à l'Académie sur les travaux de Magnus Hûs, ait pu être, à u époque cpielconque, l'expression de la vérité ; ce qui est certai c'est qu'au] ourdhui elle exprime une parfaite erreur. Chacun saisit, entre ces deux catégories d'intempérants, d différences fondamentales. L'ivrogne, & la rigueur, peut ne p être alcoolique ; il lui suffit de pécher discrètement et d'être re tivement sobre dans l'intervalle des excès ; il est, d'autre pa: possible que l'acoolique vrai n'ait jamais perdu la raison. Poi tant, même dans ces conditions, il n'est pas rare de voir les réi tions s'éteindre, les facultés s'émousser, les stigmates (hypen thésie cutanée, crampes, fourmillements, rêves, cauchemai troubles digestifs, etc.] s'installer, les résistances organiqu faiblir, jusqu'au jour où se développe une des maladies q guettent l'intempérant : les plus communes ne sont autres que polynévrite, la paralysie générale, l'accès de délirium tremei l'aliénation mentale ,etc. — 284 - Dans d'autres circonstances, ce sont les troubles psychiques qui prédominent. C'est ainsi que, dans le département de la Seine, la proportion des alcooliques, parmi les aliénés du sexe masculin, donne 38 % et 12 chez les femmes. Il va de soi que, chez ces sujets, on décèle fréquemment Tinfluence héréditaire, la tare neuro-patho- logique : le poison joue alors le rôle de cause occasionnelle. L'alcoolisme, sans doute en altérant la responsabilité, conduit aussi à la criminalité ; pendant une période déterminée, la moitié des délits condamnés par le tribunal correctionnel de Bâle ont été commis tant au cabaret qu'à la sortie, aux environs. Si, inver- sement, cette consommation fléchit, les délits suivent le même mouvement. En Suède, par exemple, de 1830 à 1834, alors qu'on utilisait, par tête, 23 litres, on a compté d'assez nombreux homi- cides et 2.281 vols ; de 1875 à 1878, on voit cette proportion se ré- duire à 5 litres, pendant que ces homicides ne dépassent pas 18 et ces Vols 1.871. En Norvège, à 5 litres correspondent 294 crimes, qui s'abaissent à 180, quand on ne boit plus, par habitant, que 2 lit. 5. L'appareil respiratoire subit le contre-coup de cette intoxication ; la laryngite chronique n'est pas rare, pas plus que du côté du tube digestif, la gastrite avec pituites matinales, l'entérite, la cirrhose, etc. Pourtant l'expérimentation, entre les mains de Laborde, de Straman, de Pupier, d'Afanassiew, de Laffitte (1) n'a pas toujours réussi à reproduire ces lésions ; Audigé, Dujardin-Beaumetz, de Rechter, puis Straus et Blocq, Martens (2), en dépit d'ingestions d'alcool longtemps poursuivies, sont à peine parvenus à obtenir un début d'infiltration embryonnaire dans les espaces portes. Quelques-uns, il est vrai, ont été plus heureux ; toutefois, ils ont le plus habituellement introduit leurs produits par la voie intra- veineuse, qui n'est pas celle de la pratique. Le système circulatoire est ordinairement fortement endom- magé ; l'artério-sclérose en se diffusant fait pénétrer le mal un peu partout, dans le myocarde, le rein, etc., d'autant qu'au point de vue de la nutrition générale l'alcool réchauffe peu, fournit un mauvais aliment, un excitant médiocre, etc. Les cellules de la reproduction n'échappent pas à ces tares et les attributs toxiques se font sentir jusque dans les descendances ; Mairet et Combemale ont porté cette question sur le terrain, expé- rimental. Plutarque a, du reste, donné à ce sujet d'excellents conseils : « Ceux qui veulent approcher de femme pour engendrer le doivent faire ou du tout ou à jeun, avant que d'avoir pris du (i) Laffitte, Tbèfte de Paris. (2) Voir Académie de Médecine de Bruxelles et Archives Pharmacodyn. 18A5. -, 285 -. vin, ou, pour le moins, après ei avoir pris modérément, par ce que ceux qui ont été enfantés dt pères soûls et ivres deviennent ordinairement ivrognes, suivant que Diogène répondit un jour à un jeune homme débauché : « Jeune flls, ton père t'a engendré étant ivre ». D'ailleurs, Molière place les paroles suivantes dans la bouche de Sosie, un des personnages de TAmphytrion : Les médecins disent, quand on est ivre, Que de la femme on se doit abstenir, Et que dfims cet état i} ne peut provenir Que des enfants lourds et qui ne sauraient vivre. Chez les alcooliques, Arrivé (1) a montré la fréquence de la stérilité, des avortements, de la morti-natalité, etc. Il s'agit là, d^accidents qui dérivent d'une façon générale de l'intoxication externe, interne ou microbienne : les expériences que j'ai lon- guement poursuivies à ce sujet, avec Gley, ne laissent sur ce point aucun doute. De plus, en dehors de l'idiotie, de l'iinbécillité, des vices de conformation, des névroses, etc., chez de tels rejetons on observe une foule d'anomalies que j'ai analysées de mon mieux (2). — J'ai établi que leur taille, leur croissance, leur poids étaient habi- tuellement insuffisants ; or, pour l'espèce humaine, Dubois (3) a montré qu'aux conseils de révision il y a plus d'ajournés depuis qu'on boit plus d'alcool. D'un autre côté, chez ces descendants de générateurs intoxiqués, l'absorption, l'assimilation se révèlent défectueuses ; l'élaboration de la matière est imparfaite ; le kilo- gramme d'animal vivant rayonne par une surface de 7 à 9 déci- mètres carrés, tandis que, chez les nourrissons sains, cette surface se réduit en moyenne à 6 : la déperdition de calorique est donc plus prompte. Or, sous peine de mort, l'organisme doit maintenir sa température à un niveau déterminé *, par suite cette déper- dition exige une thermo-génèse plus active, et, comme le com- bustible absorbé en plus faible quantité est moins bien brûlé, les cellules, pour suppléer à ces inconvénients, sont vouées à un surmenage fatal. Aussi, conformément à ce qui se passe après tout surmenage, l'alcalinité humorale s'abaisse, l'état bactéricide fléchit, les germes s'installent plus aisément. — Callier (4), Renault, étudiant ces dépréciations de l'économie, ont exposé avec soin les rapports de la tuberculose et de l'alcoolisme; c'est en prépa- rant le terrain, c'est-à-dire en engendrant des tares dont les défeo* (!) ArriTé, Thèse de Paris 1900. (S) Charrin, Académie Sciences, ISns et 1899. (3) Tbèse Paris, 1900. (4) Callier, Thèse de Paris 1899. — 286 — tuosités nous sont actuellement connues, que cet empoisonnement ouvre les portes aux bactéries : il ne s'agit nullement d'une action directe, d'une exaltation du virus. Ainsi les troubles déterminés sont à la fois variés et nombreux ; l'influence de l'alcoolisme sur la mortalité et la morbidité est des plus manifestes ; si quelque doute persistait, pour s'en convaincre il suffirait de jeter un coup d'œil sur le rapport de Tatham. Il n'est, du reste, pas nécessaire de se livrer à de longues démonstrations pour comprendre Iç mécanisme de pareils effets. La plupart des affections, surtout les processus parasitaires, dé- pendent du degré de résistance que présente l'organisme ; or il n'est pas un appareil, pas un tissu que l'alcool laisse indemne. Il est clair que ces désordres de l'alcoolisme doivent se ren- contrer de préférence chez les hommes; une statistique dressée dans différents hôpitaux de Paris (Hôtel-Dieu, Laennec, Cochin^ Tenon, Saint^Louis, Saint-Antoine, Andral, Boucicaut, Beaujon, Lariboisière, Bicêtre, la Salpétrière, etc.) donne sur 1.541 fenmies, 147 alcoolisées, soit 9,53 % ; mais cette proportion est inférieure à la vérité. — Dans ces statistiques, s'il s'agit de malades hospi- talisés, cette proportion s'élève à 45 %, et seulement à 24^ si on ne vise que les consultants : il est juste de dire qu'en pareille ma- tière la sincérité est chose rare. A côté des femmes, des hommes faits, plus ou moins entraînés suivant les professions (cabaretiers, brasseurs, marchands de vin, cochers, cuisiniers, tonneliers, etc.), nous avons le regret de si- gnaler les enfants. Déjà, traversant le placenta, l'alcool d'une mère éthylique a la possibilité d'aller détériorer les tissus du fœtus (1) ; il peut en être de même chez la nourrice, dont le lait élimine ce produit. Plus tard, dans les classes pauvres, la promiscuité, l'exemple, pour ainsi dire, la contagion interviennent ; puis, quand le jeune homme entre à l'atelier, ses camarades l'entraînent: à cet égard, du Hamel (2) a nettement exposé la question. CHAPITRE IV Les produits toxiques. Au point de vue de la quantité ou de la qualité, les produits absorbés offrent de grandes variations', mais tous contiennent de (1) Nicloux, Académie Sciences, 1900. 2) Thèse de Paris, 1900. — 287 — Talcool, principe de plus en plus considéré comme le plus im- portant des éléments toxiques des boissons visées. Il est vrai que, tandis qu'en Allemagne, en Angleterre, c'est ce principe qu'on accuse, en France, divers auteurs, et parmi eux des meilleurs, incriminent ce qu'ils appellent des impu- retés, des aldéhydes, des éthers, des essences, du furfurol,' ou, pour certaines liqueurs, l'absinthe, l'hysope, le fenouil, poisons épileptisants, l'anis, la badiane, l'origan, la menthe, substances stupéfiantes. On conçoit la portée de cette divergerice ; pour <5eux qui professent cette opinion des impuretés, il suffit de rec- tifier l'alcool, de le débarrasser de ces éléments secondaires, pour le rendre inofîensif : de là cette notion, il est vrai discutable, «'est que l'excellent vin, le bon cognac ne déterminent aucun mal. En réalité, l'alcool même le plus pur demeure capable de faire naître des symptômes ou des lésions ; on arrive bien vite à s'en persuader quand on administre à des animaux, durant des se- maines ou des mois, quelques centimètres cubes des différentes variétés. Dans ce nombre, l'amylique paraît moins bien toléré que l'éthylique qui, à cause de sa provenance, tient le premier rang. A la vérité, pour ces subtanoes, de même que pour les autres poisons, dans l'appréciation des résultats il est nécessaire de compter avec une foule de facteurs. — La dose naturellement a sa valeur, et si on ne dépasse pas telles proportions, surtout si la dilution est suffisante, on réalise les conditions qui, d'après cer- tains auteurs, permettent d'admettre, dans quelque mesure, les éloges décernés jadis à certains produits alcooliques réputés propres à nourrir, à réchauffer; ce sont, d'ailleurs, ces éloges qui manifestement exagérés ont servi de base à ce que Legrain dénomme l'alcoolatrie thérapeutique, une des modalités hypo- crites réalisées par les propagateurs de ces substances, dont un usage bien entendu peut cependant avoir du bon : toute erreur n'a-t-elle pas sa part de vérité ? La lenteur ou la rapidité de l'ingestion doivent aussi être prises en considération. Avec des volumes massifs de furfurol, d'aldéhydes, etc., on engendre des phénomènes aigus, alors que ces corps distribués en quantités minimes, progressives, d'après Joffroy, sont assez bien tolérés. Est-il besoin de mentionner la part de la porte d'entrée? Que d'auteurs ont usé de l'injection intra-veineuse, voie aisée à cri- tiquer pour qui se préoccupe de la pratique, de la clinique. — On a également tort bien souvent de ne pas observer assez long- temps les sujets mis en expérience ; les tares enregistrées par — 288 — les médecins se développent habituellement d'une façon chro- nique, et que de fois on oroclame inofîensif un élément qu'on regarderait comme nuisible, si on avait prolongé Tobservation. La dilution joue évidemment un rôle ; mais il est à remarquer que si les essais pratiqués avec de Talcool plus ou moins concentré, avec dés liqueurs, des essences, des bouquets, etc., sont des plus nombreux, les tentatives poursuivies en se servant des bois- sons fermentées, en particulier du vin naturel, sont assez rares. — Avec le professeur Viala, utilisant des produits tels qu'ils sont consommés (eaux-de-vie), j'ai à cet égard commencé quelques recherches qui demandent à être continuées ; I nous nous sommes servis de la voie digestive introduisant, en moyenne et par jour, des doses correspondant, pour l'homme, à 5 ou 6 petits verres. Or, dans ces conditions, nous avons pu observer des débuts de modifications cellulaires au niveau des îlots hépatiques, sans trace de sclérose ; ce sont plutôt les alcools de cabaretiers, des produits réputés inférieurs, marquant 39, qui ont paru pathogènes. CHAPITRE V La part des liqueurs. — Lç rôle du vin. Chose tout au moins singulière I le développement de l'al- coolisme, dans une large mesure, a suivi une marche dont les allures ont paru aller à rencontre de l'évolution de la crise phyl- loxérique, de la disparition des vignes : c'est que, pendant que la production du vin fléchissait, l'utilisation des liqueurs subissait un accroissement considérable. D'un autre côté, on est amené à reconnaître, par les statis- tiques dressées en tenant compte de la consommation des bois- sons alcooliques, que cette consommation porte de préférence sur les départements de la Seine-Inférieure, de la Somme, de l'Aisne, de la Mayenne, de l'Eure, du Calvados, du Pas-de-Ca- lais, du Finistère, du Nord, c'est-à-dire sur ceux qui ne produi- sent pas de vin. Les chiffres, à cet égard, ont leur éloquence ; c'est ainsi que, pour la fabrication de l'absinthe, les quantités d'alcool emplo- yées, qui étaient en 1881, de 25 hect., ont atteint, en 1892, 129; d'autre part, en 1898, à Paris, on a vu la consommation du vin — 289 — s'abaisser de 400,000 hect., pendant qu'un supplément dans le débit absinthique venait malheureusement combler ce déficit. Du reste, sur les causes de ce déficit les enquêtes médicales fournissent d'utiles renseignements. — Des 41 malades compo- sant, en 1899, une salle de l'hôpital Tenon (Le Gendre), 24 étaient alcooliques ; de ces 24, 15 absorbaient quotidiennement des doses répétées de cette fameuse liqueur verte, jusqu'à 5 et 6 par jour ; 9 en prenaient de temps en temps ; aucun ne limitait sa consommation au vin pur. Une autre statistique plus importante livre des données ana- logues. Sur 639 personnes hospitalisées, 58 boivent uniquement du vin, 68 du vin associé à des liqueurs ; 191 ajoutent de l'absinthe et 322 font des mélanges de plusieurs prétendus apéritifs ! Il n'existe plus guère que deux ou trois professions, les déména- geurs par exemple, demeurées fidèles au jus de la treille I En présence du flot montant de l'alcoolisme, il serait aisé de multiplier ces statistiques, grandes ou petites, mais les résul- tats varient peu. Sans doute, on décèle quelques nuances relar tives au sexe ou à Tâge, bien que les femmes ou les enfants, comme nous l'avons vu, ne soient pas absolument indemnes ; sans doute encore quelques influences dépendent des professions ; néanmoins, le coupable le plus habituel n'est pas le vin qu'on charge pourtant si communément des péchés d'Israël I Lorsqu'on effet on examine les choses de près, sans parti pris, on reconnaît que le mal doit surtout être attribué à d'autres éléments. Il suffit, d'ailleurs, pour s'en convaincre, de comparer, au point de vue clinique, les troubles aigus ou chroniques provo- qués par l'alcoolisme vinique rappochés de ceux que cause l'intoxication par les liqueurs. — Le plus fréquemment, le soir des jours de fête, l'ivrogne des pays à vignobles chante tout en titubant; il se montre gai, aimable, généreux; au contraire, le buveur des grandes villes, des régions sans raisin, apparaît renfermé, sombre, taciturne ; le premier tardivement aboutit à une gastrite, à une cirrhose ; le second, en dehors des lésions digestives, offre bientôt des polynévrites, des signes qui pré- sagent l'aliénation mentale ; d'un autre côté, c'est surtout chez lui qu'on observe ces tares concernant la reproduction, la santé des rejetons ! C'est également surtout chez lui qu'on assiste à cet effon- drement des défenses de l'organisme, si souvent accompagné de la disparition des qualités morales ! A l'intoxication venue du dehors s'ajoute bien vite une série de désordres auto-toxiques secondaires, conséquences des altérations viscérales engendrées par les substances ingérées ! 10 — 290 — En présence de ces constatations, le vin peut-être, en raison de son ancienneté, a été particulièrement incriminé; mais un examen approfondi montre qu'il ne mérite pas toutes ces attaques. Quand on précise, on s'aperçoit promptement qu'il faut accuser des liquides nouveaux venus, qui se multiplient chaque jour, dont toutefois le plus important, l'absinthe, a tôt fait d'ac- quérir une réputation des plus étendues 1 Il y a plus. — L'homme, en particulier l'homme qui travaille mécaniquement, qui vit au grand air, a besoin ou croit avoir be- soin d'un excitant. Sans doute, on pourrait discuter sur la réalité de ce besoin, plus encore sur la nature des éléments (vin, alcool), habituelle- ment réclamés pour lui donner satisfaction ; sans doute, il y aurait lieu de rechercher s'il s'agit là d'une influence dérivant de l'éducation, des habitudes sociales ou d'un véritable secours exigé par l'organisme défaillant, puisant un réconfortant dans les principes minéraux ou les composés azotés qui entrent dans la constitution des produits viniques. A cet égard, en effet, il n'est pas difficile de rappeler différents éloges discutables. Heinrich Singer, en particulier, soutient que de faibles pro- portions, comme celles qu'on trouve précisément dans les vins, même dans les plus chargés, dans les plus riches, dans les crus de la Bourgogne, augmentent l'activité respiratoire, le volume d'oxygène utilisé (1) ; Vendelstadt aboutit à des conclusions ana- logues (2) ; Scheffer voit dans cette boisson un excitant du tra- vail musculaire, surtout si l'ingestion dure peu de temps (3) ; Neumann, de son côté, estime que la nutrition doit en retirer un certain bénéfice. On pourrait, d'ailleurs, mettre en relief le rôle des corps azotés, des composés minéraux, peutrêtre même de quelques matières colorantes qui se rencontrent dans ces liquides ; on pourrait dresser une longue liste de recherches favorables à l'action des boissons viniques employées avec discrétion, de même qu'il est aisé de prendre en quelque sorte l'opinion adverse de citer des études relatives aux méfaits des fortes doses : nous nous bornons à ces quelques données toutes récentes. Quoiqu'il en soit, les faits sont acquis ; l'ouvrier demande son stimulant, et la chose est si impérieuse qu'en dehors de quelques abstinents d'un rigorisme absolu, les partisans les plus déclarés de la lutte contre l'alcoolisme inscrivent telles liqueurs fermen- (1) Arch. int. de Pharm. et de ThérHp , 1900. (2) Arch. r. d. ges. Phys., S8 juin 1899. (3) Arch; exp. Path. u. Pharm. XLFV, 1900. — 291 — tées, le jus de raisin entre autres, au nombre des principes qui peuvent être consommés. Il va de soi qu'en pareille matière, comme au sujet de toute substance ingérée, les questions de quantité et de qualité, sui- vant, du reste, nos propres remarques, ont toute importance; Teau elle-même, Teau distillée est nuisible, si on en abuse ; elle est plus spécialement capable de dissoudre les globules rouges. A plus forte raison, quand on s'adresse à des éléments actifs, doit-on s'occuper de ces questions de dose I En dépit des renseignements dont on s'entoure, il n'est mal- heureusement pas toujours aisé de décider quelle est la limite précise séparant l'usage de l'abus I En pareille matière, la qua- lité entre évidemment en ligne de compte. A coup sûr, sans admettre que ce que fait la nature est toujours bon, que les eaux-de-vie naturelles sont sans danger, il vaut mieux éviter les boissons frelatées ; mais, même s'il s'agit des dérivés de la vigne, il convient de se préoccuper des proportions des diverses ma- tières constituantes, etc. Il faut également prendre en considération l'âge, le sexe, les occupations, etc., et même, après s être muni de tous les élé- ments d'appréciation, il n'est pas toujours commode de fixer cette quantité. Il semble toutefois que, si on se reporte aux sta- tistiques, on constate que, tout au moins pour l'ouvrier qui tra- vaille à l'air libre, l'usage quotidien d'un litre de vin, parfois un peu plus, ne provoque pas l'apparition des stigmates éthyliques. A cette donnée quantitative s'ajoute, suivant nos remarques, les conditions qualitatives. Les chiffres indiquent trop clairement que, pour le vin, la falsification joue un rôle ; la reconstitution des vignes n'a ni supprimé, ni même encore restreint dans la mesure espérée une pareille influence. On a incriminé le jus de la treille ; les médecins ont jeté l'anathème ; ils ont de préférence frappé le vin rouge : pourquoi ces proscriptions ? Pourquoi aujourd'hui, sur ces sujets, les ordon- nances commencent-elles à être muettes ou, en tout cas, un peu moins sévères? Pourquoi, à l'heure présente, ces rigueurs sont-elles surtout formulées par ceux qui suivent de loin, avec un retard plus ou moins marqué, l'opinion des maîtres? Faut-il voir là la pure conséquence du changement, de la mode? Notre respect des choses de la médecine ne nous . empêcherait nulle- ment de critiquer ces conseils, si, à leur égard, il n'y avait place que pour la critique ; mais nous estimons qu'en partie ces dési- sions ont eu des points de départ motivés. Peut-être, nous en convenons, des consultants ont-ils pour — 292 — ainsi dire, à un moment donné, obéi instinctivement au mouve- ment ? Peut-être ont-ils proscrit, parce que d'autres proscrivaient ? Peut-être se sont-ils dispensés d'examiner de près, et ont-ils agi comme ceux qui, à Theure du philloxera, ont accusé le vin des méfaits de Talcoolisme, sans remarquer qu'on n'en buvait pas ou qu'on en usait peu? Néanmoins, ces concessions faites, il faut s'en prendre, le plus ordinairement, aux falsifica- tions ; il faut incriminer les sels minéraux, les doses massives de potasse, de pl&tre, que tant d'estomacs supportent diffici- lement ; il faut mettre en cause les tannisages à l'aide de mauvais tannins, les collages avec des gélatines impures, les colorations réalisées en se servant des dérivés du goudron, de la fuchsine, des composés artificiels, des baies de sureau ; il faut accuser l'addition de différents sucres jadis mal connus, capables d'amener la formation de dextrines, de corps amidonnés, d'acides, etc. Il importe également d'accuser le vinage qui introduit des quantités excessives d'alcool ; il n'est pas jusqu'au mouillage qui ne doit pas trouver grâce. Ce mouillage et les manipulations qui en sont la conséquence changent, en effet, les proportions, affaiblissent la résistance du vin, facilitent le développement d'une série de maladies. Ces maladies entraînent l'apparition d'une foule de corps, qui non seulement altèrent l'aspect, la saveur, mais, en outre, sont propres à déterminer des accidents digestifs ou des troubles généraux de la nutrition. On pourrait même se demander si les parasites générateurs de ces modifications, introduits dans l'organisme, ne vont pas se montrer pathogènes? De nombreux travaux sont nécessaires avant de pouvoir répondre. La reconstitution des vignobles, l'abondance actuelle de la production devraient amener la suppression de ces falsifications, et pourtant l'existence de ces manipulations, qui d'un élément naturel font un composé artificiel, ne saurait être mise en doute ; raisons d'économie, motifs de gains commerciaux, peu importe : le fait n'est pas niable I S'il en était autrement, si on ne consom- mait que des vins purs au point de vue de leurs composants, on verrait encore se réduire les désordres que d'aucujns leur attribuent. L'usage de ces boissons frelatées a eu un autre inconvénient; cet usage a entraîné une véritable déformation du goût ; le palais est devenu impropre à savourer les parfums, les bouquets de la nature : on n'apprécie plus les crus ; aussi, pour fiatter cette véritable dépravation, introduit-on des arômes étrangers. Telle nation demande encore des Bordeaux supérieurs, mais il lui faut des Bordeaux manipulés î Grâce aux apéritifs qui doivent. — 293 — j'imagine, leur dénomination à Tironie, l'éducation du goût, à ce point de vue, est complètement à refaire. On dirait vraiment tiue La Bruyère prévoyait ces effets de l'absinthe, quand, racontant les excès des jeunes hommes de la Cour, il écrivait : « Celui-là est sobre et modéré qui ne s'enivre que de vin ; l'usage trop fréquent qu'ils eiï ont faii le leur a rendu insipide ; ils cherchent à réveiller leur goût déjà éteint par toutes les liqueurs les plus violentes ; il ne manque à leur débauche que de boire de l'eau forte. » L'hygiène n'a donc pas à s'alarmer de voir le vin naturel re- prendre la place usurpée par une série de liqueurs, dont les in- fluences nuisibles ne saturaient être mises en doute I Momen- tanément, tout au moins, l'hygiène n'a rien à perdre à cette extension de la consommation modérée de ce vin Natu- rel ; à mesure que l'ouvrier lui demande l'excitant dont il croit avoir besoin, il cesse de s'adresser à cette série de li- aueurs. Or, un examen impartial des faits prouve qu'on doît attribuer à ces liqueurs et non au vin, la plus grosse, si ce n'est l'unique part des méfaits de l'alcoolisme. Aussi, loin de favoriser les hideux prbgrès de cet alcoolisme, on leur barre dans quelque mesure la route, en recommandant cet usage mo- déré du vin naturel. M. Charrin fournit quelques explications verbales complé- mentaires ; il dit que la question a déjà préoccupé nos an- cêtres. Ce dont il faut s'occuper aujourd'hui, c'est de savoir si les méfaits que l'on impute, à juste titre, aux boissons alcoo- liques falsifiées, sont imputables aux boissons naturelles. (Applau- dissements.) Il ne s'agit pas tant de savoir quelle est la quantité de consom- mation d'un pays que la qualité du liquide absorbé, et cette question a de si graves conséquences au point de vue médical et social qu'on ne saurait trop mettre à l'ordre du jour dci semblables problèmes. Abordant la question de l'usage des boissons alcooliques, M. Charrin dit qu'il n'est pas un seul appareil dans l'organisme qui échappe à l'action de l'alcool ; et non seulement cette influence se manifeste chez celui qui absorbe de l'alcool, mais encore elle se poursuit dans ses descendants, et frappe sa postérité. L'alcool agit sur l'appareil circulatoire ; sur l'appareil dégus- tatif ; sur le système nerveux. Sur chacun d'eux on observe des troubles. Au point de vue psychologique, le caractère de celui qui absorbe de ces liqueurs est modifié ; s'il était gai, il devient taci- turne, sombre, renfermé. Mais les vins naturels ne produisent jamais ces troubles, bien — 294 — que plusieurs médecins soient de l'avis contraire. On peut boire une certaine quantité de vin, et lorsqu'on travaille au grand air, on peut en prendre une plus grande quantité. Mais, demande M. Charrin, depuis quand parle-t-on de la suppression de Tusage du vin ; depuis quand parle-t-on d'alcoo- lisme? Depuis la crise phylloxérique. (Vifs applœudissements.) C'est tout à fait à tort que l'on accuse les vin& naturels pour deux raisons : La première, c'est que Talcoolisme vinique ne ressemble pas à l'alcoolisme des liqueurs. La seconde, c'est qu'il y a un rapport inverse entre le dévelop- pement de cet alcoolisme et la quantité de vins produits en France. Ce qu'il faut combattre, c'est l'eibus des liqueurs et de l'ab- sinthe qui agit sur la sensibilité qt l'appareil gustatif. L'homme a besoin d'un excitant; le meilleur de ces excitants est le vin, et surtout le vin naturel. (Très bien! très bien! — Vifs applau- dissementsj M. ViALA propose à l'assemblée de féliciter M. le Docteur Charrin pour le courage qu'il a eu de venir dire hautement la vérité. (Assentiment général. — • Applaudissements.) M. Vivier, de Cognac, donne à l'assemblée les renseignements qui lui ont été fournis par M. le docteur Daremberg, qui dit que l'alcool n'est pas un poison, mais que l'abus de l'alcool peut en devenir un. L'orateur donne ensuite lecture du rapport de M. Duclaux, directeur de l'Institut Pasteur. M. Vivier dît qu'à la suite de la crise phylloxérique on a eu recours à toutes sortes da mixtures à base d'alcool et que l'al- coolisme se développe en rapport inverse de la production viticole. On combattra donc l'c^lcoolisme en abaissant le prix du vin ; maïs ce prix ne peut être abaissé que s'il y a une diminution des droits d'octroi dans les grandes villes. (Vifs applaudissements,) Un membre. — La suppression des droits d'octroi s'impose î M. Vivier continue en disant qu'il y a là une campagne utile à faire et dont les producteurs de vins et d'eau-de-vie doivent prendre l'initiative. Non seulement, dit M. Vivier, on proscrit les eaux-de-vie de vin, mais encore on proscrit le vin lui-même sous prétexta qu'il contient de l'alcool. Aussi aurions-nous intérêt à demander au méde- cins de faire eux-mêmes des expériences afin qu'ils nous disent quelle est la vérité scientifique ; nous verrons alors que cette vé- — 295 — rite est à l'honneur des producteurs de vin ou d'eau-de-vie de vin. (Applaudissements ,) M. le sénateur Calvet dit que deux points paraissent avoir été mis hors de contestation : c'est que l'abus du vih et l'abus du liquide alcoolique peuvent être incriminés. Deux professeurs de la Faculté de Lyon disent qu'il n'y a pas, à proprement parler, d'alcoolisme en France, il y a, — c'est un néologisme, — de Valcoolalisme. Ce qui est dangereux, ce sont les alcoolats mal ou non rectifiés, ce ne sont pas les eaux-de- vie. M. Calvet termine en soumettant à l'appréciation du Congrès le vœu suivant ayant pour but d'établir une différence d'impôt entre l'alcool d'industrie et les eaux-de-vie de vin : Le soussigné a l'honneur de soumettre au Congrès l'avis sui- vant : l"" Que pour faciliter la consommation des produits naturels de la viticulture, — vins et eaux-de-vie de vins, — il convient de réduire le plus possible le prix de ces produits, par la réduction des charges fiscales ; 2** Qu'en particulier, il convient de faire une distinction devant l'impôt entre l'alcool des eaux-de-vie de vin et l'alcool de l'in- dustrie. M. LE Président réserve le vote du vœu pour la fin de la discussion. M. FoEX donne d'abord lecture d'un passage de son rapport relatif à la diminution de la production du vin. Le vin, dit-il, ne contient aucun élément nocif, et le jour où il serait convaincu que l'usage du vin contribue au progrès de l'alcoolisme en France, il arracherait lui-même ses vignes pour y planter autre chose. (Vifs applaudissements .) M. DE Malafosse dit qu'il, faut donner au paysan la possibilité de faire lui-même son vin. Le meilleur remède contre la maladie, c'est la multiplication des petites vignes, des vignes locales. M. le docteur Michon dit que dans les pays qui produisent et consomment eux-mêmes leurs vins il n'y a plus d'alcoolisme. Pour que les statistiques établissant que la France est le pays qui consomme Je plus d'alcool soient exactes, il faut faire la part de- ce qui se consomme en vin et de ce qui se consomme en alcool. (Applaudissements.) Il faut aussi remarquer que le vin naturel n'a pas d'action défa- vorable au fonctionnement de l'organisme. Les personnes qui sont devenues alcooliques sont celles qui ont remplacé Tusage du vin — 290 — excitant nécessaire au travail ,par un toxique, et par un toxique impur. Ce que les statistiques doivent dire, c'est le nombre de personnes devenues alcooliques en buvant du vin. L'on verra alors que le vin n*est pas un toocique. (Vifs applaudissements.) M. EscLAVY estime que si Ton a fait une campagne contre le vin, c'est que les nations étrangères, qui ont pris Tinitiative de cette campagne, avaient intérêt à jeter le discrédit sur la consom- mation du vin. Pour lutter contre la situation qui nous est faite, il faut nous grouper, il faut, dans chaque département, former un comité intéressé à la, consommation du vin et composé de producteurs et de négociants. Messieurs, dit-il, l'éloquent plaidoyer que vient de prononcer réminent Docteur Charrin, en faveur du vin, confirme ce fait, si souvent proclamé par La Ligue Vinicole universelle, que notre grande école de médecine française n'a jamais proscrit l'usage modéré du vin sain et naturel. Seuls, des médecins étrangers défendant, avec une habileté remar- quable, les intérêts de leurs compatriotes, ont prêché l'abstinence complète, c'est-à-dire l'exclusion du vin en même temps que celle de l'alcool. Nous n'avons, fort heureusement, pas à reprocher à notre corps médical, à très peu d'exceptions près, de s'être uni avec ceux qui méditent la ruine des dix millions de Français, vivant de la vigne et du vin. C'est que les véritables savants, dont la conscience est le seul guide, ne craignent pas de constater que le vin n'alcoolise pas et que le développement de sa consommation constitue le plus sérieux obstacle aux abus alcooliques. CONSOMMATION KT PRODUCTION La statistique nous révêle, en effet, que l'alcool tend à prendre la place du vin. Depuis quelques années Paris consomme 4 à 500.000 hectolitres de vin de moins qu'autrefois, mais il absorbe considérablement plus d'alcool. Sur tous les points le goût public a une tendance à se modifier. Les eaux de toute nature, les boissons chaudes, habilement re- commandées, tendent à se propager dans la bourgeoisie. L'ouvrier, lui aussi, délaisse peu à peu le vin, mais pour l'alcool. Si l'on boit de moins en moins de vin, on en produit de plus en plus. — 21>7 — Nous sommes exposés à nous trouver avant dix années en pré- sence d'une production universelle de 200 millions d'hectolitres ÏK)ur alimenter une consommation de 125 à 130 millions d'hecto- litres. Ce sera la pléthore, l'avilissement des prix, la ruine irrémé- diable pour le viticulteur qui, ne couvrant plus ses frais, devra renoncer à la culture de la vigne, alors que dans un grand nombre de vignobles le sol ne peut produire autre chose. W serait désespérant de voir échouer de la sorte les admirables efforts accomplis par nos laborieuses populations pour reconsti- tuer leurs vignobles détruits par le phylloxéra. Il faut donc, à tout prix, et par les moyens les plus énergiques et les plus prompts, arriver à augmenter la consommation du vin. Nous ne devons pas avoir de plus sérieuse préoccupation. Il importe peu, en effet, que la vigne soit plantée ou soignée de telle ou telle manière, que le vin soit fait avec plus ou moins de soin, s'il ne se vend pas. Les remarquables travaux de nos savants collègues seront inu- tiles, leurs efforts demeureront stériles si les produits obtenus, grâce à leurs précieuses indications, ne trouvent pas d'acheteurs. LA LUTTE Il n'est pas un esprit sérieux qui, depuis longtemps déjà, n'ait prévu le danger que nous signalons. Aussi, avons-nous vu tous nos groupements nationaux ou régio- naux étudier cette question avec une persévérante énergie. Malheureusement, les résultats n'ont pas répondu à leurs efforts. Gela tient à ce que chacun d'eux avait des intérêts profession- nels ou régionaux dont le particularisme retirait à leurs arguments une partie de leur force. Il nous a semblé qu'en réunissant toutes ces influences et toutes ces bonnes volontés éparses, nous pourrions constituer une union puissante comprenant des milliers d'adhérents et capables d'ob- tenir, par la force du nombre, des résultats appréciables. Nous en avons un exemple sous les yeux par le fonction- nement des plus satisfaisant d'une grande société qui comprend aujourd'hui plus de 80.000 adhérents. LA LIGUE VINICOLE UNIVERSELLE La Ligue Vinicole Universelle, de date plus récente, n'en compte — 298 — * encore que 3.000, mais elle reçoit, chaque jour, de nombreuses adhésions nouvelles et il est permis de compter sur sa rapide expansion. Cette œuvre d'intérêt général a pour but : 1** De remettre le vin en honneur, de le défendre et de le pro- pager ; 2* De mettre obstacle aux fraudes dont il est souvent Fobjet ; 3** De réclamer partout Tallégement des charges fiscales qui récrasent. Elle a pour moyens d'actions : 1** La propagande sous toutes ses formes .' par la presse, par un bulletin mensuel, par des conférences avec et sans projections et par tous autres procédés de publicité à étudier. 2® La réfutation immédiate des opinions défavoriables au vin (Bt une lutte de tous les instants contre ses détracteurs intéressés ou inconscients. 3*^ La mise à l'étude par voie de concours de questions hygiéni- ques, fiscales, artistiques et autres se rattachant au vin.' Nous avons déjà obtenu du corps médical des appréciations moins sévères pour notre boisson nationale. La presse nous a accordé son concours de la manière la plus large et bienveillante, notamment en ce qui concernait notre de- mande de vin pour le soldat. Plus de cinq cents journaux ont in- séré notre communication ayant pour titre « le vin du soldat ». Notre vœu lui-même n'a pas encore reçu satisfaction, mais l'au- torité militaire a préparé cette mesure en ne laissant subsister dans les cantines, que les boissons hygiéniques. De nombreuses conférences ont déjà opéré dans l'esprit public un certain revirement en faveur du bon et vrai vin. Notre bulletin mensuel tiré à des milliers d'exemplaires est répandu dans le monde entier. Nous avons propagé l'idée du bock de vin mousseux que nous croyons appelé à développer dans les cafés le goût du vin. De nombreux essais ont été faits et se font encore chaque jour. Nous verrons, sans doute, surgir, bientôt, un type de vin de ce genre capable de répondre aux exigences du public. Nous avons prié le corps médical d'étudier la question de la vinothérapie. Les esprits superficiels ont accueilli cette idée avec ironie, tandis que ceux qui ont approfondi la question n'ont pas trouvé remploi du vin en thérapeutique plus extraordinaire que — 299 — celui des eaux diverses et fantaisistes que Ton nous recommande à tout propos. Nous avons une section de propagande en Belgique et notre délégué général M. G. Emotte y poursuit Tœuvre de la Ligue vinicole avec le plus grand dévouement. Nous organiserons successivement des sections en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, en Hollande, sur tous les points en un mot, où il y a lieu de propager nos vins et de les défendre contre une contrefaçon éhontée. Il y a beaucoup à faire et je dois rappeler que je n'avais pas songé à diriger un mouvement que je m'étais contenté de con- seiller, il y a dix-huit mois, espiàrant qu'une personnalité autorisée voudrait bien appliquer Tidée que j'avais émise. Des sollicitations repétées, pendant plusieurs mois m'ont amené à passer, moi-môme, de la conception à l'exécution. Après avoir demandé pour la Ligue vinicole, l'approbation de la Société des Agriculteurs de France, de la Société des Viticulteurs de France, du Syndical national des vins en gros, de tous les grou- pements nationaux spéciaux, j'ai constitué, dans les principaux départements du Sud-Ouest, du Midi, de l'Algérie, des Comités de patronage exclusivement composés des présidents et anciens présidents de groupements politiques, tenant £tbsoIument à laisser notre œuvre en dehors de toute action politique. Il va être, très prochainement, constitué un comité général sié- geant à Paris, pour la formation duquel les principales personnali- tés viticoles et vinicoles ont bien voulu me promettre leur concours. Nous espérons voir se développer notre ligue dont le but unique est de préserver de la ruine nos vaillants vignerons. M. Ls COMTE DU PÉRiER DE Larsan, député de la Gironde, s'excuse de n'avoir pu assister aux séances précédentes. Il signale le fait qu'à 1 Exposition Universelle il a trouvé des vins étrangers portant des noms d'origine française. Il a aussitôt adressé à M. Kester, président du jury de la classe 60, une pro- testation portant notamment : « A l'Exposition, dans certaines sections étrangères qu'il est inutile de désigner d'une façon plus précise, figurent des bou- teilles de vin récolté soit en Europe et ailleurs qu'en France, soit en Amérique ou en Océanie, portant les noms de nos grandes ré- gions viticoles de France, des communes les plus célèbres et même de nos premiers crus. a C'est ainsi que Ton voit des bouteilles de vins exotiques sur les étiquettes desquels se trouvent ces noms : Bordeaux, Médoc, Chambertin, Chablis, Sauternes, Château- Yquem, etc. Il y a là — 300 — une fraude, pour ne pas dire plus, d'autant plus condamnable qu elle a pour résultat de discréditer nos vrais vins de France en attribuant faussement leurs noms à des produits toujours de qualité inférieure. Les grands vins étrangers, en effet, n'ont pas besoin de ces supercheries pour faire valoir leurs mérites. « Aussi, au nom du groupe viticole de la Chambre, dont j'ai rhonneur d'être le président, au nom des viticulteurs de France, dont les intérêts nous ont été confiés pour les défendre devant le Parlement, et, j'en suis convaincu, d'accord avec le grand com- merce français vraiment digne de ce nom, je dépose entre vos mains une protestation contre toute distinction ou récompense qui viendrait à être distribuée aux coupables de manœuvres aussi déloyales, si, ce que je me refuse à croire, le jury qui a Thonneur de vous avoir pour président venait à en décerner à ces usurpa- teurs de noms et de titres qui ne leur appartiennent pas. » Et le jury de la classe des vins n'a pas pu prendre d'autres me- sures que de déclarer par une décision unanime : « Que les vins ou eaux-de-vie de vin de France ou de l'étranger revêtus d'étiquettes portant une fausse indication d'origine ne seraient pas examinés par lui et par suite ne pourraient concou- rir à aucune récompense ; « Le jury exprime le vœu que les échantillons des dits produits figurant dans les différentes sections de l'Exposition Universelle de 1900 soient retirés des installations, par respect de la loyauté et dans l'intérêt des consommateurs, des producteurs et des né- gociants de toutes les régions viticoles. » M. DU PÉRiER DE Larsan propos)B, en conséquence, à l'Assem- blée d'émettre le vœu qu'une législation internationale intervienne pour assurer à chaque pays la propriété de ses marques et de ses produits. M. Chandon de Briailles déclare que le jury de la classe 60 a décidé de ne pas accorder de récompense aux vins portant une marque d'origine autre que la leur. M. Vivier rappelle qu'il y a une loi internationale, c'est la con- vention de Madrid de 1892. M. Florès, délégué du Mexique, constate avec regret qu au Mexique, les vins français sont- couramment contrefaits. Mais il fait connaître qu'il y a une législation protectrice des produits sincères. Quand la marque ^es produits est déposée et enregistrée, la fraude peut être réprimée facilement. C'est ce qu'il faudrait faire — 301 — dans tous les pays. Une législation intérieure a plus de chance de réussir qu'une législation internationale. M. CiNCiNNATO DA CosTA appuie les observations qui viennent» d'être présentées. Au Portugal on interdit l'usurpation des mar- ques. Dans la section du Portugal, à l'Exposition, il a exercé une surveillance très rigoureuse. M. TuRREL se fait l'interprète de l'Assemblée en adressant à M. . du Perier de Larsan les sentiments de gratitude du monde viticole. Voulant synthétiser la physionomie du Congrès et de ses tra- vaux, M. Turrel dit que ce qui l'a frappé c'est la science profonde des étrangers accourus à ce Congrès et auxquels il adresse ses hommages. Ce qui effraye M. Turrel ce sont les progrès même de la viti- culture en présence de la pléthore qui la menace. Partout on se rue à la grande production. C'est une grosse erreur et un grand danger. Il faut que le Congrès indique à la viticulture universelle qu'elle doit se rappeler de ses glorieuses traditions, de ses cépages, de ses vins renommés. Il faut faire du vin, là où on ne fait qu'en fabriquer ; il ne faut pas abandonner les vieux cépages pour alleiy à la quantité. Il faut d'abord maintenir sa marque avant de vou- loir la faire respecter. Le danger de la surproduction est univer- sel ; il menace la Roumanie, comme la France. Quelle est la so- lution? c'est le vin artificiel et le vin de raisins secs qu'il faut atteindre. Il y a un autre ennemi ; c'est la cherté du vin. Le cultivateur lui, ne peut diminuer son prix de vente, car la main d'œuvre coûte toujours plus cher et l'exploitation devient chaque année plus onéreuse. Mais ce sont les impôts que le vin paye et qui aug- mentent d'une façon constante qu'il faut diminuer. Il fauf que tous les pays suppriment les droits d'octroi. Il demande aux membres étrangers d'entretenir avec la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie des rapports sui- vis qui, par l'échange constant et continu des idées, ne tarderaient pas à créer une véritable fédération viticole universelle. Il donne lecture d'un vœu ainsi conçu : Que pour faciliter la consommation des produits naturels de la viticulture, vins et eaux-de-vie de vins, il convient de réduire le plus possible le prix de ces produits, par la réduction deâ charges fiscales ; Qu'en particulier, il convient de faire une distinction devant l'impôt entre l'alcool d'eau-de-vie de vin et l'alcool d'industrie. — 302 — M. DE Gândolle (Genève), au nom des membres étrangers du Congrès, adresse tous ses remerciement aux organisateurs du Congrès, à son président et à son secrétaire général pour ses marques de sympathie et de bienveillance. Il exprime son désir de modifier le texte d'un vœu précédem- ment proposé. Il propose de remplacer l'expression : « marque de fabrique » par celle de « marque d'origine ». (Assentiment général). M. LE Président. Personne ne demande plus la parole?..^ La discussion est close. Je vais donner lecture des vœux présentés par les différents membres. Le premier est celui de M. Calvet, ainsi conçu : Le soussigné a l'honneur de soumettre au Congrès l'avis sui- vant : i** Que pour faciliter la consommation des produits naturels de la viticulture, vins et eaux-de-vie de vin, il convient de réduire le plus possible le prix de ces produits, par la réduction des char- ges fiscales. 2* Qu'en particulier, il convient de faire une distinction devant l'impôt entre l'alcool d'eau-de-vie de vin et l'alcool, de l'industrie. (Le vœu de M. Calvet mis aux voix est adopté.) Les vœux de MM. Turrel et du Perier de Larsan, mis aux voix, sont adoptés. Ils sont ainsi conçus : i<» Vœu de M. le Comte du Perier de Larsan : Ler Congrès de Viticulture émet lé vœu qu'une législation in- ternationale soit établie, ayant pour objet de réserver exclusivement à chaque pays et propriétés producteurs de vin ou d'eau-de-vie les noms, l'origine et les marques de leurs produits, et d'en pour- suivre rigoureusement l'usurpation. 2* Vœu de M. Turrel : Le Congrès de Viticulture remercie le docteur Charrin de son rapport sur le Vin et l'Hygiène. Jl estime que la viticulture doit diriger ses efforts vers la pro- duction des vins de bonne qualité, et conserver avec un soin ja- loux les cépages qui, dans chaque région, ont contribué à la renom- mée des crus universellement appréciés. Le Congrès signale comme un danger la recherche exclusive des grandes productions. Le Congrès émet le vœu que, dans tous les pays producteurs, les Gouvernements prennent les mesures nécessaires pour dé- fendre les vins naturels contre les boissons fabriquées ; il y va i — 303 — de l'intérêt du consommateur, du commerce honnête et du pro- ducteur. Le Congrès croit que Talcoolisme ne peut être utilement com- battu que par le vin à bon marché. JjSl crise phylloxérique a, en effet, aggravé l'alcoolisme en diminuant la quantité des vins li- vrés à la consommation. Ce résultat ne peut être atteijit que pau la diminution des impôts qui pèsent sur les vins. Les viticulteurs du monde entier doivent faire tous leurs efforts pour arriver à ce résultat. C'est à la fois un devoir moral et une nécessité écono- mique. M. LE Président propose d'instituer une fédération de tous les viticulteurs de façon à ce qu'ils entretiennent de précieuses et utiles relations. Dans le cas où l'assemblée consentirait à insti- tuer cette fédération, le bureau serait chargé de régler les détails de cette organisation. (Vifs applaudissements,) (La proposition, mise aux voix, est adoptée à l'unanimité.) M. LE Secrétaire général propose au Congrès d'adopter la proposition qui est faite de photographier en groupe, à la fin de la séance, les membres du Congrès international. (La proposition est adoptée.) M. LE Président. — La question du vin et de l'hygiène étant épuisée, nous passons à la question de l'établissement d'une ampé- lographie universelle. La parole est à M. Couanon. Rapport de M. COUANON ÉTABLISSEMENT D'UNE AMPÉLOGRAPHIE UNIVERSELLE L'utilité des recherches et études ampélographiques n'est certes pas à démontrer. C'est principalement on le sait, du choix des cépages à cultiver^ de la sélection judicieuse des vignes que dépendent, pour une large part, la qualité aussi bien que l'abondance du vin de même que la fertilité et la durée d'un vignoble. A l'aide de Y Ampélographie qui comporte la description des cépages, leurs caractères physiologiques et végétatifs, leurs milieux (sol, climat, etc.), — 304 — ces importantes questions sont élucidées. UEtat-civil des cépa- ges est œuvre indispensable. Faute de ne pas cultiver, enseignait notre regretté maître Pulliat, des variétés de vignes bien appropriées, les vignobles ne pro- duisaient trop souvent, en certaines contrées, que des vins sans réputation «t sans valeur. Grâce à TAmpélographie, on finira par s'entendre sur toutes ces dénominations, sur toutes ces synonymies embarrassantes, sou- vent contradictoires, qui servent à désigner telle variété de vigne, d'un pays à un autre, parfois d'une localité à la localité tout proche voisine ; cette confusion des langues est fort préjudiciable I Pour être complet, vraiment fécond, le travail doit s'étendre à toutes les vignes du Monde entier ; il doit être universel. Les cépages que nous cultivons sont, prétend-t-on, originaires de l'Asie : ne forment-ils pas, à la vérité, pour la plupart, le fond même de la généralité des cultures de vignes dans tous les autres pays vraiment viticoles? Sans remonter aux travaux du chaldéen Kutzanu ; et, moins loin, à ceux de Démocrite et Strabon, chez les Grecs, de Caton, Virgile et Columelle, chez les latins, on trouve dans les recherches plus récentes des Victor Rendu, comte Odart, D' Guyot, Pulliat, Goethe et Guiseppe di Rosavenda, des tentatives d'universalisation des études ampélographiques. A l'occÉision de l'Exposition Universelle de Vienne (Autriche) avait au reste été organisée une Commission internationale d'Aip- pélographie où figuraient précisément en même temps que Pulliat, MM. Hermann Goethe, le célèbre ampélographe autri- chien également décédé ; Rudolph Goëth, le frère* du précédent et qui dirige actuellement l'Ecole de viticulture de Geisenheim ; di Rosavenda qui, lui aussi, existe encore, etc., etc. La Commission se réunit à Wiesloch en 1874 ; à Colmar en 1875 ; à Marburg en 1876 ; à Florence en 1877 ; à Budapesth en 1879 ; à Geisenheim en 1880. Un Bulletin Ampéliographique rédigé en allemand et en français rendait compte des travaux de la Commission. Depuis 1880, la Commission internationale n'a pas fonctionné, en réalité elle n'existe plus. La Commission d'organisation du Congrès de viticulture de 1900 m'a chargé de proposer au Congrès la fondation d'une nouvelle Commission internationale d'Ampélographie. Déjà la Société des Viticulteurs de France et d'Ampélographie a cons- titué dans chacune de ses sections régionales des Commissions spéciales d'Ampélographie. Des champs d'études ont été aména- gés en diverses régions. Les faits notés rigoureusement, du bourgeonnement à l'hivernage, sont centralisés par les Commis^ — 305 — sions régionales, puis communiqués à la 20* section. Un question- naire ampélographique a été établi. — Aux étrangers, de s'orga- niser. La Société des Viticulteurs de France et d'Ampélographie offre de donner Thospitalité à la Commission ' internationale. Il y a lieu d'espérer qu'avec une organisation forte, Toeuvre universelle ampélographique ne sera plus interrompue. Mais, pour la vie de pareilles entreprises, il faut temps, bonne volonté et argent : le temps, nous Tavons devant nous ; la bonne .volonté, les collaborateurs dévoués ne manqueront pas ; pour la question d'argent (et vraisemblablement l'ancienne Commis- sion internationale ne s'est disloquée que pour raison de manque de fonds suffisants), une combinaison heureuse due à l'initiative de M. Vermorel en assure la réalisation : je veux parler de cette belle publication V Ampélographie qui vient d'être inaugurée sous la direction de notre collègue et ami M. Pierre Viala et avec la collaboration des Ampélographes français et étrangers. M. CouANON demande l'établissement d'une commission tendant à universaliser les études ampélographiques. Il rappelle qu'une semblable commission internationale a été fondée lors (Je l'Exposition de Vienne, mais faute d'argent, elle n'existe plus, et que M. Poubelle, ancien Préfet de la Seiine, a cherché dès 1893 à fonder une école de viticulture. M. CouANON insiste pour la nomination de cette commission. M. PoEX déclare appuyer la proposition de M. Couanon, mais il faut que ce projet soit accepté par tous. Le difficile est d'arriver à extraire des descriptions conçues d'après des idées différentes ; il faut des notions communes qui permettent la comparaison. L'étude des cépages a une place très importante dans l'ampélo- graphie, mais elle ne peut être faite par la méthode botanique. M. Foëx termine en indiquant la méthode qu'il a employée dans son ouvrage. (Applaudissements,) M. Vermorel s'associe aux paroles de MM. Couanon et Foëx et présente un travail de M. Viala. (Vifs applaudissements,) M. Viala dit que pour entreprendre de tels ouvrages, il faut avoir autour de soi des personnes comme M. Vermorel. (Applau- dissements.) M. MiCHELi (Suisse) remercie M. Couanon de son initiative et déclare s'associer à sa proposition de réorganisation. (Applaudis- sements.) M. Poubelle dit que, préoccupé de l'intérêt qu'il y avait pour notre pays, au moment où la crise phylloxérique menaçait de faire — 306 — disparaître les cépages, à recueillir Tétat-civil de ces cépages et à donner à cette entreprise les ressources dont elle pouvait man- quer et la centralisation dont elle avait besoin, il avait demandé au Conseil municipal de Paris, lorsqu'il était Préfet de la Seine, de reprendre l'œuvre ampélographique de la première heure. Vous vous demandez, dit M. Poubelle, comment le Préfet de la Seine pouvait proposer, avec quelques chances de succès, au Conseil municipal de s'occuper d'une collection ampélographique. La ques- tion m'a paru pouvoir se présenter avec un certain à-propos. J'avais rappelé au Conseil municipal que la pépinière du jardin du Luxembourg contenait une richesse viticole de premier ordre qui avait été collectionnée par le célèbre ampélographe Hardy, La collection était très grande ; lorsqu'il s'est agi d'exécuter des travaux de voierie, on a considéré ces vignes comme des brous- sailles sans valeur. Elle a été détruite ; on Ta dispersée. On en a envoyé une partie à Versailles. Je fis remarquer que Paris s'était vu spolier de quelque chose qui contribuait à sa distinction et qui, dans un pays comme la France, ne pouvait pas disparaître de la capitale. Cette pensée a été comprise, et j'avais obtenu la création d'un champ d'expériences ampélographiques à Vîncennes. J'avais jeté les yeux sur un homme que vos applaudissements ont d'avance consacré à mon choix, c'était M. Viala. (Applavdis sèment s,} Je l'avais entretenu de ce projet qui était sur le point d'aboutir. Je crois que vous pourriez trouver dans le Conseil municipal de Paris, toujours épris de ce qui peut donner de l'importance à la capitale, heureux d'y attirer les étrangers, un ferme appui. On pourrait donc frapper â cette porte, et je puis dire que d'avance la voie est ouverte et préparée. (Vifs applaudissements.) M. LE Président. — Personne ne demande plus la parole? La discussion est close. Je demande à MM. les membres du Congrès d'adresser tous leurs remerciements à M. Vermorel pour son initiative. Je demande en outre qu'il soit compris parmi les membres de la Comniission d'ampélographie, ainsi que M. Poubelle. Cette Commission se trouverait ainsi constituée : d'une part, les Délégués étrangers au Congrès, auxquels il convient de joindre M. Mîcheli, et d'autre part, pour représenter la France : MM. Foêx, Viala, Couanon, Prosper Gervais, Chandon de Briaîlles, Roy-Che- vrîer, Salomon, Vermorel, Durand, Bouchard, Poubelle. M. G. Couanon fait savoir, au nom du Jury d'ampélographie, qu'il y a à Vîncennes une collection de vignes que l'on peut nsiter. 11 fait également savoir qu'au mois de Septembre aura lieu premier concours de raisins ; le second aura lieu au mois d tobre. M. LE Président. — Les membres qui désirent visiter l'Ëa Bition de Vincennes, sont donc priés de s'adresser à M. Couan Avant de nous séparer, je tiens, Messieurs, à vous féliciter résultats que vous avez obtenus. Je vous remercie de votre bienveillance, et vous rappelle i demain doit avoir lieu, & midi, à l'Hôtel Continental, notre ( nière réunion à laquelle je vous convie tous. Le soir même, a lieu le départ pour la première de nos excursions viticoles, Vex( sion dans le Bordelais. (Applaudissements prolongés). 3e déclare clos le Con^près international de Viticulture. La séance est levée à 5 heures. BANQUET DU l7 JUIN Le Banquet du Congrès international de viticulture et de la ociété des Viticulteurs de France et d'Âmpélographie a eu lieu e dimanche 17 juin, à midi, dans les salons de THôtel Continen- tal. Le Ministre de l'Agriculture, M. Jean Dupuy présidait, entouré de MM. Tisserand, président de notre Société, Turrel et Gomot, anciens ministres ; Prillieux, Bisseuil, Mir, sénateurs ; Vassilière, Charles Deloncle, du Perler de Larsan, Dollfus-Galline, Saint- René Taillandier, Chandon de Briailles, Prosper Gervais, Jean Gazelles, Gariel, délégué principal aux Congrès, de L»agorsse, Pou- belle, Poëx, Viala, Couanon, de Lapparent, Hérisson, Pierre Causse, Lugol, Roy-Chevrier, Vermorel, Pascal d'Aix, etc., etc. Parmi les étrangers on remarquait; MM. de Candolle, Pavoncelli. de Dobokay, baron de Bohus, Taïroff, Muller-Thurgau, Ottavi, Mach, Franz Buhl, Eckerlin, Nicoleano, D' Dufour, Cavazza, Cincinnato da Costa, de Castro, Macieira, Garcia de los Salmo nés, Dahlen, Danesi, Grimaldi, W. B. Alvood, Dubois, Kosinski de Baross, Kovessi, d'Araujo, Krauer Widmer, Morgenthaler, de Azevedo, etc., W. MM. Sagnier, Degrully, Battanchon, Pabst, Fleury, de Lo- verdo représentaient la presse agricole ; la presse politique était, de son côté, largement représentée. S'étaient excusés : MM. Méline, Viger, de Verninac, Picard, Dervillé, Prevet, Legludic. Rester, Bousquet, Delatour, marquis de Vogiié, marquis de Barbentane, Dabat, etc. Le nombre des convives dépassait 150. — Au dessert, M. Tisse- rand a pris le premier la parole TOAST DU PRÉSIDENT Monsieur le Ministre, Messieurs et chers Collègues, » L'heure de notre séparation va sonner I et ce n'est pas sans un profond regret que pour mon compte, que pour nous tous, j'en — 309 — suis convaincu, nous la voyons arriver, tant les relations que nous avons entretenues pendant notre trop court Congrès ont été cour- toises , affectueuses et empreinte$ de cet esprit de bienveillance et de tolérance qui semble être le privilège de nos réunions agricoles, où les hommes de tous les partis, de toutes les nationalités, savants et praticiens n'ont qu'une préoccupation : le progrès de la grande Nourricière des peuples et le bien être général de l'humanité I .. • Ce n*est pas Tun des moindres résultats des Congrès que les liens qui se nouent entre leurs membres, liens qui se perpétuent tou- jours, et que le temps et l'éloignement, loin de faire disparaître ne font que resserrer davantage I . . . Les cordiales relations qui se sont établies dans nos réunions vont d'ailleurs se raffermir encore, dans les excursions que nous allons entreprendre pour visiter quelques uns des vignobles de France, où il vous sera donné de voir les efforts faits ici pour leur conservation, là pour leur reconstitution !... Vous pourrez juger* de visu que notre vignoble est plus vivace que jamais, que c'est encore l'un des plus beaux joyaux de notre agriculture et que les vins de France si généreux, si riches et si variés peuvent encore couler abondamment dans les verres en don- nant la franche gaîté et la robuste santé I... Je convie d'autant plus vivement à ces Excursions nos collè- gues étrangers, qu'ils y trouveront la démonstration éclatante des résultats merveilleux obtenus par nos viticulteurs qui, éclairés au flambeau de la science, avec une énergie indomptable et une persévérance sans égale, sont parvenus, après 25 ans d'une lutte opiniâtre, et au prix de plusieurs niilliards, à vaincre les redou- tables et innombrables ennemis qui assaillaient leurs vignes, et à réparer les ruines accumulées par un fléau comme jamais industrie n'eût à en souffrir. Ils pourront se rendre compte de la terrible bataille livrée par la viticulture française au phylloxéra, au mildew, au black-rot et autres ennemis, bataille dans laquelle celle-ci est restée victorieuse et maîtresse du terrain, puisqu'au million d'hectares détruits par le fléau dévastateur, elle peut opposer aujourd'hui un million d'hectares de nouvelles vignes luxuriantes, défiant le terrible in- secte, et en état de produire plus de vin que n'en ont jamais pro- duit celles qu'elles ont remplacées ! !... IjSl viticulture vient à l'occasion de notre Congrès, de donner une nouvelle démonstration de sa puissante vitalité et de Taccord unanime de la science et de la pratique dans la recherche des so- lutions qui l'intéressent. Dans la grande manifestation à laquelle nous assistons, un Con- grès spécial pour la viticulture s'imposait à raison de l'importance que celle-ci a prise partout, des multiples problèmes que soulè- — 310 — ve la situation présente et des difficultés au milieu desquelles elle se débat dans toutes les contrées I Ce n'est pas seulement un intérêt particulier qui est en jeu, c'est la fortune publique et Texistence de millions d'individus, ce sont les finances des Etats !... C'est l'utilisation par la vigne de cette force immense qui se déverse au Soleil sur le Globe pour la donner aux ouvriers des villes comme au travailleur des- campagnes, sous la forme d'une boisson éminemment réconfortante. De ses pampres verdoyants, la vigne couvre en effet des mil- lions d'hectares ; elle fait vivre des millions de familles de vigne- rons et des millions d'ouvriers, on la trouve aujourd'hui sur pres- que tous les points du Globe ; elle marche comme la civilisation ; ainsi que le disait un grand maître en viticulture, M. le D*" Jules Guyot, elle est la plante colonisatrice par excellence, aussi la voit- on étendre son empire dans l'ancien monde, de l'Océan jusqu'au Turkestan et aux confins de l'Extrême-Orient et se propager dans les mondes nouveaux ouverts à l'activité humaine, en Amérique et en Océanie. Sa production, qui dans son apogée, avant les ravages du ph^- loxera, s'élevait pour le monde entier à 100 millions d'hectolitres est déjà dépassée aujourd'hui ; elle a atteint 125 millions d'hecto- litres en 1898, et on peut prévoir, au train dont se font les planta- tions, qu'avant peu d'années, elle montera à 150 millions d'hecto- litres et plus I On comprend dès lors l'intérêt qui s'attache partout à son déve- loppement et la large place qu'elle occupe dans les préoccupations des peuples et des gouvernements ! . . . Cet intérêt et ces préoccupations se sont même accrus des mal- heurs de la viticulture !... Car si la vigne est la plante généreuse par excellence pour celui qui la cultive, de combien de fléaux n'est- elle pas attaquée ou menacée? A peine un de ses ennemis est-il vaincu qu'il en surgit un autre ; les difficultés croissent sans cesse, c'est une lutte incessante sans trêve ni relâche I... Ce sont tou- jours de nouvelles recherches, de nouvelles études, de nouveaux essais à entreprendre, de nouveaux travaux à faire ; il semble en vérité qu'une fatalité s'attache à la viticulture pour mettre à Té- preuve l'énergie et la vaillance de nos vignerons, leur résistance héroïque à l'adversité et aux privations en attendant Jes jours meil- leurs, et les donner en exemple aux travailleurs de l'industrie, toujours si prompts à se plaindre et si faciles à soulever. Plus que jamais les difficultés sont nombreuses et pressantes, parasites, insectes, cryptogames, fraudes, falsifications, crise, mé- vente, etc., etc. plus que jamais elles appellent un remède ; le .mal est général, universel, je le répète. Les forces éparses et isolées sont insuffisantes à cette heure... — 311 — réunies, condensées, agissant méthodiquement suivant un plan bien conçu, et énergiquement poursuivies elles peuvent triompher des obstacles et trouver des solutions efficaces... Grouper les forces a été le but de l'institution du Congrès international et nous pou- vons dès maintenant nous féliciter hautement des résultats déjà obtenus 1 Vous avez abordé, mes chers collègues, les questions qui vous ont été soumises avec une ampleur de vues et une profondeur que je me plais à proclamer ! Vous avez traité toutes les grosses questions relatives aux cryp- togames et aux insectes nuisibles et élucidé les procédés à em- ployer pour en prévenir les ravages ou les combattre. l#a question si délicate, si controversée des porte-greffes, de l'a- daptation, de l'affinité et des producteurs directs a fait l'objet d'une remarquable communication de notre sympathique et dévoué Se- crétaire général, M. Gervais ; vous y avez trouvé un guide sur le choix des cépages à adopter dans les diverses conditions de sol et de climat. Vous en avez dégagé les méthodes à suivre, montré la prudence à observer partout et signalé les causes des diver- gences d'opinion qui se sont manifestées... Les questions relatives aux problèmes complexes de la vinifica- tion et à l'établissement d'une Ampélographie universelle ont été discutées avec une sûreté et une compétence qui n'ont échappé à personne. Jamais, on peut le dire, le problème viticole, dans son ensemble et dans 'ses détails, n'a été examiné avec autant de soins, jamais il n'a été fouillé à une telle profondeur. Dans nos discussions, nos éminents collègues de l'Etranger ont pris une part considérable ! La lumière qui a jailli de leurs obser- vations et l'accord unanime qui s'est établi entre eux et nos natio- naux ont montré plus que jamais combien sont féconds réchange des idées et des observations et le rapprochement de tous ceux qui -nt la mime cause à soutenir et les mêmes intérêts à défendre. — L'entente devient facile. Grâce à cette entente, les solutions les plus ardues ont été éclaîrcies, celles qui semblaient devoir vous séparer ont réuni l'unanimité des suffrages : vous avez pu ainsi dégager de vos délibérations des avis d'une grande netteté sur la direction à donner partout à la production viticole, sur la protection à assu- rer aux vins de chaque pays, en poursuivant énergiquement les usurpations de maraue^ de nom et d'origine dont les viticulteurs de toutes les contrées ont à se plaindre ou pourraient avoir à se plaindre. Vous avez démontré, avec l'appui des autorités médicales émi- nentes, que ce n'est nullement la consommation des vins et des — 312 - •eaux-de-vie de vin qui cause l'alcoolisme, que les désordres dont on se plaint si justement, sont dûs à la consommation de mixtures plus ou moins avouables dont on abreuve les populations en faus- sant leur goût, et que la meilleure sauvegarde contre Talcoolisme réside dans une production abondante de vins purs, accessibles à toutes les bourses, et surtout aux petites bourses. Vous avez émis, par suite, Tavis que pour favoriser la consom- mation des bons vins et assurer à la production croissante du vignoble universel des débouchés, il fallait partout réduire les charges fiscales qui pèsent sur les produits de la viticulture ; et dans les taxes établir une équitable distinction entre les eaux- de-vie de vin et les alcools industriels dont on abuse tant pour pro- duire ces boissons malsaines, source de tous nos maux I... Messieurs, le succès de notre Congrès, Téclat de ses discussions et la bonne et cordiale entente qui s'est établie entre tous ses membres dès le premier jour ont vivement frappé plusieurs d'en- tre nous ; ils ont pensé qu'il serait regrettable de rompre de tels liens, qu'il serait bon et profitable à tous de conserver une orga- nisation qui avait donné de si brillants résultats, de la perpétuer par la fédération des viticulteurs de tous les pays représentés dans le Congrès. Cette idée, j'ai été heureux de la voir accueillie dans notre der- nière séance à l'unanimité. L'Assemblée a chargé son bureau de constituer une Commission permanente chargée de recevoir et de centraliser pour en faire bénéficier tous les pays, les observations, études et travaux des membres du Congrès et de préparer les bases des Congrès périodiques à tenir alternativement et succes- sivement dans les pays viticoles à l'instar de ce qui a lieu pour les Congrès internationaux de l'agriculture fondés à la suite de l'Exposition Universelle de 1889. C'est, Messieurs, un traité de libre échange que nous avons signé hier, libre échange d'idées généreuses, de sentiments affectueux et d'estime réciproque ; libre échange des fruits de l'expérience, des études et des recherches de chacun pour le bien commun ! Je suis convaincu que le grand ami de l'agriculteur, le défenseur vigilant de ses intérêts, le fondateur des Congrès internationaux de l'agriculture, M. Méline, ne refuserait pas de contresigner un pareil traité et que le Ministre de l'Agriculture M. Jean Dupuy l'approuvera et nous donnera son appui pour la réalisation d'une institution qui, en resserrant les liens qui unissent les viticulteurs du monde entier, ouvrira certainement à la viticulture une ère nouvelle de progrès et de solidarité féconde I Maintenant, Messieurs, il me reste le plus doux de mes devoirs à remplir : celui de remercier tous ceux qui nous ont donné leur appui et qui ont contribué à Téclat de nos réunions . — 313 — 4 Vous me permettrez et je répondrai j'en, suis sûf à votre désir à tous, de commencer la série des toasts par le toast de loyalisme à M. le Président de la République. Je vous le propose non pas seulement comme Ihommage respec- tueux que nous devons au citoyen investi de la suprême magis- trature, mais encore parce que M. Loubet est un des nôtres!... parce qu'il aime profondément la terre, qu'il affectionne la vie rurale et qu'en toutes circonstances il s'est montré Tardent et vigilant défenseur des intérêts de la viticulture. Il fut, avec Champin, l'un des premiers pionniers de la recons- titution du vignoble dans la Drôme et je me souviens toujours du discours éloquent qu'il prononça il y a quelque 20 ans sur les souffrances de la viticulture et de la sériciculture et qui émut si vivement la Chambre des députés qu'elle se leva tout entière pour l'applaudir. Cette sollicitude pour les intérêts viticoles il l'a toujours ; dans toutes les occasions il nous en a donné les preuvp« Aussi vous vous associerez, Messieurs, au toast respectueux que je porte en l'honneur de M. le Président de la République au nom de la VitictUture, ' La Russie, l'Autriche, la Hongrie, l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Suisse, la Grèce, la Roumanie, la Bulgarie, la Turquie, le Grand Duché de Luxembourg, le Mexique, la Ré- publique Argentine, la République de l'Equateur, le Japon nous ont envoyé des délégués et des représentants qui comptent parmi les plus hautes autorités viticoles de ces diverses contrées : ils ont contribué à rehausser l'éclat de notre Congrès et à accroître l'intérêt de nos discussions. Nous avons le devoir d'adresser l'expression de notre respec- tueuse gratitude aux augustes souverains et aux chefs d'Etat de ces pays, ainsi qu'à leurs gouvernements, et je vous propose un toast en leur honneur I Enfin, Messieurs, je vous demande de lever vos verres pour boire à la santé de M. le Ministre de TAgriculture et de ses dévoués et actifs collaborateurs parmi lesquels nous comptons des collègues et qui pour nous sont tous des amis. C'est une bonne fortune pour l'agriculture d'avoir toujours eu des Ministres d'une grande bienveillance et d'un dévouement absolu aux intérêts qui leur sont confiés ! M. Jean Dupuy continue cette bonne tradition, il soutient avec la même ardeur les revendications de l'agriculture, déploie le même zèle pour ses progrès et tient le drapeau de la viticulture avec non moins de fermeté et de vaillance que ses devanciers. M. Jean Dupuy joint à sa qualité d'éminent administrateur et — 314 — d'homme d'Etat, celle de connaître la vigne ,sa culture et les du- ficultés de tous ordres qu'elle a à surmonter. C'est un viticulteur qui a prêché d'exemple en créant un magni- fique vignoble dans la Gironde ; aussi s'est-il toujours montré zélé partisan des intérêts que nous soutenons et défenseur con- vaincu des populations laborieuses qui travaillent nos vignes ! Dès les premiers jours de son arrivée au pouvoir, la Société des viticulteurs de France et d'ampélographie a trouvé en lui un ferme et puissant appui et une bienveillance qui s'est manifestée parfois discrètement en d'agréables surprises. Grâce aux subventions qu'il nous a si généreusement accordées nous avons pu donner au Congres international toute l'ampleur désirable, assurer son succès et le compléter par une série d'ex- cursions qui, j'en suis sûr, laisseront un précieux souvenir che^ ceux qui y prendront part. Ce sont là des services qui s'ajoutent à ceux que M. Jean Dupuy a déjà rendus et pour lesquels les membres du Congrès lui garderont une profonde reconnaissance ; car la gratitude, Monsieur le Ministre, est encore une des vertus des viticulteurs et ce n'est pas l'une des moindres dont ils aient à se glorifier. Messieurs, à M. Jean Dupuy, Ministre de l'Agriculture !... M. le Ministre de l'Agriculture a répondu en ces termes : M. Jean Dupuy, Ministre de l'Agriculture. — Messieurs, lorsque dans des réunions comme celle-ci, ayant un caractère exclusive- ment agricole, notre éminent président, M. Tisserand, a pris la parole, il ne reste généralement pas grand-chose à ajouter et le beau discours que nous venons 'd'entendre n'est certes pas pour constituer une exception à la règle. Aussi, ne me serai-je pas levé si je ne représentais ici, au milieu de vous, le Gouvernement de la République. Je veux, à ce titre, remercier les étrangers congressistes de toutes les nationalités venus en aussi grand nombre parmi nous, et je les remercie parce que je suis sûr que, du contact de tant d'hommes savants, d'hommes expérimentés, du concours de tant de bonnes volontés il ne peut sortir que progrès et profit pour la cause qui nous est chère, pour la viticulture française. (Très bien! très bien !) Je lève mon verre en l'honneur des délégués étrangers, des chefs de leurs Etats et des nations qu'ils représentent. Votre président, M. Tisserand, a été heureusement inspiré quand il a rappelé l'intérêt constant qu'a toujours porté à l'agriculture le Président de la République. Mieux que personne en effet, Mon- sieur Tisserand, vous étiez autorisé pour apporter ici ce témoignage, \ — 315 — car vous avez été par vos attributions à même de suivre M. Loubet dans sa longue carrière administrative et politique ; vous avez eu raison de proclamer que jamais dans aucune occasion, M. Loubet n'a négligé de se montrer soucieux, dévoué et ardent défenseur des agriculteurs et de Fagriculture. (Applaudissements,) , Et on sait bien que malgré ses hautes préoccupations de Chef d'Etat, il est toujours attentif aux questions qui ont fait Tobjet des études de toute sa vie, je veux dire les questions économiques et particulièrement celles qui concernent notre agriculture. Aussi suis-je certain que, lorsque je lui rapporterai les toasts portés ici en son honneur et la façon dont ils ont été accueillis dans un milieu comme le vôtre, il en éprouvera une douce émotion et y trouvera une saine et réconfortante récompense des services qu'il a rendus à l'agriculture. (Vifs applaudissements.) M. Tisserand a bien voulu rappeler que je n'étais pas complè- tement étranger à la reconstitution et à la conservation de notre vignoble. Oui, il est vrai que depuis de lopgues années j'ai par- ticipé, moi aussi, dans la mesure de mes forces à cette grande œuvre de la reconstitution. J'ai pu constater comme vous. Messieurs, les efforts considérables qui ont été faits et Ténormité des sacrifices consentis. Aussi, dans l'accomplissement de ma charge ministérielle, si j'ai le devoir de protéger également toutes les catégories de notre pro- •juction agricole, je n'ai pu me défendre de porter une sollicitude particulière, une attention spéciale à la viticulture. Et comment en pourrait-il être autrement lorsque nous considérons ce qui s'est passé dans ces vingt dernières années. Nous avons vu, nous qui habitons des régions viticoles, l'émotion, l'inquiétude et l'angoisse s'emparer des populations nombreuses, victimes de ce fléau dont parlait votre président tout à l'heure, de ce fléau qui posait devant ces populations surpnses au cours d'une vie normale et prospère le plus redoutable des problèmes. En effet, il ne s'agissait pas seulement de la prospérité de ces populations, mais de leur existence, et je les ai vues un moment hésitantes, angoissées, affolées pour ainsi dire et se demander si ce problème n'était pas insoluble, s'il ne fallait pas abandonner une culture qui avait constitué les ressources et fait la prospérité de leurs ancêtres et la leur. Mais bientôt stimulés par les conseils et l'exemple des hommes d'initiative et d'énergie que nous rencontrons toujours dans ce pays, nos viticulteurs se sont ressaisis et courageusement ils ont entre- pris la lutte. Ah ! quel beau spectacle ils nous ont donné ! Jamais je crois, ni dans une autre branche de l'agriculture, ni dans le commerce ni dans l'industrie, nous n'avons assisté à une pareille — 3^6 — manifestation de vaillance, de ténacité et de persévérance dans Teffort. Saluez ces braves. Messieurs, ils ont été héroïques. (Applau- dissemenis unanimes J Ces efforts n'ont pas été sans succès, puisque comme on le disait tout à l'heure, notre vignoble est reconstitué et que nous sommes en mesure de produire comme autrefois des vins de bonne qualité et en quantité suffisante. Grâce aux progrès de la science, nous sommes également en mesure de lutter contre les divers fléaux qui se sont successivement abattus sur nos vignobles. Mais ce n'est là qu'un terme du problème, et ce n'est pas à vous, viti- culteurs, que j'apprendrai qu'il en existe un autre qui n'est pas sans présenter de grandes difficultés. M. Tisserand vous en parlait tout à l'heure : c'est la question de l'écoulement de nos produits. Actuellement, nous sommes outillés pour produire dans les condi- tions les plus satisfaisantes, mais une inquiétude apparaît : depuis quelques années nous constatons que si nous vendons nos produit^, nous les vendons mal, à des prix insuffisamment rémunérateur.-* (Marque d'assentiment,) Sans vouloir traiter ici cette grave question de la vente de nos vins, ce qui nous conduirait trop loin, permettez-moi cependant de signaler au moins quelques-unes des causes de l'état dont nou.« souffrons. C'est d'abord le trouble jeté sur le marché de nos vins et dans la consommation. A la suite de la crise phylloxérique, notre vi- gnoble a produit pendant plusieurs années d'une façon insuffi- sante ; malgré cela la consommation s'est maintenue ; elle a été alimentée â l'aide de produits de toute espèce, de produits arti- ficiels qui ont faussé le goût et donné au consommateur des habitudes détestables. (Applaudissements,) Et cette cause première a été développée par ceux qui préci- «^ément avaient intérêt à exploiter cet état de choses, non pas que je veuille médire de notre commerce des vins qui compte de très honorables maisons et le plus justement estimées, j'en connais un grand nombre, mais sentant qu'il y avait là un filon à ex- ploiter nou savons vu une nuée d'intermédiaires qui n'avaient rien du propriétaire ni du commerçant s'abattre sur le consom- mateur, s'en emparer, exploiter la situation que j'indiquais tout à l'heure et lui fournir ces produits artificiels, ce^s mixtures qui . n'avaient du vin que le nom. (Très bien I très bien !) Alors le consommateur ayant le goût faussé, n'appréciant plus nos vins naturels, n'a plus voulu payer les anciens prix ; on lui a donné satisfaction, et on lui a servi un breuvage pour son ar- gent, de telle sorte que le consommateur, à l'heure actuelle, ne — 317 — recherche plus les excellnts vins dont on parlait, ces vins généreux et réconfortants, nos vins français. Voilà une des causes principales ; il y en a une autre : c'est que dans cet éloignement du consommateur de nos vins naturels, les fraudes ont trouvé un aliment considérable, qu'elles se sont déve- loppées et qu'elles persistent encore. Après l'efïort que nous avons accompli, après la manifestation de vitalité et de vaillance. dont nous avons été témoin, je ne crois pas que la seconde partie de notre tâche puisse vous faire reculer. Il faut nous mettre courageusement à l'œuvre et nous pouvons arriver au résultat cherché avec un peu de temps et surtout avec de Tentente ; il faut que nous y arrivions par tous les moyens possibles avec la législation actuelle; si elle n'est pas suffisante nous retendrons pour poursuivre sans relâche toutes les fraudes d'où qu'elles viennent, d'où qu'elles soient. (Vifs applaudisse- ments.) Il faut ensuite, Messieurs — et le concours de la Société des Viticulteurs de France ne sera pas inutile à cet égard, — que nous poursuivions et détruisions cette fausse légende que nous ne produisons pas de vins d'excellente qualité et en quantité suffi- sante. C'est à l'aide d'une propagande de tous les instants, d'une publicité active que nous arriverons à détruire cette erreur au- jourd'hui la cause principale de la mévente de nos vins. Voilà quelques-uns des éléments qu'il faut mettre en valeur, et je suis convaincu qu'avec de la ténacité, avec de la patience et avec de l'entente nous atteindrons le but. A ce point de vue, je compte beaucoup sur la Société des Viticulteurs de France et, à son tour, elle peut compter sur moi. (Nouveaux applaudisse- ments.) On vous a dit tout à l'heure, Messieurs les congressistes, que vous alliez continuer votre mission par des excursions dans nos vignobles. Je fais appel et je suis sûr d'être entendu du loyalisme des congressistes étrangers. Vous allez voir dans quelles condi-' tions nous avons reconstitué ces vignobles, vous apprécierez nos cultures soignées, les sélections de nos cépages ; vous verrez notre outillage destiné à une parfaite vinification. Vous pourrez, par expérience vous rendre compte à la fois de la richesse et de la variété de nos vins ; vous les goûterez et vous verrez qu'ils sont toujours restés généreux, fins et délicats et qu'ils sont toujours dignes de la vieille renommée des vins de France. (Applaudisse- ments unanim^es.) Avant de terminer, je veux remercier M. le Président des paroles par trop élogieuses qu'il a bien voulu m'adresser et corriger une lacune de son discours en lui disant que s'il prodigue les éloges — 318 — autour de lui, il n'est modeste que pour lui-même. (Adhésion générale et applaudissements.) Or, surtout en présence des nombreux congressistes étrangers, des hommes distingués qui sont venus du dehors, je tiens à dire en peu de mots ce qu'est votre président. M. Tisserand, Messieurs, a une vie remplie et pleine d'unité. Il n'a eu dès le début de sa carrière qu'une préoccupation : l'étude de l'agriculture. Et déjà, il y a cinquante ans, il se faisait re- marquer par ses brillantes qualités à l'Institut Agronomique de Versailles. A peine sorti de l'école, sa compétence, son activité, son zèle et son initiative étaient mis en lumière et appréciés par le Gouvernement, qui le chargeait de plusieurs missions à l'étranger : en Angleterre, en Scandinavie, en Russie, en Alle- magne, et de ces voyages il rapporta au ministère et à l'adminis- tration de l'agriculture des études complètes qui sont restées des documents précieux pour l'administration de l'agriculture. (Applau- dissements,), Poursuivant sa tâche, successivement inspecteur d'agriculture, inspecteur général, directeur de l'Institut agronomique, M. Tisse- rand a toujours été au-dessus de sa situation. Enfin, Messieurs, pendant dix-sept ans il a gardé la direction de Tagriculture et l'on peut dire qu'il a largement contribué au développement de l'en- seignement agricole, et qu'aucune question n'a été solutionnée dans ce pays sans son concours. Lorsque l'heure de la retraite est venue pour lui, il a voulu prolonger sa belle carrière en venant à votre tête diriger votre association ; là encore, M. Tisserand a rendu et continuera à rendre des services et conquerra de nouveaux titres à votre gratitude. Messieurs, je bois à votre Président. (Applaudissements vifs et prolongés,) M. le Ministre de l'Agriculture remet ensuite les diplômes de chevalier du Mérite agricole à MM. Adrien Berget, professeur agrégé de l'Université, proprié- taire-viticulteur, à Pontailler-sur-Saône (Côte-d'Or) ; Jeàn-Pierre Guillon, viticulteur, à Chalon-sur-Saône (Saône- et-Loire) ; Alexandre Tacussel, viticulteur, à Vaucluse (Vaucluse). A son tour, M. Prosper Gervais se lève : Nous devons, dit-il, des remerciements publics à l'administra- tion supérieure de l'Exposition Universelle pour les facilités qu'elle- -- 319 — a bien voulu accorder à Torganisation de notre Congrès inter- national de Viticulture, — et en particulier à M. Gariel, délégué principal aux Congrès, qui n'a cessé de nous donner des preuves de sa bienveillance et nous a prêté le concours le plus actif et le plus utile. Ce n'est pas tout, Messieurs, j'ai le devoir de remercier en votre nom les délégués officiels des nations étrangères et les délégués des grandes associations agricoles étrangères d'avoir bien voulu accueillir favorablement l'invitation que nous leur avions adressée de prendre part à notre Congrès de Viticulture. L'empressement qu'ils ont mis à assister à toutes nos séances, l'intérêt qu'ils ont pris à nos discussions, le contingent d'observations pratiques et de communications qu'ils ont apporté sur toutes les ■questions à l'ordre du jour, ajoutent encore à la gratitude que nous leur devons : et je suis certain d'être votre fidèle interprête en les priant d'en agréer ici la très sincère expression. Notre Congrès était, dans notre pensée à nous qui en avons été les instigateurs et les organisateurs, bien moins une série de réunions destinées à étudier et à élucider des questions techniques, qu'une consécration définitive du nouvel ordre de choses créé par la crise phylloxérique. Il importait, suivant nous, d'affirmer hautement aux yeux du monde la réfection de notre vignoble, et l'incontestable valeur des nouvelles méthodes qui ont servi à son établissement. Je ne crois pas qu'il existe dans l'histoire agricole de l'univers rien qui soit comparable au grand mouvement qui, en moins d'un quart de siècle, a ravivé l'une des principales sources de notre richesse nationale ; — rien qui égale l'esprit d'initiative, le <5ourage, l'énergie, la confiance presque téméraire, dont a fait preuve la viticulture française. Ceux d'entre vous. Messieurs, et ils sont nombreux, qui ont suivi les grandes assises viticoles tour à tour instituées dans nos ! — 348 — ; pagne pour y visiter nos vignes est assuré d'y rencontrer le meil leur accueil. ' Messieurs les délégués étrangers, partout où vous vous présen- terez pour étudier les progrès accomplis chez nous, ou pour nous faire part de votre grande expérience, vous serez reçus comme doi- vent l'être les hôtes de la France, et vous trouverez de la part de nos plus humbles vignerons comme des représentants les plus *, hauts placés de notre commerce, la plus respectueuse et cordiale * bienvenue. ^ Le Syndicat du commerce des vins de Champagne considère comme un grand honneur et un rare privilège l'occasion que vo- tre ve*nue en Champagne lui donne de vous recevoir aujourd'hui et il a chargé son président de l'agréable, mais en même temps dif- ficile mission de rendre intéressante votre courte visite à Reims. Après la réception que la Municipalité a tenu à vous offrir ce soir pour honorer votre passage dans notre Cité, il nous semble que la meilleure suite à donner à notre programme consiste dans une visite intéressante et instructive à des établissements de Champagne. Lorsque nous nous plaçons au point de vue des « grands vins de nos vignobles » que vous allez visiter demain et après demain, nous croyons qu'entre viticulteurs et négociants il y a de nom- breux points de contact où le rôle qu'ils ont à remplir est si- ' milaire et surtout où les intérêts se rapprochent à tel point qu'ils se confondent. Chaque progrès accompli par vous n'est-il pas une amélioration du produit de la vigne obtenu en sélectionnant les plants et en leur facilitant, par une intelligente culture, une assimilatipn meil- leure et plus complète des sucs les plus précieux du sol qui les nourrit. Dans notre commerce, le progrès consiste à prendre ces pro- duits de nos grands crus de Champagne et à les combiner avec intelligence permettant ainsi aux principes inhérents à ces crus de se développer et de se compléter, sans changer la nature qu'ils tiennent de leur sol. C'est là le secret qui fait de nos vins aux types si variés un tout homogène qui satisfait aux exigences des goûts les plus raffinés. Ce secret est personnel pour chaque maison, et chacun de nos « négociants » suivant le goût de son palais, l'intelligente connais- sance des différents crus et la longue expérience du métier sait donner au type qu'il produit la perfection qu'il recherche. Ici pas de formules mathématiques ni chimiques, seules les connaissances dues à une étude approfondie et à de longues expériences assurent le succès, aussi voyez-vous la direction de — 349 — nos maisons se succéder de père en fils pendant plusieurs génér lions. En visitant demain les maisons qui auront l'honneur de voi recevoir, vous serez frappés et ce n'est pas la chose Ja moins int ressante, de l'énorme travail nécessaire pour livrer la bouteil de Champagne h la consommation, tra;vail minutieux, intelligei et habile de la part de l'ouvrier qui, lui aussi, comme son patroi doit être un homme du métier. Le vin de Champagne est un enfant d'origine distinguée ; se éducation doit être délicate et soignée pour qu'il atteigne la pe fection lorsqu'il fera son entrée dans le monde, sans quoi il n trouverait pas bor accueil et perdrait vite sa réputation. Je souhaite que cette visite intéressante dans nos caves et dat nos vignobles contribue à faire disparaître certaines idées erronéi trop répandues dans le public : on prétend encore qu'avec des c pitaux et de l'ambition on peut faire partout du champagn môme en dehors de la Champagne ; les détails que je me suis fa un plaisir de vous donner prouveront, je l'espère, le contraire. Entre viticulteurs et négociants pas de rivalité si ce n'est poi la cause du progrès, nous pouvons marcher la main dans la maii vos découvertes sont des gains pour nous, notre réputation est u avantage pour vous, loin de nous séparer, nos intérêts nous rai prêchent, nous devons tous souhaiter qu'il en soit ainsi dans 1' venir pour le plus grand bien et la prospérité des intérêts et d( pays que vous représentez. Je termine, Messieurs, en proposant au Syndicat du Commen des "Vins de Champagne, le toast suivant : « Au Congrès international de viticulture, dont les éminen' travaux présagent de nouveaux progrès ». Ce discours, très goûté, est également très applaudi. Au nom des congressistes, M. Prosper Gervais répond par ue improvisation à laquelle toute l'assistance fait l'accueil le pli sympathique. Monsieur le Maire. Messieurs. Nous sommes profondément touchés de la réception si cordiali si bienveillante, si vibrante et si chaleureuse que vous nous faitei et je suis certain d'être l'interprète des sentiments unanirnes d mes collègues en vous adressant l'expression très sincère de noti profonde gratitude. En nous accueillant ainsi vous avez certainement voulu nous t< — 350 — moigner votre sympathie. Mais vous avez voulu plus encore : vou? avez tenu à attester aux yeux de tous et notamment des délégués étrangers, la solidarité qui unit la viticulture française dans son ensemble, la sollicitude de la municipalité rémoise pour les inté- rêts viticoles de votre région, et prouver enfin que la vita- lité de la viticulture champenoise n'a pas été atteinte par la crise phylloxérique. De cette réception, je vous suis doublement reconnaissant et comme Français et comme représentant de la Société des Viticul teurs de France, qui est la fédération de toutes les forces viticoles du pays. J'ai eu Toccasion de visiter il y a deux ans, en qualité de pré- sident de la délégation des Agriculteurs de France, le vignoble champenois. J'ai été frappé de sa splendeur et de la facilité que vos vignerons devaient avoir pour traverser la crise phylloxérique. Quant à moi, je suis sûr que la reconstitution de votre vignoble peut se faire sans entamer en quoi que ce soit les sources f'e sa vieille vigueur ; je suis sûr qu'il n'aura aucune peine à maintenir son antique réputation qui est sans égale. Et, en terminant, messieurs, au nom du Congrès, au nom de tous mes collègues, je vous adresse les vœux que nous formons unanimement pour la prospérité de la Ville de Reims, pour la prospérité du vignoble champenois et la prolongation de sa bonne renommée dans le monde. Après ces discours, le Champagne offert par les maisons Krug, Charles Arnould, Heidsieck, Pommery, pétille dans les flûtes ; la glace est rompue ; les groupes se forment, on choque les verres et l'on cause amicalement. Les conversations ne sont interrompues que pour permettre à M. Taïroff, délégué du Ministère de l'Agriculture de Russie, de porter le toast suivant, très court, mais très charmant : c< Au nom des délégués étrangers, dit M. Taïroff, je remercie la municipalité rémoise de son accueil cordial, aussi chaleureux que le généreux vin de Champagne qui nous réchauffe, » De vifs applaudissements éclatent et l'on entend quelques cris de : « Vive la Russie !» M. Charles Arnould, maire, remercie M. Taïroff de ses paroles amicales et, très applaudi a>issi, invite tous les assistants à lever leurs verres en l'honneur des dél.égués étrangers. DEUXIEME JOURNEE Le lendemain jeudi, à huit heures du matin, les congressistes — 351 — I V \ \ \ \ \ ï 1 commencent leur journée par la visite des caves de la maison Heidsieck et C*' et celles de la maison Pommery. Inutile de dire >^ que dans ces deux importants et remarquables établissements, les visiteurs ont été accueillis avec la plus chaleureuse hospitalité, et ont goûté sur place les excellents produits de ces maison^ de pre- mier ordre, dont ils ont admiré le bel agencement. Après cette visite matinale, les congressistes, ayant à leur tête % M. E. Goulden, et accompagnés de plusieurs invités, parmi les- \ quels se trouvaient MM. P. Krug, Charles Arnould, Brisset Possier, Lanson, de Reims, D'Ayala et BoUingen, d*Ay, Couvreur, de Rilly, Loche et Aubert-Lecureux, d'Avize, sont partis par train spécial pour Verzenay, où leur était préparée une réception ma- gnifique dans les celliers de la maison Heidsieck et C**. Avant d'arriver à Verzenay, la machine a stoppé au milieu des vignes et les visiteurs ont pu remonter, par groupes, en admirant la tenue irréprochable de nos grands coteaux, jusqu'au moulin, le point culminant du pays, d'oti Ton est parti pour entrer à Verzenay dont les rues étaient pavoisées et animées comme un jour de fête, car les vignerons avaient quitté leur travail pour saluer l'arrivée de ce cortège dans lequel figuraient des viticulteurs du monde entier. A la porte du cellier Heidsieck et C**, richement décoré, on remarquait une aimable inscription : Honneur aux congres- sistes. Le menu était exquis et composé de façon à marcher de front avec les excellents vins de Champagne qu'on y a dégustés ; aussi tout le monde déjà animé par le parfum pénétrant des vignes en fleur qu'on respire en ce moment dans toute la contrée, y a fait grand honneur. Au dessert, M. E. Goulden s'exprime ainsi : Messieurs, ff Après les paroles si aimables qui ont été dites hier soir par M. le Maire de Reims et par mon ami, M. Krug, président de notre Syndicat des vins de Chamagne, je suis heureux que l'hon- neur me soit échu, en qualité de président de l'Association viti- cole, de vous souhaiter à mon tour la bienvenue dans notre vignoble. Soyez les bienvenus. Messieurs les délégués des nations étrangères et vous. Messieurs les représentants de la viticulture. Je vous remercie, au nom de notre Association et des viticul- teurs de la Champagne, particulièrement ceux de Verzenay, de rhonneur que vous nous faites en venant visiter notre vignoble, dont nous sommes fiers de vous faire les honneurs. — 352 — je remercie tout particulièrement Téminent viticulteur^ M. P. Gervais, secrétaire général de la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie, votre président d'excursion, de vous avoir amenés tout d'abord à Reims, et dans le vignoble de la montagne de Reims. D'avoir choisi Verzenay, Van des plds grands crus de l^a Champagne, pour y faire votre première halte. Il m'a procuré l'occasion d'avoir l'honneur de vous recevoir au- jourd'hui et de vous offrir une frugale collation dans un local dont vous voudrez bien excuser la simplicité. J'ai pensé qu'un lunch dans un vendangeoir serait tout à fait de couleur locale. (Ap- plaudissements.) ' Je remercie MM. les membres du Congrès international, MM. les membres du Syndicat, de l'Association viticole et de la Presse d'avoir accepté mon invitation Lorsque vous aurez parcouru notre vignoble d'une extrémité à l'autre, vous aurez pu vous rendre compte. Messieurs, avec quelle sollicitude le viticulteur champenois surveille et soigne ses vignes, source de son bien-être et de richesse pour la France. Vous vous rendrez compte, Messieurs, que les 17.000 hectares environ du vignoble champenois, l'un des plus beaux fleurons de la couronne viticole de la France, malgré tous les ennemis avec lesquels il est souvent appelé à lutter, peuvent produire au delà de la quantité vraie de vin exportée dans toutes les parties du monde. Vous pourrez dire à ceux qui prétendent le contraire, et ils sont trop nombreux encore, qu'ils sont dans l'erreur la plus absolue. L'ennemi redoutable de tous les pays viticoles du monde est aussi venu s'installer chez nous. Hais nous sommes heureux de le dire, et vous pourrez le constater, que les dégâts qu'il a faits sont de peu d'étendue. Jusqu'à présent sa marche est lente. Grâce à notre mode de culture, à la nourriture abondante que nous don- nons à nos vignes, grâce à toutes ces circonstances particulières, nous parviendrons à conserver encore longtemps nos vieilles vignes champenoises. Il y a deux ans, lorsque la commission d'études des Agriculteurs de France m'a fait l'honneur de visiter notre vignoble de Verzenay. négociants et vignerons, comprenant les intérêts qui les unissent, se sont réunis pour lutter contre l'insecte destructeur. C'est dans ce but, Messieurs, qu'il y a trois ans, les négociants en vin de Champagne ont fondé, en s'imposant de grands sacrifices, l'Asso- ciation viticole, qui a pour but de lutter contre l'invasion du phylloxéra, en encourageant la formation des syndicats commu naux, en leur venant en aide par des subsides en nature et en argent, en étudiant elle-même, les moyens de lutter, de ccnnbattre — 353 — l'ennemi, ttiais aussi en étudiant la reconstitution du vignoble, pour être prêts à tous événements. ' Depuis la date de la fondation de TAssociation, plus de trente-siit syndicats communaux se sont formés, et si Tespace ne m'eût manqué, j'aurais aussi convoqué tout au moins leurs présidents à cette réunion d'aujourd'hui ; ils luttent, mais ils travaillent, eux aussi, à l'étude de la reconstitution, pour être prêts si la lutte contre l'ennemi devenait désespérée. Vous trouverez sur votre parcours beaucoup de plants ainsi greffés et des témoins des essais faits par d'éminents viticulteurs de nos pays. Nous serons tout particulièrement heureux de vous faire visiter les champs d'expériences et la pépinière de l'Associa- tion viticole à Ay. La Champagne, Messieurs, a été attaquée la dernière par le phyl- loxéra. Nous avons donc le grand avantage de profiter de l'expé- rience et des conseils de tant d'éminents viticulteurs des autres régions viticoles de France et de l'Etranger et nous avons l'hon- neur d'en posséder plusieurs parmi nous ici. Grâce à eux, nous pouvons presque dire aujourd'hui avec certi- tude quels seront les porte-greffes que nous pourrons employer si nous devons en arriver à la reconstitution et cela ne sera que si la lutte n'est plus possible. Votre passage en Champagne, Messieurs les membres du Congrès, fera époque dans les annales viticoles de notre région et laissera parmi nous un souvenir d'union et de cordialité entre tous les viticulteurs de France et de l'Etranger. Je bois à la santé de tous les membres du Congrès international, je bois à la prospérité et, à l'union des viticulteurs de tous les pays qui sont représentés ici. M. Prosper Gervais, président de l'excursion répond à M. Goul- den. Voici à peu près le sens de son improvisation : Messieurs, En vérité, c'est un grand honneur pour moi de prendre inces- samment la parole en votre nom pour répondre aux discours si pleins de cordialité qui nous sont adressés. Mais c'est auss] une lourde tâche et je vous demande toute votre indulgence si mes forces me trahissaient pour exprimer notre vive reconnaissance et notre sympathie à ceux qui, à Verzenay comme à Reims, nous font un si chaleureux accueil. C'est la deuxième fois que je viens à Verzenay; j'y retrouve aujourd'hui la même exquise réception dans cette maison Heid- 12 — 354 — sieck qui nous ouvre ses portes. Permettez-moi de remercier, eu votre nom, MM. Heidsieck, Walbaum et Luling ainsi que M. Goul* den qui les représente ici avec une hospitalière bonne grâce assuré- ment sans égale, et de lever mon verre à leur santé. Messieurs, hier, en remerciant à THôtel-de-Ville la municipalité rémoise, j*ai omis de remercier aussi le Syndicat des vins dû Champagne et son dévoué président M. Krug. C'était à dessein, car je savais que j'aurais aujourd'hui l'honneur et le plaisir de dé- jeuner avec M. Krug et je voulais réserver pour cette occasion le devoir, très agréable pour moi, de lui témoigner notre grati- tude. Nous la devons à M. Krug et aux membres du Syndicat qu'il préside, non seulement parce qu'ils ont été nos guides amicaux dans cette visite que nous avons faite à la terre champenoise, mais aussi parce qu'ils s'attachent avec beaucoup de dévouement à sau- vegarder les importants et grands intérêts viticoles de ce pays et de cela je les remercîie au nom de la Société des Viticulteurs de France. Nous ne saurions mieux témoigner notre reconnaissance à nos hôtes qu'en célébrant la gloire du vin de Champagne, un des plus beaux fleurons de la couronne viticole française. Dans un toast récent, on a comparé le vin de Bordeaux à une belle fille blonde et le vin de Bourgogne à une opulente fille brune : le vin de Champagne, c'est la grâce, c'est le charme, c'est l'esprit qui les animent, c'est le philtre mystérieux qui transforme le marbre en une chair vivante et fait de la froide statue de Galathée l'amante passionnée de Pygmalion. Messieurs je bois au vin de Champagne qui synthétise la gloin^ de cette magnifique région. M. Ravez, maire de Verzenay, prononce ensuite les paroles sui- vantes : Messieurs, Permettez-moi de vous dire combien nous sommes touchés de posséder chez nous les membres si distingués du Congrès inter- national de viticulture. J'adresse d'abord mes remerciements au zélé e* sympathique président de l'association viticole champenoise. M. Goulden, de noiis avoir procuré cet insigne honneur. Vous savez tous. Messieurs, les luttes incessantes qu'il nous faut soutenir contre tous les fléaux qui nous assaillent et dont quelques- uns même menacent notre florissant vignoble d'une ruine complète. Quoique le courage ne nous ait jamais manqué, nous serons désor- — 356 — mais soutenus aussi dans notre laborieuse tâche par la pensée q les membres les plus éminents de tous les pays se préocupent ' l'existence et de la prospérité de la vigne qui fournit à l'homr cette boisson si saine et si hygiénique qu'on appelle le vin. Mais s'il en est un que les gourmets apprécient et affectionne d'une manière toute particulière, n'est-ce pas le Champagne, nectar par excellence, qu'on recherche aujourd'hui jusqu'ai confins les plus reculés de la terre? N'est-ce pas cette liquei unique et incomparable, gui répand dans les cœurs une dou gaieté et scelle l'amitié et la fraternité entre les hommes des difl rents peuples. Aussi, Messieurs, je lève mon verre à la France et à son hon rable président ; je salue vos illustres souverains et leurs august familles ; je bois à l'avenir de notre admirable Champagne ( général et de Verzenay en particulier et j'exprime l'espoir qu l'exemple de ce qui se passe dans cette belle, mais trop cour réunion, nos excellents produits contribueront à favoriser l'unie et la sympathie entre vos compatriotes et les nfitres. Puis M. Richez-Péchon Alfred, président du Syndicat ani phylloxérique de Verzenay, s'exprime en ces termes : Le Comité antiphylloxérique dk Verzenay, que j'ai réuni d'u gence à l'annonce de la venue du Congrès international de Vit ■ culture, m'a confié la mission d'être son interprète auprès d£ membres de cette honorable- association, aUn de leur exprimer se sympathiques hommages et de leur adresser ses remerciements le plus chaleureux et les plus sincère'' pour l'honneur que leur v site fait h notre vignoble. Je vous prie. Messieurs, d assurer vos compatriotes que le vignerons de Verzenay sont décidés h lutter avec la plus grand énergie contre l'ennemi qui nous menace et qu'ils sont suffisanr ment armés pour triompher ; car ils sont secondés dans cette t&ch de la façon la plus large et la plus bienveillante, par l'Associatioi viticole champenoise et par d'autres généreux collaborateurs. Ainsi, Messieurs, nous avons la ferme conviction qu'au moyei de ces précieux concours, nous saurons conserver à la Champagn les crus qui constituent l'un de ses plus beaux joyaux et qui pet mettent à MM. les négociants, vous accompagnant ici pour li plupart, d'offrir m mçode entier des vins si estimés et si re cherchés. — 356 — Messieurs, je lève mon verre à vtre santé et à la prospérité de vos compatriotes. M. Goulden reprend la parole et dit : Je ne veux pas que cette réunion se termine sans que j'aie rendu hommage à l'un de nos meilleurs collaborateurs, à M. Ri- chez-Péchon, de Verzenay, qui travaille ardemment à la prospérité de notre vignoble. Il a pris ici la succession de son beau-père. Je tiens à. le féliciter devant vous d'avoir continué la bonne tradition et je souhaite que nous puissions longtemps travailler ensemble. Messieurs, à la santé de M. Richez-Péchon. Et l'assistance d^'applaudir, et d'applaudir encore quand M. Prosper Gervais annonce qu'une médaille de vermeil sera décernée à M. Richez-Péchon, au nom de la Société des Viticul- teurs de France. M. Paillard, Directeur des vignes de la maison Pommery et fils, félicite chaudement M. Richez de la distinction bien méritée dont il vient d'être l'objet et lève son verre à sa santé. Entre temps deux étrangers, le baron de Bohus, membre de la Chambre haute de Hongrie, et M. Buhl, délégué allemand, ont tour à tour porté chacun un toast à la viticulture champenoise. M. J. Krug clôt la série des toasts en portant la santé de M°** Astier qui a suivi avec son mari l'excursion champenoise, et aux dames des congressistes. A la suite de cette brillante et courtoise réception, tout le monde monte dans d'immenses breaks et on quitte Verzenay pour se rendre à Ay par Verzy, Villers-Marmery, Ambonnay et Bouzy: là, les congressistes qui ont admiré les magnifiques vignobles qui se déroulent à perte de vue et augmentent le charme des magnifiques points de vue qu'on découvre à chaque pas, font une halte sur l'invitation de M. Paillard, dans les vastes vendangeoirs de la maison Pommery à Bouzy. Autour d'une table garnie de bouteilles de l'incomparable vin rouge de Bouzy, M. Paillard remercie au nom de la maison Pommery les congressistes français et étrangers, ainsi que leur président, M. Prosper Gervais, pour leur aimable visite et boit à la prospérité de la viticulture française. Mais il est tard ; il faut presser le voyage, on remonte en voiture» on traverse peu après Avenay, puis on côtoie le magnifique et renommé vignoble d'Ay, et on stoppe devant la maison que possède pour ses expériences l'Association viticole champenoise. M. Vemet, le Directeur de cet établissement, montre ses champs d'expérience, ses greffes stratifiées et on se rend dans le hall prin- cipal de l'établissement où une collation était préparée par les — 357 — soins de M. Bollinger et à laquelle on fait honneur en serrant la main de négociants et viticulteur^ de Mareuil et d*Ay venus là pour faire connaissance en toute hâte, avec les congressistes qui ont ensuite pris la route d'Epernay où la journée s'est terminée par un diner à VHÔlel de P Europe. A Ay, nous avons remarqué dans la nombreuse assemblée réunie à la Maison de l'Association Champenoise : MM. Bollinger, d'Ayala, MM. Couvreur-Mennesson père et fils, Dueil, MM. de Montebello, Vallet et Griffon de Mareuil-sur-Ay. TROISIEME JOURNEE Vendredi matin, les congressistes sont partis à & heures 20 du matin, pour Vertus, où de vastes voitures les attendaient pour la visite des vignobles de Vertus et du Mesnil-sur-Oger et de là, revenir à Epernay par Avize et Cramant. Ils ont été reçus par M. Vimont, propriétaire-viticulteur^ au Mesnil-sur-Oger, déjà connu de plusieurs membres du Congrès. Après avoir traversé la ville de Vertus, les visiteurs se sont dirigés vers les vignes en chaintres, situées en plaine sur la route de Vertus au Mesnil. M. Vimont qui possède plusieurs hectares de ces vignes dites à volets, parce qu'au moyen de fortes char- nières, elles peuvent se relever ou s'abaisser pour faciliter et abréger le travail, a entretenu les congressistes des avantages de ce système de plantation nouvelle qui, après les premiers frais d'installation assez importants, offre ensuite une économie de 50% sur la main d'œuvre et donne un rendement double aux vignes en foule. Ce mode de culture a beaucoup intéressé les viticul- teurs. M. Vimont leur a fait une étude comparative entre les vignes en foule dont Tusage sera bientôt condamné lorsque la nécessité obligera à reconstituer en américains, et son système de vignes en chaintres, et a affirmé que les avantages étaient en faveur de ce dernier système, adopté déjà depuis plusieurs années par lui, et qui a donné des résultats très satisfaisants. M. Vimont après avoir présenté aux congressistes, les membres du bureau de la Société de Saint-Vincent du Mesnil, dont il est le président, a engagé les excursionnistes à venir visiter ses pépinières situées à la ferme de Saint-Michel. Tout le monde est remonté en voiture et s'est dirigé vers les pépinières de M. Vimont qui possède plusieurs hectares de plan- tations nouvelles (porte-greffes et producteurs directs) placés mé- — 358 — ihodiquement en face les uns des autres et permettant une étude comparative très intéressante d'américains. Là encore, M. Vimont a fourni aux assistants de précieux ren- seignements à la suite desquels on s'est rendu au Mesnil-sur-Oger où les congressistes étaient invités à déjeuner dans un cellier de M. Vimont. Au dessert, M. Prosper Gervais a remercié M. Vimont pour les explications qu'il a bien voulu donner aux visiteurs sur ses études de plantations nouvelles, et il a porté un toast à la viticulture cham- penoise. . M. Vimont a remercié et a dit en substance que si le commerce ^ie Champagne est très brillant, les viticulteurs sont insuffisam- ment rémunérés de leurs peines et ce qu'il fallait souhaiter, c'est qu'ils deviennent à leur tour plus riches. M. Barathon, porte la santé de M. Prospe* Gervais et lui annonce qu'une souscription a été faite parmi les congressistes pour lui offrir un bronze en reconnaissance du dévouement éclairé qu'il a mis au service du Congrès. On espérait recevoir ce bronze ce matin ; malheureusement il ne sera prêt que dans quelques jours. Des applaudissements éclatent et se renouvellent quand M. Gervais remercie ses collègues de leur touchant témoignage de sympathie. Après quelques paroles de M. Mairie, de Carcassonne, qui porte un toast à Mme Vimont, les congressistes sont remontés en voiture et se sont dirigés vers Cramant au vendangeoir de la Maison Chandon et C**, où M. Raoul Chandon de Briailles les attendait. Après les premières salutations d'usage, les excursionnistes con- duits par M. Raoul Chandon sont partis pour Saran et Chouilly où ils ont pu admirer les luxuriantes vignes de cette contrée ; et une heure après, on stoppait à la maison de commerce de la Maison Moët et Chandon où a commencé la visite des caves et des différents services de la Maison. M. Raoul Chandon guidait les visiteurs et leur fournissait tous les renseignements qu'ils de- mandaient. Après la visite des caves, les congressistes sont allés sous la conduite de M. Raoul Chandon à la station viticole que la Mai- son Chandon vient de faire construire sur la route de Mardeuil. Nous profitons de cette occasion pour faire une description de ce nouvel et important établissement qui consiste : l** En un aménagement pour la multiplication industrielle de la vigne ; 2* Un laboratoire de recherches viticoles ; 3^ Un laboratoire de recherches œnologiques ; L'aménagement pour la multiplication industrielle de la vigne se compose : De sous-sols pour la conservation des bois ; De bassins situés dans les sous-sols et destinés à permettre l'i merston préparatoire des bois pour le grelTage ; D'un atelier de greffage. Cet atelier possède des bacs à rafi thir les porte-greffes et les greffons après leur débit à ia longut voulue et des tables spéciales pour l'exécution du greffage. monte-charge relie l'atelier aux sous-sols ; D'un local pour la mise en caisse des greffes-boutures ; D'une chambre chaude dont tes ouvertures munies de ver dépolis et de stores mobiles laissent pénétrer & volonté une mière plus ou moins forte, mais toujours diffuse. Des rangées supports permettent d'avoir trois séries de caisses superposi dans la chambre chaude. Un bac pour faire baigner les caisses placé au centre de la pièce ; il est alimenté par de l'eau qui t cule dans un chauffe-bain et dont on peut régler la températu Le chauffage de la chambre chaude est obtenu par la circulât! d'eau chaude dans les tuyaux à aillettes logés dans l'épaisseur plancher et recouverts d'une grille en fonte. Ces tuyaux font p lie d'an système de chauffage à chaudière tubulaire. Deux ch. dières, munies de régulateurs de température et de thermomèt avertisseurs, sont placés sous la partie centrale de la terras Elles servent, soit isolément, soit réunies, & obtenir la températi désirée dans la chambre chaude, dans la serre, dans le laborato de recherches viticoles et dans l'atelier de greffage ; D'une serre garnie de gradins qui reçoivent les caisses à leur s tie de la chambre chaude. Un clayonnage mobile laisse pénét dans la serre la lumière indispensable à la bonne préparation ( jeunes pampres. Un bac pour l'arrosage des caisses, de même on gue celui de la chambre chaude, mais de forme différente, logé sous les gradins ; D'un bâtiment annexe. Le sous-sol de ce bâtiment, relié par ii galerie souterraine au sous-sol du bâtiment principal, sert à conservation des bois de greffage. Le rez-de-chaussée est dispi pour recevoir la mousse, le charbon de bois et les châssis. Il co prend en outre un local avec bacs pour la préparation du mélar de mousse et de charbon de bois. Deux vestiaires occupent les trémités de ce bâtiment annexe ; D'une série de châssis permettant d'effectuer hâtivement u plantation de cent cinquante mille greffes-boutures ; De terrains pour pépinières, à sol obtenu artificiellement i le mélange de sable, de terre franche et de fumier très déco — 360 — Le laboratoire de recherches œnologiques fondé il y a cinq ans par M. le docteur Manceau et annexé depuis le mois de jan- vier dernier à l'école de viticulture de la maison Chandon, occupe Taile gauche de l'Etablissement et comprend actuellement dans une partie de l'aile droite de la section viticole un sous-sol, un rez- de-chaussée, un premier et un second étage, ce dernier utilisé comme salle de collection. Voici la description exacte de ce beau laboratoire qui peut pas- ser comme un modèle du genre : Comme disposition intérieure il comprend, sur la surface laté- rale percée de trois larges fenêtres, une longue table d'opale de 6 mètres de longueur. Parallèlement à cette table et dans Taxe longitudinal du labora- toire, une double table également en opale, de 4 mètres de lon- gueur. Sur la paroi opposée, des vitrines renferment les collections de produits. Le développement total des tables est de 14 mètres. Dix prises d'eau, vingt-deux prises de gaz sont réparties de distance en dis- tance. Sur cette étendue sont disposés les appareils ordinaires et d'u- sage courant : Etuve Wiesnegy. bains-marie, burettes graduées, trompe et cloche à vide, toute une série d'appareils à dosages d'al- cool et d'acidité volatile, des calcimètres, etc., etc. A droite et à gauche de la porte d'entrée ont été méhagées deux hottes, ou plus exactement deux vastes cheminées à fermetures vitrées, contenant une grille à analyse, un four à moufle, divers appareils à calcination, des bains de sable, etc. AU fond du laboratoire, une cloison vitrée isole d'un côté la salle des balances et, d'un autre côté, les éviers et les égouttoirs à ver- rerie. Au premier étage, donnant sur un même vestibule se trou- vent : 1"* Un laboratoire de bactériologie, avec grande étuve de Roux, un microscope et les accessoires ordinaires ; 2° Une chambre noire pour la saccharimétrie et pour la pho- tographie : 3"* Le cabinet de travail du directeur et la bibliothèque. Au deuxième étage, un vaste grenier, plafonné sur briques de liège, est utilisé comme salle de collections. Au sous-sol, se trouvent à côté du calorifère desservant tout le — 36i — pavillon, un autoclave, un four à flamber, des alambics en cui- vre, etc. Une petite chambre spéciale, attenante au sous-sol et commu- niquant avec l'extérieur, contient, sur une table en ardoise, les appareils exigés par certaines manipulations désagréables ou dan gereuses. MM. Chandon et C*' onl tenu et tiennent à ce que rien, abso- lument rien de ce que peuvent exiger les recherches scientifiques ne fasse défaut au laboratoire. Aussi est-ce un établissement ries plus complets en a genre. M. Mazade, chef du service des vignes de la Maison, qui ac- compagnait M. Chandon à la visite de ce magnifique établisse- ment, a donné aux congressistes tous les détails techniques sur les procédés pour la multiplication industrielle de la vigne par la greffe-bouture et le greffage sur racines ; puis il a montré le pal injecteur imaginé par la Maison et qui a eu un grand succès. La partie œnologique a été traitée par M. Manceau. Après cette intéressante visite on s'est séparé jusqu'au dîner qui a été offert par M. Raoul Chandon de Briailles dans son hôtel particulier. Avant de se mettre à table M. Taïroff, délégué du Ministre de l'agriculture de Russie, profitant de ce que tous les excursionnistes étaient réunis dans les salons de M. Raoul Chandon a proposé d'envoyer l'adresse suivante à M. Dupuy, ministre de l'agricul ture. f * Epernay, 29 juin 1900. Les excursionnistes du Congrès International de Viticulture à Monsieur Jean Dupuy, ministre de l'agriculture. Monsieur le Ministre, Après avoir parcouru les grandes régions viticoles • de la France nous sommes heureux de constater le superbe état du vignoble français au point de vue de sa grande fertilité, de l'abondance de ses produits et du maintien de la parfaite qualité de ses crû? renommés. Cette grande œuvre de reconstitution fait l'honneur de la viti culture française. Nous vous serons reconnaissants de faire part aux sympathiques populations du Bordelais, du Midi, de la Bour gogne et de la Champagne, de l'accueil chaleureux qui nous a ét>* — 362 — fait et auquel ont contribué tant de Sociétés viticoles, de persoo n^lités marquantes, et de municipalités. Cette magnifique excursion à travers les vignes de France cl6 ture dignement le Congrès international organisé par la Société des Viticulteurs de France et d'ampélographie et nous reportons tout l'honneur de sa direction à son éminent et infatigable secré- taire général, M. Prosper Gervais. Nous en conserverons un souvenir impérissable. En félicitant la viticulture française, les congressistes étrangers et français présentent leurs respectueux hommages au chef de TAgriculture française, grand viticulteur lui-même. Cette adresse accueillie, avec enthousiasme est signée séance tenante par tous les congressiste:». Le dîner a eu lieu dans les magnifiques jardins de Thôtel de M. Raoul Chandon. Dissimulée dans les charmilles se trouvait rharmonie de la Maison qui a ïait entendre durant tout le repas, qui était succulent, ses plus harmonieux morceaux. Au dessert, M. Prosper Gervais a remercié chaleureusement M. Raoul Chandon pour son aimable réception et au nom de la Société des Viticulteurs de France et d*ampélograqhie, il annonce qu'il est décerné une grand Diplôme d'Honneur à M. Marcel Mazade, chef du service des vignes ; Une médaille de vermeil à M. Isaï Bossois. à Mailly, chef-vigne ron à la maison Moët et Chandon depuis 40 ans, fils de M. Louis Bossois, qui a exercé les mêmes fonctions de 1868 à 1891 ; Une médaille d'argent à Madame Nicaise-Paulet, attachée à la Maison depuis 1869, fille de M. Paulet, chef-vigneron à la Maison de 1869 à 1884 ; Une médaille d'argent à M. Lemaire Eugène, dit Lamy, chef ou- vrier vigneron à l'école de Viticulture de la Maison Moët et Chandon. M. Raoul Chandon a remercié à son tour en disant qu'il était d'autant plus attaché à la viticulture que dans sa famille, on se succédait de père en fils dans cette belle profession. M. Taïroff au nom des délégués étrangers adresse l'expression de leur recon- naissance à M. Chandon. M. Krauer délégué Suisse, au milieu des applaudissements, bpit à la prospérité de la Maison Chandon Widmer et C'\ C'est le mot de la fin ; on se dirige vers la gare et le train part a 9 heures emmenant les congressistes enthousiasmés de leur voyage et des réceptions qui leur ont été faites par les Champenois. FIN TABLE DES MATIERE OrgaaiBation dn Congrès CommiBsion d'organisation Bèglement du Congrès Programme dn Coagrès Liâtes dea adhéreuta au OoDgrès DéléguéB officiels étrangers Délégués officiels français Délé^és de Sociétés et jonrnauz agricoles étrangers Membres étrangers Membres français Compte rendu des séances Séance du mercredi 13 juin (matin) Disconrs de M. Tisserand Nomination dn Bnreau du Congrès k ' ' * Rapport de M. Poëjt (La Crise pA^floxériffue en France). . . , Oiscussioa dn Rapport Séance dn mercredi 13 juin (après-midi) Communication de M. Mach Rapport de M. Prosper Gervaia (La Reconstitution du viffnobU). Discussion du Rapport Communication de M. Grimaldi (Réiiilantt à la siehereite). . ■ Diecuaaion CommnnicatîoD de M. de Mlafosse Communication de M. de Malafoaae (ProdiKieurs directs). . . . Séance dn jeudi 14 juin Communication de M. Pierre Viala (Maladies de ta vîffne). . . Communication de H. Caieanx-Cazalet Séance dn vendredi 16 jnin Communication de M. Ottavi (Les canons contre la gréie). Communication de M. Vermorel Rapport de M. Gayon (Maladies da vinj DiacussioD' Communication de M. RoaentieU Communication de M. Paul Communication de U. Andrieu Bmedi 16 juin 277 M. le docteur Cbarrin (Le vin et rhygiÈne) 278 294 Calvet, sénateur 296 ion de M. EacUvy 296 du Férier de LorEan, député 800 Turrel, ancien ministre 301 iptioD des vœux 302 et 303 tf. Conanon (Etablisiement d'une ampSographie u'iûveridle). 303 805 d'une Commission internationale 306 Congrès 807 17 juin 308 . TisBerand. 808 le Ministre de l'Agriculture 314 du Mérite agricole 318 Prosper Gerraie 318 Basile T^rofE 320 deCandoUe 320 Saint-René Taillandier 824 Titicoles 326 des excursions 826 ans le Bordelais 328 ms le Midi 334 ins la Bourgogne 840 >ns la Champagne 3*5 m 81922 - Soùélt uanjme de PnbliuUnDi pirïodiqnH, II, qail Voluin.